Avec sa fusée BFR, SpaceX veut conquérir la Terre, la Lune, Mars et le reste du système solaire

Big Fucking ou Falcon Rocket, au choix
Tech 11 min
Avec sa fusée BFR, SpaceX veut conquérir la Terre, la Lune, Mars et le reste du système solaire

Elon Musk annonce un changement important pour SpaceX : la société va concentrer ses efforts sur une fusée unique, la BFR. Elle servira aussi bien à transporter du cargo que des hommes, vers la Station Spatiale Internationale, la Lune, Mars, etc. Le calendrier est ambitieux : le PDG espère que les premiers humains fouleront le sol martien en 2024.

En fin de semaine dernière, Elon Musk était au 68e International Astronautical Congress afin de présenter une mise à jour de son plan pour coloniser Mars dévoilé l'année dernière (lire notre compte rendu).

Hasard du calendrier, cette intervention tombe pile le jour du 9e anniversaire du premier vol réussi de Falcon 1 (le quatrième essai, les trois premiers s'étant terminé par une explosion). Il s'agissait alors de la première fusée mise en orbite entièrement conçue à partir de fonds privés, et la dernière chance pour SpaceX qui était au bord du gouffre.

La « Big Fucking Rocket » de SpaceX

En une décennie, la société a marqué de son sceau le monde de l'aéronautique avec sa fusée réutilisable Falcon 9. Aujourd'hui, son PDG est venu présenter un nouveau lanceur réutilisable dans la catégorie poids lourd : le BFR, pour... Big Falcon Rocket ou Big Fucking Rocket.

Un terme générique qui n'a rien de nouveau puisqu'il était déjà utilisé en 2005 (ici aussi) afin d'évoquer les prochaines fusées de SpaceX. Il est néanmoins largement repris ces derniers jours et permet d'assurer un certain buzz, alors qu'Elon Musk indique encore chercher « le bon nom ».

À terme, cette fusée BFR est prévue pour remplacer les fusées Falcon 9 / Heavy et les capsules Dragon. Elle devra donc mener de nombreuses missions : coloniser Mars évidemment, mais aussi envoyer des hommes sur la Lune et même relier n'importe quel point de la Terre en moins d'une heure, par un vol orbital à 27 000 km/h.

Le travail sur ce nouveau système a déjà commencé, et la construction du premier vaisseau spatial débutera d'ici 6 à 9 mois annonce Elon Musk. Il donne des détails sur le déroulement de son plan et espère profiter de la fenêtre ouverte en 2022 pour envoyer son premier cargo sur Mars.

Une fusée entièrement réutilisable avec 150 tonnes de charge utile en orbite basse

Et l'entrepreneur n'en démord pas : il veut faire des humains une espèce mutiplanétaire, c'est-à-dire vivant sur plusieurs planètes à la fois. Si nous avons déjà posé le pied sur la Lune, aucun être humain n'a pour le moment foulé le sol d'une autre planète, bien que plusieurs rovers se baladent déjà à la surface de Mars.

Son plan de l'année dernière prévoyait d'utiliser une fusée de 122 mètres de haut et de 12 mètres de diamètre, soit respectivement 11 et 2 mètres de plus que l'imposante Saturn V de la NASA. Finalement, il est désormais question d'un « véhicule plus petit, mais encore assez gros pour réaliser tout ce dont on a besoin en orbite terrestre ». Ne vous attendez pas non plus à une fusée miniature puisqu'il est question de 106 m de hauteur pour 9 m de largeur

Ainsi, elle sera quasiment de la même taille que Saturn V selon les croquis présentés par SpaceX. Elle pourra emporter 150 tonnes de charge utile en orbite basse, contre 300 tonnes pour la fusée présentée l'an passé (dans sa version réutilisable) et 135 tonnes pour Saturn V. De 42, le nombre de moteurs Raptor passe à 31. 

Le dirigeant ne s'attarde pas vraiment sur les raisons de cette division par deux de la capacité de chargement, ni sur celles ayant conduit SpaceX à revoir ses plans. BFR promet toutefois d'être largement plus imposante que Falcon Heavy (le premier lancement est prévu d'ici la fin de l'année).

