Le gouvernement songe à interdire les machines à voter et à réformer le vote électronique

Machines infernales
Droit 5 min
Le gouvernement songe à interdire les machines à voter et à réformer le vote électronique
Crédits : Niyazz/iStock

Le ministère de l’Intérieur s’apprête à formuler des propositions sur le vote électronique, l’interdiction des machines à voter ou bien encore la dématérialisation des procurations. La Place Beauvau reste toutefois assez floue, pour l’heure, sur ses intentions exactes.

C’est en fouillant dans l’épaisse feuille de route dévoilée début septembre par Gérard Collomb (PDF) que l’on découvre que la nouvelle majorité porte plusieurs projets de réforme en matière de droit de vote. Et non des moindres.

Dématérialisation des procurations de vote

« Pour rendre l’exercice du droit de vote plus simple et plus accessible, la procédure destinée à établir une procuration sera simplifiée et dématérialisée », apprend-on tout d’abord. Cette mesure cadre parfaitement avec l’objectif fixé cette semaine par l’exécutif dans le cadre du Grand plan d’investissements : « 100 % des services publics numérisés à horizon 2022, hors délivrance des titres d’identité ».

Même si le ministère de l’Intérieur a refusé de nous fournir la moindre précision sur le contour de cette réforme, on peut imaginer que celle-ci profitera aussi bien aux citoyens, qui ne devraient plus avoir à se déplacer au commissariat, qu’aux forces de l’ordre qui avaient parfois des difficultés à transmettre les procurations aux mairies (par voie postale ou fax, notamment).

La précédente majorité avait toujours refusé d’avancer sur ce dossier. Lors des débats sur le projet de loi Numérique, le rapporteur Luc Belot (PS) avait par exemple fait valoir qu’il était « essentiel de pouvoir continuer à vérifier l’identité des électeurs », chose qui n’est pas aisée en cas de dématérialisation totale des procurations. Restera donc à voir comment le nouvel exécutif concrétise ses projets.

Un « examen approfondi » du vote électronique

« Les conditions de mise en œuvre du vote électronique feront l’objet d’un examen approfondi, tenant compte des enjeux de sécurité des systèmes d’information », indique dans un second temps la feuille de route du ministère. Cette annonce fait visiblement écho à la suppression, un peu de dernières minutes, du vote par Internet pour les Français de l’étranger lors des dernières législatives (voir notre article).

Mais peut-on imaginer que la Place Beauvau souhaite étendre cette faculté à d’autres scrutins (présidentielles, européennes, etc.) ? « La communication de précisions viendra en temps et en heure », nous a laconiquement répondu le cabinet de Gérard Collomb.

Il faudra donc attendre pour en savoir plus, la feuille de route du ministère évoquant un « rendu de propositions pour la mise en œuvre du vote électronique en 2019 ».

Vers un abandon définitif des machines à voter

La Place Beauvau prévoit enfin de proposer « d’autres mesures de simplification, concourant également à la sécurité informatique, juridique et matérielle des scrutins électoraux ». Parmi lesquelles « la dématérialisation de la propagande électorale, la normalisation des bulletins de vote et l’interdiction des machines à voter ».

Véritable serpent de mer, la question des machines à voter devrait donc faire l’objet d’un débat – potentiellement à l’occasion du projet de loi que l’exécutif compte présenter « au premier semestre 2018 » quant à l’organisation des scrutins de portée législative. Depuis 2007, suite à différents incidents survenus en cette année d’élections législatives et présidentielles  (écarts entre le nombre d’émargements et de votes, notamment), rappelons qu'un moratoire avait été introduit. Dorénavant, plus aucune nouvelle commune n’est ainsi autorisée à opter pour cette technique de vote.

Sauf que plusieurs parlementaires réclamaient que le gouvernement tranche sur dossier : « Soit on rouvre parce qu'on considère que le système est fiable, soit on ferme... Un moratoire n'a pas vocation à être éternel. C'est une contradiction qui est flagrante, d’autant que toutes les critiques de 2007 continuent à être là » fustigeait ainsi le sénateur socialiste Philippe Kaltenbach (voir notre interview datant de 2015).

Jusque dans les derniers moments du quinquennat, la précédente majorité a néanmoins toujours refusé de revenir sur le moratoire de 2007, sans pour autant apporter d’arguments vraiment très convaincants (voir par exemple ce compte rendu de débats à l'Assemblée).

La fin des plis électoraux dans les tuyaux

Dernier chantier emblématique : la dématérialisation de la « propagande électorale ». Bercy caresse de longue date l’espoir de mettre fin à l’envoi par voie postale des traditionnels plis électoraux (contenant professions de foi des candidats et bulletins de vote). Une réforme qui aurait pu faire économiser au Trésor public près de 180 millions d’euros lors des élections de cette année.

En lieu et place, ces documents seraient accessibles sur un site officiel, ainsi qu’en version papier dans les mairies, préfectures, ambassades, etc.

Le nouveau ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, travaille d’ailleurs sur un projet de loi qui permettrait de faire passer cette réforme par voie d’ordonnance, loin des regards du Parlement. Et l’on devine pourquoi... À chaque fois que les précédents gouvernements ont tenté de dématérialiser la propagande électorale, députés et sénateurs s’y sont farouchement opposés, par peur notamment d’une augmentation de l’abstention.

Ce choix a d’ailleurs été vivement critiqué par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), au motif qu’un « débat parlementaire approfondi sur le sujet » devrait être organisé, selon l’institution, « afin de prendre en compte l’exigence d’une information de qualité à l’attention des électeurs sur les modalités d’exercice de leurs droits civiques et le souhait d’un grand nombre de citoyens de continuer à recevoir la propagande électorale ».

Le cabinet de Gérard Collomb nous a indiqué que sur ce dossier, « la disposition législative [était] rédigée depuis cet été et validée par le Conseil d’État », vraisemblablement au travers du projet de loi relatif au « droit à l’erreur » porté par Gérald Darmanin. « Il reste à lui trouver un vecteur et à déterminer son calendrier, ce qui ne dépend pas du ministère de l'Intérieur » poursuit-on Place Beauvau.

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