La Commission européenne s'attaque au Luxembourg d'Amazon et à l’Irlande d'Apple

Au Luxembourg, Amazon Prime.
Droit 5 min
La Commission européenne s'attaque au Luxembourg d'Amazon et à l’Irlande d'Apple
Crédits : chert61/iStock

Journée faste pour l’actualité fiscale. La Commission européenne vient de trainer l’Irlande devant la CJUE pour non récupération des 13 milliards consentis à Apple. Le Luxembourg se voit, lui, enjoindre de récupérer 250 millions d’aides indues accordées à Amazon.

En août 2016, la Commission avait étrillé les coups de pouce accordés par l’Irlande à Apple. Ces avantages fiscaux indus ont conféré « à l'entreprise un avantage significatif par rapport aux autres sociétés qui sont soumises aux mêmes règles nationales d'imposition » concluait l’institution bruxelloise après deux années d’enquête.

Un taux d’imposition de 0,005 %

C’est bien simple, les taux d’imposition effectifs sur les sociétés dont a pu bénéficier la Pomme ont pu rendre poire les concurrents : de 1 % en 2003 à 0,005 % ! En tout, l’Irlande se voyait ordonner de réclamer 13 milliards d’euros, somme évaluée dans les limites de la prescription décennale.

Dès la décision connue, le ministre des Finances irlandais avait fait état d’un « profond désaccord » ajoutant que selon lui, « il est important que nous envoyions un message fort : l'Irlande reste un endroit attrayant et stable pour des investissements importants à long terme ».

Seul hic, alors que le pays a depuis fait appel de cette décision, la Commission a rappelé dès l’origine qu’il n’était en aucun cas suspensif. En clair : il doit récupérer l’aide, peu importe les stratégies juridictionnelles du débiteur.

Aucun effort dans la récupération de ces 13 milliards

Un an plus tard, l’agacement de la Commission gagne un cran. Elle vient de décider d'assigner l'Irlande, peu pressée de récupérer ce pactole qui vient salir la beauté de ses charmes fiscaux.

Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence, concède que le processus puisse être long et propose son aide, mais dans tous les cas, « les États membres doivent faire des progrès suffisants pour rétablir la concurrence ». Une manière diplomatique de stigmatiser la passivité irlandaise.

L’Irlande a désormais quatre mois pour corriger le tir puisque « tant que l'aide illégale n'est pas récupérée, l'entreprise en question continue de bénéficier d'un avantage indu, ce qui explique pourquoi la récupération doit avoir lieu le plus rapidement possible ».

Si le pays en venait à persister dans son refus, il s’engagerait dans un processus plus douloureux où, aux 13 milliards, s’ajouteraient des astreintes.        

Le Luxembourg doit récupérer 250 millions d’euros chez Amazon

La même commission a visiblement voulu marquer cette journée au fer rouge. En même temps que cette annonce, elle vient de taper sur les doigts du Luxembourg. Nos voisins sont accusés d’avoir accordé 250 millions d’euros d’avantages fiscaux à Amazon.

Même logique : des ristournes qui ont permis au géant du e-commerce de payer beaucoup moins que les autres entreprises. Une aide d’État en conséquence illicite que doit récupérer le pays. Sur le terrain, l’enquête a débuté voilà trois ans. Elle ne concerne que la période de mai 2006 à juin 2014, date à partir de laquelle Amazon a changé sa structure.

La Commission a eu beau fouiller, elle n’a pas trouvé de justification valable pour ce « tax ruling » où Amazon a pu « transférer la majeure partie de ses bénéfices depuis une société du groupe Amazon assujettie à l'impôt au Luxembourg (Amazon EU) vers une société qui ne l'est pas (Amazon Europe Holding Technologies) ».

Plus en profondeur, Amazon EU et Amazon Europe Holding Technologies sont deux sociétés de droit luxembourgeois contrôlées par la maison mère Amazon.com Inc. aux États-Unis. La première se charge de l’exploitation, et donc de la vente au détail. La seconde est un intermédiaire entre celle-ci et Amazon.com Inc.

La holding « détient certains droits de propriété intellectuelle pour l'Europe dans le cadre d'un "accord de répartition des coûts" passé avec Amazon aux États-Unis » explique la Commission européenne. « La société holding ne fait elle-même aucun usage actif de cette propriété intellectuelle. Elle accorde simplement une licence exclusive sur cette propriété intellectuelle à la société d'exploitation, qui l'utilise pour exploiter les activités de vente au détail d'Amazon en Europe ».

amazon europe commission européenne

Crédits : Commission européenne

Amazon Europe Holding Technologies, une coquille vide

C’est par le jeu des paiements de juteuses redevances en faveur d’Amazon US que les flux finalement imposables en Europe ont été considérablement dégonflés. Alors que la société d’exploitation est en charge de toute l’activité, « la société holding était une coquille vide qui transmettait simplement les droits de propriété intellectuelle à la société d'exploitation, laquelle en faisait un usage exclusif ».

De leur côté, les services fiscaux luxembourgeois avaient validé le paiement d'une redevance par Amazon EU à Amazon Europe Holding Technologies venant raboter son bénéfice imposable. La Commission a considéré que les montants de ces redevances, liées aux droits de propriété intellectuelle, étaient excessifs et sans lien avec la réalité économique.

Au final, près des trois quarts des bénéfices d'Amazon ont été indûment attribués à la holding, où ils n’ont pas été imposés. Une très belle affaire pour le géant du e-commerce. Comme pour l’Irlande face à Apple, le Luxembourg doit maintenant sortir de sa léthargie fiscale pour récupérer cette somme, avec au loin, la menace d’une action devant la CJUE.

De son côté, Amazon a contesté par communiqué avoir reçu de traitement de faveur. « Nous nous sommes acquittés des taxes requises en parfaite conformité avec les lois luxembourgeoises et internationales. Nous allons étudier la décision de la Commission et examiner nos recours juridiques, y compris l’appel. Nos 50 000 employés à travers l’Europe demeurent dédiés au service de nos clients et des centaines de milliers de petites entreprises qui travaillent avec nous ».

Deux dossiers dans le ciel de la fiscalité du numérique 

La colère bruxelloise ne doit rien au hasard. Ces deux affaires interviennent alors que la question de la fiscalité du numérique est à l’honneur de l’actualité européenne.

La France, l’Allemagne et d’autres pays militent pour une réforme fiscale afin de faire payer davantage les géants du Net. Paris souhaite ainsi une taxe égalisatrice sur le chiffre d’affaires. Seul hic, plusieurs pays s’y opposent : Malte, Chypre, les Pays-Bas, mais également l’Irlande et le Luxembourg, qui craignent de rendre l’Europe moins compétitive sur le marché mondial. 

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