Elon Musk Mars

Elon Musk attaque la concurrence sans donner son coût de remise en état

Le dirigeant en profite d'ailleurs pour tacler ses concurrents : « c'est vraiment fou de faire des fusées très sophistiquées et les crasher à chaque vol ». Pour rappel, Ariane 6 est en cours de construction, mais ne sera pas réutilisable. Elle permettra tout de même de réduire les coûts de 40 à 50 % selon des ingénieurs du CNES

Alors oui, SpaceX a déjà réussi à récupérer pas moins de 16 fois un premier étage – et même à en utiliser un pour plusieurs lancements –, mais la société ne détaille pas combien lui coûte chaque remise en état. Une chose est sûre, elle dispose désormais d'une solide expérience dans ce domaine et a donc une idée précise des frais que cela représente, mais ne souhaite pas communiquer sur le sujet.

Une BFR pour les remplacer toutes...

Avec BFR, le concept est poussé encore plus loin : « Nous voulons avoir un système, un booster et un véhicule qui remplacera Falcon 9, Falcon Heavy et Dragon ». La société veut ainsi concentrer « toutes les ressources vers un seul système, c'est vraiment fondamental » explique Musk. Comme c'est déjà le cas avec Falcon 9 et sa déclinaison Heavy à trois boosters au lieu d'un, SpaceX compte utiliser une formule qui a fait ses preuves dans le monde de l'automobile : la production en série.

Avec BFR, le retour sur terre des différents éléments devrait être encore plus précis. SpaceX explique que la fusée ne disposera pas de jambes pour l'aider à tenir en place après l'atterrissage : elle viendra directement se poser sur son pas de tir. Elon Musk insiste sur le coût : BFR devrait être encore plus économe par lancement que Falcon 9 (Heavy).

Il ne donne par contre aucun chiffre détaillé, seulement un vague comparatif (voir ci-dessous). Il ne précise pas non plus combien de fois une fusée peut être réutilisée.

  • Elon Musk Mars
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...avec différentes configurations, jusqu'à 825m³ de volume pressurisé

Comme l'engin présenté l'année dernière, la fusée BFR se décompose en deux étages : les boosters et le compartiment pour la charge utile au-dessus (lui aussi avec des moteurs évidemment). Tous les éléments sont réutilisables. Deux configurations ont été présentées : une coiffe version cargo pour transporter des satellites ou du matériel, une autre pour emmener des humains dans l'espace.

SpaceX compte ainsi utiliser une même fusée pour plusieurs types de missions : envoi de matériel sur l'ISS, coloniser Mars, retourner sur la Lune, etc. BFR serait capable de se poser « n'importe où dans le système solaire ». Pour rappel, la même promesse avait déjà été faite avec la capsule Dragon 2, devant arriver dans quelques mois. 

Le design de la capsule reste le même pour l'ensemble des missions, à l'exception de la présence de fenêtres pour les vols habités. À l'arrière, six moteurs Raptor (neuf sur la version de l'année dernière) : quatre de 2,4 m de diamètre pour la propulsion dans le vide (1 900 kN de poussée) et deux de 1,3 m utilisables dans l'atmosphère (1 700 kN de poussée).

Ces derniers sont redondants : si l'un tombe en panne, la fusée peut quand même se poser sur la terre ferme. Elon Musk essaye ainsi de « réduire le risque au moment de se poser aussi proche de zéro que possible ».

BFR pourra aussi servir de « poubelle » de l'espace

La mission Cargo permet de loger des satellites jusqu'à 9 mètres de diamètre pour une charge utile de 150 tonnes au maximum. Elon Musk lance également une idée lors de la conférence : transformer la capsule en « Pac-Man » de l'espace afin de récupérer des débris. 

Toutes ces opérations effectuées pour des tiers devront permettre à SpaceX d'engranger des fonds afin de mettre au point son objectif de coloniser Mars. Pour rappel, Jérôme Vila du CNES expliquait il y a quelques mois qu'« aller sur Mars ce n'est pas l'aventure d'Elon Musk ou de la Chine, c'est une aventure de l'humanité ».

« Chacun amène sa meilleure contribution » et 'il y a une « feuille de route » entre les différents acteurs ajoutait-il. Mais pour le moment, Elon Musk semble plutôt décidé à faire cavalier seul.

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Toujours la possibilité de faire le plein dans l'espace

Comme cela avait déjà été annoncé l'année dernière, la prochaine fusée d'Elon Musk pourra être rechargée en carburant dans l'espace, sur ce point rien ne change. Afin là encore de réduire les coûts, le réservoir est un clone de la fusée et il utilise le même système de fixation que le premier étage.

