Demain, serons-nous livrés par des robots ? Si pour le moment tout le monde s'en défend, l'automatisation de la livraison progresse et va sans doute s'accélérer. Des tests sont ainsi déjà en cours sur de petits droïdes et autres voitures autonomes
Cette édition 2017 de la GTC Europe de NVIDIA était l'occasion de deux annonces importantes : l'arrivée de la plateforme Pegasus pour des voitures autonomes de niveau 5 et un partenariat avec Deutsche Post DHL Group.
Sur ce dernier, nous avions eu assez peu de détails dans l'annonce de NVIDIA ou à l'occasion de la keynote de Jen-Hsun Huang. Mais le transporteur organisait une série de démonstrations et a tenu une session plus détaillée afin d'évoquer ses plans en détail en matière d'automatisation. Un phénomène qui s'apprête à bousculer tout le secteur.
Améliorer la gestion du dernier kilomètre
Dès qu'il est question de livraison et d'automatisation, on retrouve désormais les mêmes arguments un peu partout : les consommateurs sont plus nombreux que jamais à effectuer leurs achats en ligne, et ils commandent de plus en plus de produits. De quoi faire exploser les besoins en matière de transport, ce qui complexifie la gestion du fameux « dernier kilomètre ».
Car relier les entrepôts des commerçants à ceux des transporteurs est une partie de la chaîne maitrisée, capable de s'adapter aux besoins. Mais organiser la flotte de livreurs qui doivent amener les paquets à leur destination finale du lundi au dimanche, avec tous les impondérables que cela comporte, est une autre paire de manches.
L'idée est donc de renforcer l'efficacité à ce niveau, et c'est là que l'automatisation semble avoir un rôle à jouer selon les transporteurs, dont DHL.
Assister le chauffeur, mais pas le remplacer... pour l'instant ?
Pour le moment, personne ne cherche officiellement à remplacer le chauffeur. Une telle annonce soulèverait en effet la question de l'emploi dans une filière importante, où les conditions de travail ne sont pas toujours parmi les plus faciles pour ceux qui interviennent dans la chaîne logistique.
On imagine de toute façon assez mal un robot venir à la rencontre des clients, au pas de leur porte, pour leur apporter leurs quatre paquets Amazon du jour. Mais dans la pratique, les choses vont forcément être plus compliquées, car il y aura forcément un acteur qui ira chercher à placer des bornes Amazon Locker et autres Pickup Station sur un camion afin de pouvoir les amener à la portée du client plutôt que l'inverse.
Il en est de même pour de plus petits besoins comme l'a montré le développement de services comme Deliveroo, Foodora et autres UberEats dont le modèle social est plutôt contesté. Pour transporter de petits produits sur de petites distances, ces sociétés ne verraient-elles pas un intérêt certain à opter pour un robot livreur ?
Des tests sont déjà en cours sur des solutions à base de drones, mais l'on voit une autre tendance se développer. Lors du CES de Las Vegas, nous avions pu rencontrer TwinswHeel, une société française qui propose un droïde de livraison de petite taille, capable de suivre un utilisateur.
Déjà utilisé par des entreprises comme la SNCF pour transporter des produits au sein d'un entrepôt (voir cette vidéo de démonstration), elle vise également l'assistance en milieu médical ou des espaces plus ouverts à vocation commerciale comme des grands magasins.
Mais elle est surtout en partenariat avec La Poste pour des essais avec comme objectif de proposer de la livraison de colis de manière autonome d'ici deux à trois ans. Le facteur pourrait alors plutôt se concentrer sur ses autres tâches, sur lesquelles la société mise beaucoup pour son développement : les services.
Starship lance ses tests avec Domino's Pizza
D'autres sont aussi sur ce créneau tels que Starship. La société fondée en 2014 en Estonie, mais désormais basée en Angleterre, propose un robot à l'aspect un peu plus finalisé et accueillant. Elle a levé 17,2 millions de dollars en janvier dernier mais a surtout multiplié les partenariats, notamment avec la poste Suisse.
Une manière de couvrir de nouveaux marchés, assez spécifiques, comme la livraison de médicaments ou de repas. On imagine aussi La Poste intéressée par de tels secteurs en France, qu'elle ne couvre pas vraiment pour le moment. La sécurité est pour sa part assurée par un code envoyé par SMS qui est le seul à permettre l'ouverture du coffre (en théorie).
Starship s'est également associé à d'autres grands noms en Allemagne et au Royaume-Uni comme Just Eat, Pronto, Hermes et Metro Group. Plus récemment, il a été question de livraison pour Dominos's Pizza. Ici, les tests se limitent pour le moment à un rayon d'un kilomètre et demi autour de certains restaurants en Allemagne et aux Pays-Bas.
Il sera alors intéressant de voir ce qui se passe en cas d'accident, et si ce mode de livraison ne fait pas face à plus de risques de vols ou de vandalisme par rapport à la méthode plus classique de l'étudiant en scooter.
Automatisation et induction chez DPDHL
D'autres cherchent à aller plus loin que les petits robots de livraison, qui ne peuvent assurer que le transport d'un colis à la fois. C'est notamment le cas du groupe Deutsche Post DHL (DPDHL) qui est pour rappel le nom de l'ancienne poste allemande, regroupant notamment DHL (depuis le début des années 2000) et StreeScooter depuis fin 2014.
Il s'est associé à ZF et NVIDIA autour de la solution ProAI basée sur la technologie DrivePX pour proposer un camion capable de conduire seul en milieu urbain. Des serveurs DGX-1 sont utilisés pour l'entrainement des réseaux neuronaux. Là aussi, on met en avant la volonté de ne pas remplacer le chauffeur, la conduite autonome n'étant que la continuité d'un plan permettant de mieux l'assister.
