De plus en plus d'éditeurs succombent à la mode des loot boxes, ces pochettes surprises virtuelles (et surtout payantes) renfermant des bonus pour les jeux. Une tendance qui semble vouée à s'installer durablement dans le paysage vidéoludique, qui soulève de nombreuses questions.
Il fut un temps où, lorsque l'on achetait un jeu à plein tarif, on disposait tout de suite de l'intégralité du contenu, parfois rallongée par des extensions optionnelles quand le titre rencontrait un certain succès. Depuis, nous avons eu droit aux DLC ajoutant du contenu optionnel, plus récemment à ceux qu'il est quasi-obligatoire d'acheter sous peine de ne plus pouvoir jouer avec ses amis, avant d'en arriver aux bonus cosmétiques payants.
Des mécaniques tout droit sorties des jeux free-to-play auxquels les éditeurs de jeux dits « premiums » empruntent, afin de générer davantage de revenus tout au long du cycle de vie de leurs titres. Mais la dernière mode va encore un peu plus loin que ça, avec le principe des loot boxes, ou coffres à butin.
Le concept est simple et connu de quiconque a déjà acheté des cartes à collectionner. Le jeu vous propose d'acquérir des boîtes au contenu mystérieux et aléatoire, soit avec de l'argent gagné en jeu, soit avec votre carte bancaire. Dans Overwatch, il s'agit uniquement de contenu cosmétique n'apportant aucun avantage en jeu. Mais d'autres titres vendus au prix fort ont franchi la ligne jaune.
Notre dossier sur la pratique des loot boxes dans le jeu vidéo :
- Les jeux à gros budget passent à l'ère de la pochette surprise
- Star Wars Battlefront II : tel Anakin face à Obi-Wan, EA se fait tailler en pièces par sa communauté
- En Belgique et en France, la régulation des loot boxes en question
- Loot boxes : l'Arjel envisage de sévir dans les cas se rapprochant du jeu d'argent
- Loot boxes : l'Arjel répond à l'UFC Que Choisir
Le Seigneur des Anneaux : L'Ombre des Loot Boxes
Disponible depuis hier sur PC, PlayStation 4 et Xbox One, Le Seigneur des Anneaux : L’Ombre de la Guerre vient plonger le joueur au cœur de l'univers imaginé par J.R.R Tolkien. Ce que l'auteur n'avait probablement pas imaginé, c'est que la boutique intégrée au jeu ne propose pas seulement des gri-gris cosmétiques, mais aussi des bonus offrant un avantage en jeu.
Jusqu'ici il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Les adeptes de Battlefield sont habitués depuis quelques années maintenant à pouvoir acheter des raccourcis leur permettant de débloquer l'ensemble des armes d'une classe sans avoir à passer de longues heures en jeu. Le problème avec L'Ombre de la Guerre, c'est que la difficulté d'une partie du jeu semble avoir été calibrée pour que le joueur soit tenté d'acheter des troupes d'élite pour se faciliter la tâche.
Dans son test du jeu, Polygon soulève cette question épineuse à cause d'un chapitre du jeu, particulièrement long et difficile. Nos confrères affirment qu'il « est certainement possible de finir le mode Shadow Wars sans dépenser un centime, tant que l'on est patient et assidu. Mais bloquer la progression (vers la fin secondaire) au travers de ce mode, soit en demandant de dépenser davantage d'argent, soit en réclamant un travail continu, semble au bas mot vénal, voire predateur ». La communauté elle, grogne déjà.
Electronic Arts semble également aller tout droit dans cette direction avec Star Wars Battlefront II. La bêta ouverte du titre a laissé apparaître la possibilité d'acheter des boîtes de butin avec de l'argent réel, débloquant divers avantages en jeu. Des avantages assez importants pour soulever la crainte de voir des joueurs fortunés prendre un avantage compétitif sur les autres en multijoueur. Par exemple, un bombardier peut ainsi profiter de 40 % de santé supplémentaire, ou un intercepteur peut voir sa cadence de tir augmentée de 20 %. Pour l'équité, on repassera.
Une méthode vouée à faire tâche d'huile
Si cette méthode amène de nouveaux revenus aux éditeurs qui s'y essaieront, il y a fort à parier que d'autres suivront rapidement le mouvement, qu'importe les critiques. Longtemps décriés, les DLC et micro-transactions forment aujourd'hui une part loin d'être négligeable des revenus des éditeurs.
Chez Electronic Arts par exemple, le mode Ultimate Team des jeux de sport, gavé de micro-transactions, comptait en 2016 à lui seul pour 650 millions de dollars, soit un tiers du chiffre d'affaires généré par les « contenus additionnels » de l'éditeur cette année là. Et la tendance s'amplifie.
Demain, il ne faudra donc plus s'étonner de voir des jeux vendus 60 euros solliciter régulièrement notre porte-monnaie afin de grapiller quelques bonus pour agrémenter la prochaîne partie. Il ne manque plus que l'intégration de publicités vidéo distribuant des ressources pour garnir l'eventail des emprunts faits au free-to-play.
Une légalité en question
Certains pays, la Chine en tête, ont cherché à légiférer sur l'utilisation des loot boxes. Le gouvernement chinois impose ainsi depuis fin 2016 aux studios de dévoiler précisément aux joueurs les chances qu'ils ont d'obtenir tel ou tel butin dans la boite où le paquet de cartes virtuel qu'ils achètent avec de l'argent réel.
Une règle qui peut être contournée si le studio vend ses boites surprises contre de la monnaie utilisable en jeu et achetable en argent réel. Blizzard par exemple ne s'en est pas privé et applique cette méthode depuis juin dernier sur Overwatch.
Reste enfin les quelques cas où les loot boxes peuvent être assimilées à une forme de loterie. Dans le cas de Counter Strike Global Offensive, les boites de butin n'apportent aucun avantage en jeu (fort heureusement) mais leur contenu ne peut être débloqué qu'en achetant une clé à Valve. Il peut ensuite être échangé via des sites tiers contre de l'argent réel. Quelle différence alors avec un ticket à gratter ? En France, l'ARJEL ne semble pas encore s'être penchée sur la question.