Il n'y aura finalement pas eu de modification à l'article 4 du projet de loi de finances pour 2018 visant à mettre fin à l'optimisation fiscale de certains opérateurs à travers la TVA sur la presse. Si le vote des députés est confirmé au Sénat, cette pratique sera donc limitée à compter du 1er janvier, sans que l'on sache ce qu'il en est pour les facturations passées.
C'est ce samedi qu'était examiné l'article 4 du projet de loi de finances pour 2018, qui vise à mettre fin à l'optimisation fiscale utilisée par certains opérateurs et FAI, à travers l'intégration de services de presse présentés comme « offerts ».
Ces derniers étaient surtout généralisés à l'ensemble du parc afin de permettre de réduire la TVA payée par le contribuable, et donc augmenter le revenu hors taxe de ces sociétés sous couvert d'une remise de couplage, que le service de presse soit utilisé ou non par les clients.
Nous avons longuement évoqué cette méthode dans un précédent article mais aussi au moment de la mise en place du premier dispositif du genre, SFR Presse, qui menait parfois à des TVA... négatives.
Un débat sur les aides à la presse... et Mediapart
Cet article 4 n'a pas été spécialement contesté sur les bancs de l'Assemblée. Alors que l'on pouvait s'attendre à des amendements défendant la position des opérateurs, cela n'a pas été le cas.
Seule Emmanuelle Ménard, députée non inscrite de la sixième circonscription de l'Hérault, juriste et journaliste, a tenté de faire supprimer le deuxième alinéa de l'article 298 septies du Code général des impôts qui introduit le taux de TVA réduit à la presse en ligne pour « traiter le problème à la racine » en faisant référence plusieurs fois à Mediapart et en critiquant les aides à la presse de manière générale.
« La presse en ligne ne représente pas le même métier que la presse papier, exercé sur des supports différents, comme ses propres représentants le soutiennent, mais bien une prestation différente à très forte valeur ajoutée, qui utilise, pour ne pas dire subtilise, le privilège fiscal accordé au lendemain de la guerre à la presse papier afin d’augmenter les marges commerciales déjà bien confortables permises par les nouvelles technologies. Et cela, avec la bénédiction d’une presse papier inquiète de voir son privilège lui-même discutable de TVA super-réduite remis en cause » argumenta la députée, évoquant le fait que ce taux est contraire à la directive TVA du 28 novembre 2006.
Sur ce point, le rapporteur général du texte, défavorable à l'amendement, a précisé qu'« une directive permettant les taux réduits de TVA pour les services électroniques de ventes de livres et de publications de presse est en passe d’être adoptée. Seule la position de la Tchéquie pose problème aujourd’hui, mais un arrangement devrait être trouvé ».
Une optimisation de la TVA contestée de tous les côtés
Si à gauche de l'hémicycle, Clémentine Autain et Marie-George Buffet sont surtout intervenues pour défendre le besoin d'un pluralisme de la presse et le taux de TVA réduit applicable aussi à la presse en ligne, sur le fond de l'affaire, les différents avis exprimés étaient en faveur de cet article.
Olivia Gregoire, députée La République en Marche de la 12e circonscription de Paris a rappelé que « certains opérateurs appliquent le taux de TVA réduit de la presse de 2,1 % à l’ensemble de leurs clients, qu’ils consultent ou non le kiosque en ligne. Il est donc nécessaire de clarifier la ventilation de la TVA sur leurs forfaits télécom pour faire correspondre l’économie de la TVA à la consommation réelle des abonnés, et donc de clarifier la loi ».
Elle précise qu'« en fixant l’assiette du taux réduit applicable aux services de presse en ligne à raison du coût d’acquisition de ces services de presse, l’article 4 vise donc, non seulement à poursuivre les efforts consentis en faveur du soutien au développement et au pluralisme de la presse, mais aussi à protéger les opérateurs en assurant de bonnes conditions de concurrence ».
Pour Jean-Paul Mattei (Mouvement Démocrate et apparentés) il s'agit d'un élément de clarification nécessaire. « Ce dispositif, inspiré des règles prévues pour les offres de service de télécommunication comprenant un service de télévision permettra de sécuriser et de clarifier les règles d’application du taux réduit de TVA sur les services de presse en ligne ».
Selon Véronique Louwagie (Les Républicains), « au travers de cet article, le Gouvernement souhaite répondre à une situation obscure. Ce sujet a nourri un certain nombre de contentieux puisque des opérateurs se sont octroyé la liberté de s’appliquer dès maintenant le taux réduit ».
Que va faire Bercy concernant les abonnements déjà vendus ?
Elle a néanmoins demandé à Gérald Darmanin, actuel ministre de l'Action et des Comptes publics de « donner des informations sur le nombre de contentieux, leur nature et les montants en jeu ».
Celui-ci a rappelé que l'objectif de ce texte était de « réparer une erreur d’interprétation possible, qui permettrait à certains opérateurs économiques de profiter d’un vide juridique. [...] Certains opérateurs vendent à leurs clients de la presse en ligne, accessible depuis leur téléphone ou leur tablette. Ils utilisent le taux réduit de TVA, destiné à la presse et non aux opérateurs, agents économiques soumis au taux normal de TVA, en considérant que la proportion d’achat de la presse permet d’élargir le bénéfice du taux réduit de TVA à d’autres activités. Il y a donc une sorte d’effet d’aubaine ».
Précisant que ce régime de TVA « n’a pas été instaurée pour aider des opérateurs économiques qui, par ailleurs, réalisent des profits respectables mais dont l’intérêt démocratique n’est pas le même », il a indiqué qu'il n'existait pour le moment pas de contentieux avec les opérateurs.
« Certains d’entre eux ont fait le choix que j’ai indiqué, d’autres réfléchissent. Certains ont demandé des rescrits fiscaux à l’administration fiscale. Pour éviter tout effet d’aubaine ou mauvaise interprétation, j’en ai parlé aux opérateurs, aux propriétaires des titres que nous avons cités et nous avons choisi d’inscrire clairement dans la loi le dispositif que nous vous avons présenté ».
L'article 4 a donc été adopté en l'état. Il faudra maintenant attendre un vote similaire par les sénateurs et, le cas échant quelques mois pour constater ses effets sur la facturation des opérateurs, mais aussi voir si Bercy demandera des comptes à ceux qui ont appliqué jusqu'à maintenant des règles différentes à leur bénéfice, notamment le premier d'entre eux : SFR.