Avec un lancement, SpaceX annonce jusqu'à 150 tonnes de charge utile en orbite basse, mais avec un delta v proche de 0. Par contre, en refaisant le plein dans l'espace, les choses changent, comme expliquées dans le graphique ci-dessous.

Le même premier étage peut alors être utilisé plusieurs fois pour emporter des réservoirs dans l'espace afin de remplir à raz-bord le vaisseau spatial. L'année dernière, la société avait déjà expliqué que cela lui évite d'envoyer une charge trop lourde, ce qui nécessiterait un troisième étage et augmenterait grandement le coût du lancement.

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Du cargo sur Mars en 2022, des humains dès 2024 ?

Lors de la conférence, Elon Musk annonce un premier voyage sur Mars dès... 2022. Ce n'est « pas une typo, mais plutôt une aspiration » lâche-t-il. Dans cinq ans, il est donc prévu d'envoyer deux cargos sur la planète rouge pour confirmer la présence d'eau, identifier les dangers potentiels et envoyer une première vague de matériel sur place.

Deux ans plus tard, quatre nouveaux vaisseaux seront envoyés vers Mars : deux cargos et deux vols habités. Le but est d'envoyer davantage de matériel et de mettre en place l'usine de production de carburant qui devra ravitailler les vaisseaux qui décolleront de la planète rouge. Son principe a déjà été détaillé dans une précédente analyse.

L'idée est de commencer à construire un petit morceau de ville pour ensuite l'étendre, comme on pourrait le faire dans un Sim City version Mars. 

  • Elon Musk Mars
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Des lancements toujours plus nombreux

Les premiers lancements commerciaux de SpaceX remontent à 2012. Depuis, la société a accéléré le rythme. De 6 à 8 entre 2014 et 2016, elle en est déjà à 13 en 2017 et pense en réaliser au total une vingtaine d'ici la fin de l'année. Pour 2018, SpaceX table sur 30 lancements... soit la moitié des 60 lancements effectués en moyenne sur l'année dans le monde selon Elon Musk.

Avec BFR dans sa configuration pour vols habités, SpaceX prévoit d'installer une quarantaine de cabines, chacune pouvant accueillir jusqu'à 5/6 personnes au maximum, mais table plutôt sur 2/3 personnes pour les missions vers Mars. Au total, une fusée BFR pourra donc envoyer une centaine de personnes par voyage. Afin de coloniser la planète, il faut donc accélérer le rythme des lancements, jusqu'à plusieurs par jour selon le PDG de SpaceX. 

« Nous avons déjà commencé à construire le système [...] nous allons commencer à construire le premier vaisseau aux environs du second trimestre de l'année prochaine » affirme Elon Musk. Attendons maintenant de voir si SpaceX arrivera à tenir les délais, un point sur lequel la société a souvent été mise en défaut par le passé. Dernier exemple en date : Falcon Heavy, dont le premier lancement devrait enfin avoir lieu d'ici la fin de l'année.

Elon Musk Mars

Petite digression sur Falcon Heavy et Dragon 2

SpaceX s'explique sur ce retard : « nous avons dû repenser presque tout, excepté l'étage supérieur, afin de supporter une charge plus importante ». Ce n'est donc pas aussi simple qu'ajouter deux boosters et de revoir un peu l'avionique. Bref, Falcon Heavy « est bien plus un nouveau vaisseau que nous le pensions au départ » reconnait Elon Musk.

Il en profite pour revenir sur sa future capsule Dragon 2 : elle « se connectera directement à ISS [...] avec zéro intervention humaine »  sans utiliser le bras articulé de la station. Il en sera évidemment de même avec BFR.

« One more thing » : n'importe où sur Terre en moins d'une heure avec BFR

À la fin de la conférence, le dirigeant a fait une dernière annonce, permettant certainement de rentabiliser plus rapidement BFR : des voyages terrestres à très grande vitesse. New York à Shanghai (11 897 km) en 39 minutes seulement, Hong Kong à Singapour en 22 minutes, New York à Paris en 30 minutes, Delhi à San Francisco en 40 minutes, etc. De manière générale, « n'importe où sur Terre en moins d'une heure ».

Sur Twitter, Elon Musk précise que l'accélération maximale serait de 2 à 3 G, donnant une sensation équivalente à celle d'un parc d'attractions. Concernant le prix, il serait à « peu près équivalent à celui d'un plein tarif dans un avion ». Reste à savoir quelle compagnie et surtout quelle classe sont prises comme référence pour cette comparaison.

Aucun délai n'est par contre précisé concernant la mise en place de vols commerciaux.

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