La blockchain de Bitcoin se prépare à un nouveau fork. Celui-ci doit donner naissance à Bitcoin Gold, une crypto-monnaie reprenant l'historique de transactions de Bitcoin et l'algorithme Equihash, en lieu et place de SHA-256. Objectif : réintroduire le minage par GPU et permettre à n'importe qui de contribuer.
Plus que jamais, la communauté Bitcoin (BTC) se divise. Outre les querelles de clocher concernant l'adoption de SegWit, puis de SegWit2X et celles autour du Bitcoin Cash (BCC), une nouvelle épreuve se dresse à l'horizon. Il s'agit d'un nouveau hard-fork baptisé Bitcoin Gold (BTG), dont la promesse se résume en un slogan : « make bitcoin decentralized again ».
Bitcoin, une blockchain décentralisée... mais pas trop
Pour justifier cette punchline, les créateurs de Bitcoin Gold s'attardent sur le matériel nécessaire pour miner des bitcoins. Il y a quelques années, un simple processeur de PC de bureau suffisait à glaner un bitcoin en quelques jours, voire quelques heures au tout début.
Aujourd'hui, il faut s'équiper de matériel spécialisé, conçu pour l'algorithme SHA-256 utilisé par la crypto-monnaie. Ces ASIC (Application specific integrated circuits) sont produits par un nombre restreint d'entreprises, dont la plus importante (Bitmain) détiendrait environ 70 % du marché.
Une situation intenable aux yeux des créateurs de BTG, puisque ce fabricant pourrait selon eux « tenir en otage l'ensemble du réseau ». Par ailleurs, il est difficile pour un particulier de s'équiper de ces puces, puisque les premiers modules rentables sont vendus à plus de 1 000 dollars l'unité, sans alimentation (pour une puissance dépassant le kilowatt).
Autre problème, une poignée de mineurs génèrent la majeure partie de la puissance de calcul du réseau Bitcoin, ce qui est à l'origine de divers problèmes, notamment lors de l'adoption de nouveaux protocoles. Pour SegWit par exemple, une large frange de la communauté côté utilisateurs (particuliers, entreprises, plateformes d'échange...) se disait en faveur d'un passage à SegWit pour fluidifier les transactions.
Problème, pour adopter cette mesure, 95 % des mineurs du réseau devaient se prononcer en sa faveur. Or il a fallu attendre la signature d'accords à New York pour que la mesure soit adoptée. 58 entreprises concentrant 83,28 % de la puissance de calcul déployée sur la blockchain y étaient représentées.
Comment décentraliser davantage Bitcoin ?
Pour remédier à ce problème de concentration, les créateurs de Bitcoin Gold veulent tout simplement changer l'algorithme de hachage utilisé pour les transactions, abandonnant SHA-256 au profit d'Equihash, actuellement utilisé par Zcash par exemple.
Cet algorithme étant très dépendant de la quantité de mémoire vive disponible, un GPU que tout un chacun peut se procurer aisément (quand il n'y a pas de rupture de stock) peut assez facilement le résoudre.
En ouvrant ainsi le minage de Bitcoin Gold à quiconque possède un GPU, ses créateurs espèrent ainsi « se rapprocher de la vision originale de Satoshi Nakamoto » (qui peut se résumer à « one CPU, one vote ») et surtout inciter davantage de personnes à maintenir le réseau, afin d'éviter une concentration trop importante.
Le jeu des sept différences
Si la principale différence entre BTG et BTC reste le changement d'algorithme pour fournir la preuve de travail, les modifications ne se limitent pas à ce seul point, aussi important soit-il. La manière dont la difficulté du minage est ajustée fait elle aussi peau neuve. Dans le cas de Bitcoin, elle est recalculée tous les 2016 blocs afin de viser une moyenne de 10 minutes entre chaque bloc.
Bitcoin Cash avait déjà revu ce principe en ajoutant une modulation d'urgence en cas de variation brutale de la puissance de calcul disponible. Une idée intéressante sur le papier mais dont le fonctionnement en pratique reste catastrophique. Régulièrement, et malgré les réajustements, il est ainsi arrivé que plus de 50 blocs soient minés en une heure (au lieu de 6 normalement), tandis qu'il s'est parfois écoulé plus de deux heures entre deux blocs.
De son côté, Bitcoin Gold propose un réajustement automatique de la difficulté après le minage de chaque bloc, en ciblant toujours un intervalle moyen de 10 minutes.
La structure des adresses devrait également changer afin de marquer une différence plus nette entre une adresse BTC et une adresse BTG. Historiquement, lorsqu'un hard-fork est engagé, les adresses utilisées par les deux crypto-monnaies restent semblables. Par exemple, les adresses Bitcoin et Bitcoin Cash commencent généralement par le chiffre 1.
