Fait assez rare pour être relevé : LinuxFR.org, fameux site contributif « géré par une équipe bénévole par et pour des libristes » vient d’être mis en demeure pour un journal, promu en dépêche, accusé d’être une copie bien trop servile de deux billets de blogs.
Un certain Florent Gallaire a fait adresser par l’intermédiaire de son avocat marseillais, une mise en demeure à l’attention de LinuxFR.
Il voudrait que soient précisés, à la suite d’une dépêche, plusieurs mentions comme son nom, en tant que prétendu auteur original, tout en intégrant un lien vers la licence « CC BY-NY-SA » (sic) et ses deux articles de son cru, le tout accompagné d’« une courte phrase d'excuse » à son attention.
Sinon ? Il menace d’utiliser toutes les voies de droit, et donc en creux une possible action en contrefaçon. Mais qu’est-ce qui a provoqué ce courroux procédural ? Selon ce post de Benoit Sibaud, l’un des webmestres de LinuxFR, tout est parti de ce journal du 17 avril 2017 signé d’un contributeur dénommé kantien, texte depuis promu en dépêche modérée.
Une contrefaçon, selon son avocat
« Ce journal, assure l’avocat, est une contrefaçon des deux articles annuels écrit par Monsieur Florent Gallaire (traditionnels depuis 2011) sur l'élection du DPL (Debian Project Leader, ndlr) datant du 12 mars 2017 et du 16 avril 2017. » Et le cabinet de surligner les différents passages qui auraient été repris sur LinuxFr, en violation des textes de Florent Gallaire, comme illustré par cette capture, extraite de la mise en demeure :

Des similitudes liées donc au nom des DLP, aux dates, aux résultats et un message de soutien qui iraient bien au-delà de l’inspiration feutrée : « non seulement les passages entiers de l'article de M. Gallaire sont repris, mais la structure même de l'article contrefaisant est identique à ceux de mon client » tambourine l’avocat, pour qui, pas de doute, « le fait que les deux articles de M. Gallaire apparaissant en tête des résultats Google sur la recherche "DPL 2017" est clairement la cause de la contrefaçon. »
Après la menace, un peu d’apaisement : selon lui, son client « n'est pas opposé à un règlement amiable de ce différend. Il attend de votre association qu'elle respecte purement et simplement les valeurs que votre site LinuxFr.org est censé défendre, à savoir le respect des licences libres ».
LinuxFR rappelle suivre l’élection du Debian Project Leader depuis 2001. On remarquera d’ailleurs qu’en 2007, par exemple, il faisait déjà état de la méthode de Condorcet pour cette fameuse élection.
Aucun accord trouvé entre l'avocat et LinuxFR
S’agissant spécifiquement de la brève de Kantien, Benoît Sibaud n’a rien à redire : « Le journal de Kantien est sobre : dates, candidats, programmes, type de scrutin, résultat et félicitations. La dépêche est plus étoffée, avec divers ajouts (méthode Schulze, compléments suite aux commentaires du journal, liens vers d'autres méthodes de vote, plein de détails sur le programme du gagnant) ».
Bref, LinuxFr ne peut répondre favorablement à ces demandes. Aucun accord n’a été trouvé entre les parties, le site a dès lors préféré médiatiser cette démarche. Si l’affaire va au fond, un tribunal de grande instance devra, avant de constater une hypothétique contrefaçon, déterminer d’abord si l’on est bien dans le champ du droit d’auteur.
Déjà, contrairement à ce qu'annonce l'avocat, le fait que les deux articles soient plus ou moins en tête sur Google avec la recherche « DPL 2017 » n'est pas la cause de la contrefaçon, mais le résultat d'un référencement. Nuance subtile...
S'agissant du droit d'auteur, la Cour de justice de l'Union européenne a déjà souligné que « le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction dont jouit l’auteur s'applique à une « œuvre », à savoir une création intellectuelle propre à son auteur. La protection s'étend aussi aux parties d'une œuvre, dès lors qu’elles participent, comme telles, à l’originalité de l’œuvre entière et qu’elles contiennent certains des éléments qui sont l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur de cette œuvre » (décision Infopaq, résumée par la Commission européenne).
Le critère de l'originalité
Ce n’est qu’une fois ces étapes vérifiées que « l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » (article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle).
Il reste ainsi pour le moins hasardeux que les dates utilisées dans les billets respectifs, les noms des candidats, le type de scrutin, les résultats et les messages de félicitations puissent tomber dans ce champ. Difficile d'ailleurs de parler d’une élection sans évoquer ces données sous une telle structure de présentation.
Florent Gallaire avait déjà eu les honneurs en 2010 d’un billet de Maitre Eolas. A l’époque, il avait diffusé en PDF et sous licence libre le livre La Carte et le Territoire considérant, à la lecture d’un article de Slate, que l'oeuvre de Houellebecq était entachée d’un plagiat de Wikipédia. En décembre 2010, « sans reconnaître aucun délit et en maintenant totalement la pertinence de mon analyse juridique », Gallaire avait accédé à la demande de Flammarion.