Derrière les plantages d'OVH, la question de la transparence dans la communication

À quand la story Snapchat ?
Derrière les plantages d'OVH, la question de la transparence dans la communication
Crédits : mediaphotos/iStock

Que faire lorsque vous êtes un hébergeur français d'importance, et que des milliers de sites ne sont plus accessibles en raison d'une série de pannes ? OVH a décidé de répondre par le détail et la technique, quand d'autres sociétés sont plus opaques en cas de souci.

Panique sur le web francophone jeudi dernier : OVH est tombé. Et il ne s'agissait pas d'une simple panne sur quelques serveurs, mais bien d'une série de soucis qui allaient mettre plusieurs jours à se résorber. C'est en effet seulement vers 9h ce matin qu'Octave Klaba, PDG et fondateur de l'hébergeur, a déclaré l'incident comme entièrement clos.

Nous ne reviendrons pas ici sur les raisons techniques de cette indisponibilité, ou même sur le fait que ce n'est pas le premier problème d'ampleur pour le français, qui est déjà tombé sur un os au début de l'été. Attardons-nous plutôt sur notre manière de réagir face à un tel évènement et à la communication d'OVH qui se veut toujours aussi « directe ».

OVH, un acteur d'importance dans le monde francophone

On peut déjà constater qu'il serait difficile pour OVH de se cacher lorsqu'il subit une panne d'ampleur. La société héberge des millions de sites en France et ailleurs, en direct ou via des intermédiaires, que ce soit pour des particuliers, des associations, des mairies ou même de grandes sociétés.

C'est d'ailleurs lorsque l'on a vu des sites comme celui de BFM / 01Net ou encore des services tels que Cozy Cloud ne plus répondre que l'on a commencé à comprendre l'ampleur des dégâts. Mais d'autres témoignages montrent à quel point OVH peut constituer un SPOF (Single Point Of Failure) francophone : des solutions domotiques aux outils de skippers.

De quoi relancer le débat sur la centralisation de l'internet français, mais aussi le manque de diversité, les entreprises étant une nouvelle fois invitées à ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. On regarde alors avec malice celui qui vend cher des prestations derrière lesquelles se cachent une simple offre mutualisée d'OVH. 

Tant de sujets qui, comme à chaque problème massif sur la question de la sécurité, des sauvegardes ou de la dépendance à des tiers... seront oubliées la semaine suivante. Sacrifiés sur l'autel de la simplicité et du moindre coût. Au mieux, certains iront chercher à négocier de meilleures indemnisations en cas de panne.

Une solution qui sera sans doute plus simple que de suivre les recommandations coûteuses de ces fous de la technique qui parlent sans cesse de PRA (Plan de Reprise d'Activité). D'ailleurs, cela ne protège pas de tout. La preuve, chez OVH c'est en partie la redondance qui a été défaillante ce jeudi. 

En cas de problème, la question de la transparence

Dès l'apparition des premiers messages d'erreur, les messages se sont multipliés sur les forums, les réseaux sociaux et nous avons comme toujours rapidement reçu de premiers témoignages de lecteurs. Bref, « tout le monde en parle ». 

Dès lors, il y a deux solutions pour une société touchée par une telle panne : s'abriter derrière le service client et le support technique, en attendant d'avoir de bonnes nouvelles à donner et de comprendre ce qu'il se passe... ou y aller de manière plus directe.

En tant que journalistes, nous voyons assez bien les différentes approches selon les cas. Lorsque les comptes Twitter se mettent à répéter en boucle les mêmes informations floues, c'est mauvais signe. Car cela nous annonce en général que lorsque nous allons tenter d'en savoir plus, on nous promettra de se renseigner pour nous en dire plus, « plus tard ».

Cela signifie, en général, que l'on aura dans le meilleur des cas droit à une réponse en une ligne. Nous avons récemment eu le cas avec la panne de SFR ou celle d'OCS. Ce second cas est d'autant plus intéressant que nous avions demandé à OCS un post-mortem lors de ses pannes à répétition cet été, sans succès.

En bout de course, nous avons par contre eu droit au fameux « Notre service a été victime de son succès »... comme si mal dimensionner son infrastructure était une bonne chose, à la manière d'un lancement avec une pénurie organisée. En réalité, ce sont surtout de clients pénalisés dont il est question, qui paient pour un service qui ne fonctionne pas. Ce, sans proposition d'indemnisation... à moins d'aller faire chauffer les oreilles de pauvres téléconseillers qui n'y sont pour rien.

Et si on se mettait la tête dans le sable ?

Ce mal est d'ailleurs courant et passe parfois inaperçu malgré son ampleur. Prenez par exemple myCanal qui souffre de déconnexions lors de périodes d'affluences comme pendant de gros matchs. Les forums évoquent ce problème de manière récurrente mais le groupe ne communique pas sur le sujet et répond assez peu à ses clients qui s'en plaignent publiquement. Il devient ainsi invisible, ou presque. 

