Resté jusqu’ici extrêmement discret sur le dossier Hadopi, le nouveau gouvernement commence à dévoiler ses cartes. Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’État au Numérique, vient ainsi d’annoncer qu’une mission d’évaluation de la riposte graduée était en cours.
« Il faut trancher enfin la question du piratage », exhortait avant-hier encore la sénatrice Catherine Morin-Desailly, au travers d’un refrain désormais bien connu. « Il faut que l'on sorte de la position ambiguë et changeante qui était celle du précédent gouvernement », a-t-elle fait valoir devant le Club audiovisuel de Paris, regrettant les coupes budgétaires infligées à la Hadopi ainsi que l’absence « d'étude pour vérifier finalement l'efficacité » de la riposte graduée.
D’un point de vue purement comptable, la Haute Autorité peut s’enorgueillir d’avoir envoyé plus de 10 millions d’avertissements depuis ses premiers pas, en octobre 2010. Un chiffre à rapporter à la centaine de sanctions connues fin août, sans oublier 320 mesures alternatives aux poursuites, de type rappel à la loi (voir notre article). Le tout pour un budget d’environ 60 millions d’euros à ce jour.
Une évaluation menée sous l’égide du ministère de la Culture
Catherine Morin-Desailly, qui préside la commission de la culture du Sénat, pourrait néanmoins se montrer satisfaite. Interrogé mercredi 27 septembre au sujet des « amendes forfaitaires » visiblement envisagées par le gouvernement, Mounir Mahjoubi a refusé de répondre à la députée Sophie Mette (MODEM). Le secrétaire d’État au Numérique a préféré laisser « Madame Nyssen [la ministre de la Culture, ndlr] apporter les conclusions d'une mission qu'elle a lancé d'analyse sur l'évaluation de où on en est d'Hadopi, de la performance d'Hadopi... »
L’intéressé ne s’est pas davantage étendu sur cette initiative, mais tout laisse à penser que l’exécutif peaufine encore sa copie. N'oublions pas qu'Emmanuel Macron s'est bien gardé d'aborder le sujet lors de sa campagne présidentielle.
« Ce n’est pas encore assez efficace »
Mounir Mahjoubi a cependant eu du mal à ne pas s’exprimer sur ce dossier emblématique. « Oui, ça ne va pas assez loin parce qu'on ne traite pas assez bien du sujet du streaming. Oui, ça ne va pas assez loin parce que ce n'est pas encore assez efficace » a-t-il ainsi admis.
L’ancien président du Conseil national du numérique a poursuivi en expliquant qu’on assistait actuellement « à une nouvelle redéfinition des acteurs » : « Aujourd'hui, on a dans le piratage, et notamment avec le streaming, la création de véritables opérateurs brigands, de véritables organisations mafieuses internationales, pas forcément situées dans un pays, qui mélangent souvent l'abus sur les droits d'auteur, la pornographie et, souvent aussi, d'autres tactiques criminelles numériques. »

Face à ce problème, le secrétaire d’État au Numérique estime qu’il faut privilégier deux leviers : « sensibiliser les familles [pour] dire et rappeler l'interdit », sous-entendu via la riposte graduée et « y compris par la sanction », « mais il va falloir aussi qu'on soit plus intelligents dans la façon qu'on a de taper sur ces opérateurs là ».
Mounir Mahjoubi a bien insisté : « Le sujet ça ne doit surtout pas être de se dire à combien on met la sanction. C'est comment on créé un bel équilibre entre sensibilisation, sanction et surtout lutte active contre ces mafias numériques. »
Contacté, le ministère de la Culture n'a pas souhaité nous en dire plus. Plusieurs sources nous ont néanmoins confirmé qu'une mission d'évaluation avait bien été lancée par la Rue de Valois, mais celle-ci pourrait porter de manière plus large sur les outils de lutte contre la contrefaçon en ligne (dont la riposte graduée ne serait qu'un des volets).