Les conclusions d’une affaire importante seront rendues le 14 novembre prochain à la Cour de justice de l’Union européenne. Elle concerne la question de la compétence des tribunaux dans un dossier impliquant Facebook. Une procédure initiée par Maximilien Schrems, l’étudiant qui avait fait tomber le Safe Harbor.
Dans moins d’un mois, l’avocat général Michal Bobek rendra son avis dans un dossier d’apparence rugueuse, mais important pour l’ensemble des consommateurs qui souhaitent attaquer Facebook.
L’affaire en question s’inscrit dans la même veine que celle qui avait conduit à l’invalidation du Safe Harbor, l’accord noué entre la Commission européenne et les États-Unis permettant aux entreprises qui y sont installées d’importer les données personnelles des internautes européens.
Le 6 octobre 2015, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) avait en effet étrillé ce document au regard des révélations Snowden et du faible encadrement quant à l’accès de la NSA à ce gisement.
En août 2014, Maximilien Schrems avait parallèlement lancé une action de groupe, en Autriche, pour obtenir réparation des préjudices consécutifs notamment à la participation de Facebook au programme Prism, au pistage des internautes ou encore au transfert de données vers des applications tierces.
Sur le site fbclaim.com, quelque 25 000 Européens se sont par la suite manifestés pour se joindre à ce dossier. Chacun pouvait réclamer une réparation allant jusqu’à 500 euros.
Facebook et la compétence des tribunaux
Presque classiquement, Facebook a contesté la compétence territoriale des juridictions autrichiennes. L’intérêt pour l’entreprise est limpide : en contraignant les demandeurs à se rendre devant la justice irlandaise, là où le géant a son siège européen, elle s’assure d’un essoufflement inévitable.
Le dossier est dans les mains de la CJUE depuis le 19 septembre 2016. Dans moins d’un mois, le 14 novembre pour être précis, l’avocat général rendra son avis. Un avis qui n’engage certes pas la Cour, mais qui l’éclaire dans sa réponse à la problématique soulevée.
Le Règlement du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions prévoit en effet des règles simples pour les consommateurs. Celui-ci a généralement le droit d’agir aussi bien dans l’État de son domicile que dans celui où est installée l’autre partie au contrat.
Consommateur ou pas, telle est la question
Toute la stratégie de Facebook consiste justement à dénier à Schrems la qualité de consommateur. Si cette personne a utilisé son compte Facebook à titre privé « pendant relativement longtemps », depuis tout a changé.
Cet internaute « publie des livres, et donne parfois également des conférences rémunérées, exploite des sites Internet, collecte des dons afin de faire valoir les droits et se fait céder les droits de nombreux consommateurs en contrepartie de l’assurance de leur remettre le montant obtenu, après déduction des frais de justice, au cas où il obtiendrait gain de cause ».
Un autre souci, toujours relaté par la question préjudicielle des juridictions autrichiennes, concerne l’article 16 du règlement de 2000. Celui-ci prévient, disions-nous, que « l'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié ».
Rester à la maison, taire ses revendications
Or, dans cette sorte de class action, voilà un consommateur qui veut intenter une action pour défendre ses droits, mais également ceux d’autres internautes ayant leur domicile ailleurs en Europe. Une situation qui n’entre pas dans les hypothèses du texte.
Le 12 septembre 2015, Max Schrems avait fait ce commentaire : « Facebook essaye évidemment de démontrer que je suis une sorte d’activiste commercial, de sorte que je ne peux les poursuivre devant les juridictions autrichiennes. En termes simples, Facebook nous dit de rester tranquilles à la maison et taire vos revendications. Si vous en faites une affaire publique, alors vous perdez vos droits en tant que consommateurs ». Il avait assuré ne pas gagner d’argent dans cette procédure. « Au contraire, j’investis des centaines d’heures de travail non rémunéré ».