Que dire de Bouygues Télécom et son offre 4G Box. Lancée en grandes pompes au début de l'année, elle fait l'objet de larges campagnes promotionnelles. Pourtant, sur Twitter, on ne cesse de voir des clients se plaindre de la limitation de leur ligne de manière croissante depuis avril / mai, une pratique qui nous avait été annoncée comme exceptionnelle lorsque nous avions révélé ce point peu après le lancement.

Interrogé plusieurs fois sur le sujet, l'opérateur n'a jamais donné suite à nos questions espérant sans doute que le problème reste sous les radars. Ce ne sera pas le cas, c'est promis.

Suivi de l'incident et post-mortem : de bonnes pratiques

OVH a de son côté opté pour une autre solution : celle du contact direct et franc. Cela comporte parfois quelques erreurs, les réactions des clients et des internautes se font « à chaud »... mais celui qui cherche des informations peut les trouver, et avoir des détails en complément d'une réponse plus précise le concernant à travers les canaux classiques.

Comme souvent dans ce genre de cas, c'est Octave Klaba qui est allé en première ligne sur Twitter (en complément du compte officiel). Le service permettant de suivre les travaux d'OVH étant en panne, et sans doute d'autres outils de communication avec les clients, il a détaillé le problème dès les premières heures jeudi, jusqu'à sa résolution ce matin.

On peut parfois trouver cette expression publique problématique chez OVH. Elle l'était surtout lorsqu'elle était l'occasion d'effectuer des annonces qui ne correspondaient pas toujours à quelque chose de concret quelques mois plus tard. Mais en cas de panne importante, elle est un atout. 

Notamment parce qu'elle permet de rendre visible le fait que les équipes sont sur le pont, de mieux se rendre compte de l'ampleur de la mobilisation qui se cache parfois derrière l'impression qu'il suffit de redémarrer quelques serveurs et une alimentation électrique pour régler un problème de cette ampleur. Tant sur le plan matériel que logiciel.

Surtout qu'elle s'est accompagnée dans le même temps de publications détaillées permettant d'obtenir un post-mortem assez complet. Un élément d'importance pour qui travaille dans le secteur, tant il peut permettre d'échanger sur les pratiques en cas de problème et de se poser la question : et si cela venait à m'arriver, quelles sont mes procédures ?

Vient ensuite le temps d'une communication plus institutionnelle, à froid, avec un niveau de détail moindre. C'est d'ailleurs ce qui a été fait aujourd'hui par la société à travers la publication d'un communiqué de presse ce matin. 

It's communication, stupid

Bien entendu, il peut être facile de se dire que cette communication à chaud n'était qu'une manière de rester « dans son jargon en se protégeant derrière comme une carapace » et de penser que le patron « est payé pour que la technique fonctionne de façon optimale, de manière discontinue » et rien d'autre.

D'ailleurs « les patrons de PME, ou indépendants (commerçants, artisans, professions libérales,…) qui composent la majorité de ses clients, n’y connaissent rien à la technique [et] se moquent de connaître les conditions du downtime de Rbx. Ils souhaitent simplement qu’on leur dise à quelle heure ils vont pouvoir revoir leurs salariés travailler dans de bonnes conditions ou encore pouvoir recevoir leurs commandes normalement ». 

Après tout, on pourrait penser que le rôle d'Octave Klaba aurait avant tout dû être de s'excuser avant de donner une heure de retour à la normale qu'il ne pouvait pas connaître, à des milliers de clients qui sont dans des situations très diverses en fonction du ou des produits qu'ils utilisent.

Une manière de « remettre les préoccupations des clients au cœur du business ». Car après tout, les informer dans le détail sans les prendre pour des demeurés de la technique, ce n'est clairement pas la bonne chose à faire.

La transparence ou les GIF

Certes, la communication d'OVH est parfois imparfaite. Nous avons déjà eu l'occasion de le constater et de le relater par le passé. Peut-être la société devrait-elle embaucher des cadors de Twitter et de Snapchat pour diffuser des GIF de licornes pour mieux expliquer ce qu'elle est en train de faire au quidam qui se moque de la technique. C'est une idée.

Mais elle ne devrait pas être attaquée sur sa transparence technique, plutôt exemplaire dans le cadre de cette panne, et utile à tous ceux qui travaillent dans le secteur et/ou pour les clients d'OVH. Ces deux approches, qui visent des besoins différents, sont ainsi plutôt complémentaires et ne doivent pas être opposées.

Et s'il s'agit de demander des comptes et de donner des leçons... c'est plutôt à ceux qui se contentent d'esquiver les questions, qui cherchent à noyer les problèmes et qui se félicitent de leur succès lorsque leurs clients font face à un message d'erreur qu'il faut s'adresser. 

Ceux-là sont plus nombreux, ont plutôt tendance à se cacher. Pour autant, il ne faut pas cesser de les débusquer, de les interroger et de les pousser dans leurs retranchements jusqu'à ce qu'ils adoptent une meilleure attitude. Un rôle qui est aussi celui de la presse spécialisée, que nous comptons bien continuer de jouer.

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