Le 27 septembre dernier, deux experts de l'ONU demandaient à la France de rendre conforme son projet de loi antiterroriste avec ses obligations internationales en matière de droits de l’homme. Près d’un mois plus tard, Paris n’a toujours pas répondu.
Le haut-commissariat aux droits de l’Homme de l'ONU s’était alors vivement inquiété du respect de la France avec ses engagements internationaux et spécialement le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Certes, après les attentats du Bataclan, le pays avait pris soin d’enclencher une procédure rare, inscrite au paragraphe 3 article 4 du Pacte qui l’autorise durant l’état d’urgence, à ne plus respecter certaines garanties : la prohibition des détentions arbitraires (article 9), la liberté de circulation (12) ou encore celle qui interdit les « immixtions arbitraires ou illégales » dans la vie privée des personnes (17).
Dans cinq jours, la France sortira de cette situation exceptionnelle, comme s’y était engagé le candidat Emmanuel Macron. Mais « dans le même temps », le nouvel exécutif a fait adopter un projet de loi transférant dans le droit commun plusieurs des mesures programmées par la loi de 1955, non sans les adapter.
Une série d'inquiétudes
Cette poudre de perlimpinpin n’a pas fait mouche aux yeux de Fionnuala Ní Aoláin, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la protection des droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, et Michel Forst, rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme. Tous les deux ont dénoncé une « normalisation des pouvoirs octroyés par l'état d'urgence » à la lecture des dispositions du projet de loi désormais définitivement adopté.
Dans ce courrier adressé à la représentation permanente française, l’exécutif français, ces experts mettent en lumière des risques prévisibles quant à « l’exercice du droit à la liberté et à la sécurité personnelle, du droit d'accès à la justice, à la liberté de circulation, la liberté de réunion et d'association pacifiques, la liberté d'expression et la liberté de religion ou de conviction ». Et ceux-ci de rappeler que la dérogation prévue par le Pacte « ne donne pas une carte blanche permettant d’ignorer l’ensemble des exigences de ces conventions ».
Le courrier adressé le 22 septembre sollicitait une série d’explications relative à ces inquiétudes, mais aussi si les mesures que la France entend mettre en œuvre pour assurer la stricte compatibilité de la loi en formation avec le pacte. « Veuillez fournir des précisions sur les mesures prises par le gouvernement français pour veiller à ce que les dispositions du projet de loi ne contribuent pas à la normalisation des pratiques exceptionnelles » exhortait le courrier avant de finir sur cette demande :
« Veuillez m'informer s'il est prévu d'établir un ou plusieurs mécanismes transparents de surveillance et de suivi sur l’action des préfets et les pratiques de la police, afin de garantir et d’offrir un recours effectif contre toute discrimination et les abus de pouvoirs possibles de ces autorités ».
Obligation de répondre rapidement
Dans une résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme en septembre 2016, il avait été demandé à tous les États, dont la France, « de coopérer pleinement avec le Rapporteur spécial dans l’accomplissement des tâches et des fonctions qui lui sont confiées, notamment en répondant rapidement aux appels urgents et en communiquant les renseignements demandés, et d’envisager sérieusement de donner une suite favorable aux demandes de visite du Rapporteur spécial ».
Plus d’un mois après le courrier des rapporteurs spéciaux, la France n’a toujours pas répondu, alors que le texte est désormais adopté et qu’aucune transmission au Conseil constitutionnel n’est visiblement envisagée.