Or, envoyer des BTC sur une adresse BCC (ou inversement) peut causer la perte pure et simple de l'argent transféré et il est difficile de distinguer les unes des autres. Bitcoin Gold prévoit donc l'utilisation d'un autre préfixe pour les adresses, qui reste encore à déterminer.
Comment récupérer ses BTG ?
Selon les créateurs de BTG, toute personne disposant d'un portefeuille contenant des BTC au moment du minage du bloc 491 407 de la blockchain Bitcoin sera automatiquement créditée d'autant de BTG. Cependant, ceci n'est valable que si vos bitcoins se sont pas stockés sur une des plateformes d'échange ayant choisi de ne pas soutenir l'initiative.
Coinbase, Kraken ou encore Poloniex, qui font partie des plateformes les plus influentes ont ainsi choisi pour diverses raisons de ne pas supporter ce fork. Coinbase invoque le principe de précaution, au regard de l'impossibilité pour le moment de passer en revue le code source de BTG. Par conséquent, ces services n'ont pas crédité de Bitcoin Gold à leurs clients et n'envisagent pas pour le moment d'en permettre l'échange. D'autres, moins regardants, permettent déjà d'échanger des BTG, avec un taux qui gravite autour des 400 dollars pour le moment.
En cas de refus d'une plateforme d'échange de créditer les BTG dus, les clients n'ont cependant aucun moyen de faire valoir leurs droits. « Bien qu'elles devraient créditer votre compte avec le montant requis de BTG, aucune autorité légale ne peut forcer les plateformes à le faire », peut-on ainsi lire dans le livre blanc de Bitcoin Gold.
Quand Bitcoin Gold sera-t-il opérationnel ?
Le lancement de Bitcoin Gold doit se faire en plusieurs étapes. La première consiste à prendre une photographie de la blockchain de Bitcoin au moment du minage du bloc 491 407, ce qui a été fait dans la matinée du 24 octobre. La blockchain de BTG reprendra les 491 406 premiers blocs de celle de Bitcoin, qu'elle aura copiés, puis ajoutera les siens à la suite.
L'équipe de Bitcoin Gold se donne « quelques jours » pour préparer les nœuds du réseau qui accueillera les mineurs. Pendant ce temps de « préparation » plusieurs centaines de blocs seront minés par les créateurs de la nouvelle chaîne, afin de récolter 0,476 % de la masse totale de BTG en circulation, soit environ 100 000 BTG... ou 40 millions de dollars au cours actuel.
Une fois cette étape terminée, le réseau sera ouvert à tous et n'importe qui disposant d'un GPU et d'un client compatible pourra commencer à miner du Bitcoin Gold. Cette ouverture est attendue autour du 1er novembre prochain.
Les créateurs se réservent une part du pré-minage
La ponction de 100 000 BTG n'est toutefois pas vue d'un très bon œil par la communauté, qui y voit tout simplement une arnaque, notamment parce que 5 % de cette somme doit rémunérer immédiatement l'équipe qui a mis le projet sur pied. Dans leur ensemble, les fonds seront répartis comme suit :
- 40 % débloqués immédiatement, dont :
- 7 % pour le financement de bounties récompensant le développement de fonctions
- 5 % pour les coûts liés à la préparation du fork
- 3 % pour le développement de la communauté
- 5 % pour les fondateurs
- 20 % pour les dépenses de fonctionnement de l'année à venir
- 60 % débloqués sur trois ans à raison de 20 % par an, dont :
- 30 % pour le développement
- 15 % pour la croissance de l'écosystème
- 15 % pour la communauté
Une promesse est faite : l'ensemble des dépenses « significatives » seront répertoriées de façon transparente « selon les meilleures pratiques observées dans des projets open source similaires », sans plus de détail.
L'absence de figure connue (en tout cas favorablement) dans l'univers des crypto-monnaie est également un frein à l'adoption de Bitcoin Gold par une partie des adeptes de Bitcoin. Le développeur principal n'est par exemple connu que par son pseudonyme, ce qui soulève des questions sur les raisons qui l'incitent à garder l'anonymat.
La méthode La RACHE
Si des bounties sont bel et bien prévus et s'affichent sur la page GitHub du projet, une partie de la communauté souligne l'amateurisme de l'équipe en charge.
Par exemple, le site officiel de Bitcoin Gold indique qu'une protection anti-replay est déjà implémentée dans le protocole, ceci afin d'éviter que des transactions soient validées à la fois sur la blockchain BTC et sur celle de BTG. C'est un élément absolument indispensable au bon déroulement du fork.
Or, sur GitHub, il apparait que cette protection n'a pas encore été implémentée, et qu'un bounty de 250 BTG est proposé à quiconque apporte une solution fonctionnelle. À quelques jours seulement de l'ouverture complète, il s'agit d'un très gros problème, mais cela met surtout en lumière la communication imparfaite de l'équipe, qui peut être comprise comme une volonté de tromper les futurs utilisateurs.