Outre les solutions déjà mises en place, d'ici à l'année prochaine, ce sont des assistances de conduite, d'évitement des collision et de parking qui seront intégrées. Des solutions que l'on peut trouver dans le parc automobile classique.
Les tests en cours avec ZF et NVIDIA visent à apporter deux autres améliorations d'ici 2019 : Autonomous Yard Logistic et Follow me. Dans le premier cas, le but est d'automatiser et de simplifier le chargement d'un conteneur sur un camion sur les quais en assistant le chauffeur.
Dans le second, on permet à un StreetScooter de rejoindre le livreur qui effectue une tournée à pieds, lui évitant ainsi d'avoir à revenir sans cesse à son point de départ. Pour cela, il est équipé d'une petite tablette lui permettant d'indiquer au camion où se rendre.
Les premiers essais grandeur nature débuteront l'année prochaine, mais à l'occasion de la GTC Europe, une démonstration était effectuée, avec un camion un peu moins équipé (deux fois moins de radars/lidars) que ce qui est prévu au final : deux radars, quatre lidars et six caméras.
Le chauffeur n'était bien entendu pas un vrai livreur, mais un membre de l'équipe qui travaille sur le projet habillé avec la fameuse veste jaune et rouge du groupe :
DHL développe avec NVIDIA la fonctionnalité Follow me qui permet au livreur d’effectuer plusieurs petites courses de suite #GTC17EU pic.twitter.com/nFtPCGT9WD
— Next INpact L@bs (@Next_Labs) 10 octobre 2017
Notez que le véhicule est électrique, DHL cherchant à exploiter ce mode d'énergie de manière croissante dans les années à venir. La société travaille d'ailleurs également sur des systèmes de parking automatisé avec recharge par induction, là aussi pour se simplifier la vie.
StreetScooter dispose d'ores et déjà d'un parcours de test à Avantis, qui va croitre et permettre d'effectuer de premiers essais avant un déploiement sur les routes de manière plus classique. Reste maintenant à voir si le tout s'avère concluant et surtout efficace du point de vue du chauffeur.
Dans les espoirs mis en avant, il est question d'une amélioration de l'efficacité de 30 % et la perspective de proposer, à terme, des livraisons 24/7, ce qui semble tout de même confirmer que l'automatisation ira là aussi de pair avec une présence moins importante de l'humain sur le long terme, lorsque cela ne sera pas nécessaire.
L'ombre grandissante d'Amazon
Car parmi les multiples décisions qui motivent le secteur à accélérer dans le domaine de l'innovation technologique on retrouve un géant qui fait peur à tout le monde : Amazon.
Proposant désormais son propre service de livraison, investissant à tout va, étant déjà un géant reconnu pour ce qui est du logiciel et de l'automatisation (notamment de ses entrepôts), la société montre un appétit grandissant dans le domaine, notamment avec l'extension d'Amazon Logistics, notamment en France depuis le début de l'année.
De quoi largement menacer les transporteurs qui en dépendent et qui vont devoir faire face à un concurrent de taille en plus de la baisse de leur activité liée à ce « transfert ». Une chose est sûre et semble bien avoir été intégrée par tout le monde : si rien n'est fait maintenant, les problèmes ne vont cesser de s'accumuler sur le long terme.
La question de la législation et des décisions politiques
Mais comme le rappelait Danny Shapiro, en charge des véhicules autonomes pour NVIDIA, dans une séance de questions/réponses organisée avec la presse à la GTC, ces questions sont dans les mains des politiques qui vont devoir décider par la loi ce qu'ils autorisent ou non, et à partir de quand un véhicule est autorisé à rouler sans chauffeur.
Une question brulante, qui va sans doute animer les débats dans les années à venir. Car augmenter l'efficacité des chauffeurs est une chose, encore faut-il le faire à effectif constant, surtout quand le spectre d'une automatisation totale se profile à l'horizon. Certes, le débat de l'automatisation des métiers n'est pas nouveau et va sans doute toucher de larges pans de la société, mais il se rapproche à toute vitesse dans le domaine du transport.
Selon un sondage Ifop évoqué en début de semaine par Les Échos, les français se disent intéressés (69 %) mais également inquiets (64 %) face à l'intelligence artificielle. Ils pensent que celle-ci va concerner tous les secteurs d'activité (66 %) mais sont partagés sur l'impact sur leur travail (50 %), estimant que cela va tout de même les obliger à se former pour conserver leur emploi (60 %).
Ils semblent néanmoins penser massivement que l'expansion de l'IA ne va pas compenser suffisamment la destruction d'emplois qu'elle va susciter (50 + 21 %), un sujet qui agite les économistes depuis quelques années maintenant.
Chacun va donc devoir prendre ses responsabilités face à ces enjeux. Il sera d'ailleurs intéressant de voir si ce point est abordé, et de quelle manière, dans le cadre de la consultation sur les véhicules autonomes qui est en cours en France et de la Mission Villani sur l'intelligence artificielle.
À noter :
Cet article a été rédigé dans le cadre de notre participation à la GTC Europe de NVIDIA organisé à Munich du 10 au 12 octobre, où nous avons été conviés par la société. Celle-ci a pris en charge nos billets d'avion, notre hébergement et la restauration sur place. Conformément à nos engagements déontologiques, cela s'est fait sans aucune obligation éditoriale de notre part, excepté le respect des dates d'embargo (NDA), et sans ingérence de la part de NVIDIA.