Le sort de la QPC visant le nouveau délit de consultation de sites terroristes fixé le 4 octobre

Le sort de la QPC visant le nouveau délit de consultation de sites terroristes fixé le 4 octobre

Vers une censure habituelle ?

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Marc Rees

Publié dans

Droit

29/09/2017 4 minutes
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Le sort de la QPC visant le nouveau délit de consultation de sites terroristes fixé le 4 octobre

Selon nos informations, la Cour de cassation examinera le 4 octobre prochain le nouveau délit de consultation habituelle de sites terroristes. Elle décidera alors si une question prioritaire de constitutionnalité doit être transmise aux neuf Sages de la Rue de Montpensier.

En juillet dernier, Next INpact relevait que Me Sami Khankan venait de déposer une question prioritaire de constitutionnalité devant le tribunal correctionnel d’Angers, afin de faire examiner le nouveau délit de consultation.

Ce texte a été introduit après la censure, le 10 février 2017, de la première mouture de cette infraction. Le délit de consultation en v.1 permettait de condamner les visites habituelles d’un site « mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie ».

Soucis : les membres du Conseil constitutionnel ont notamment épinglé une atteinte à la liberté de communication, cette peine étant jugée non « nécessaire » face à une ribambelle d’autres dispositions permettant de sanctionner ces faits. L’atteinte a été jugée en outre ni « adaptée » ni « proportionnée », puisque deux ans de prison et 30 000 euros d’amende pour avoir simplement consulté un site, cela fait un peu beaucoup…

La v.2 du délit de consultation

Le législateur avait rapidement corrigé sa copie pour réintroduire l’incrimination dans la loi du 28 février 2017 sur la sécurité publique. L’article 421-2-5-2 du Code pénal conditionne désormais la répression à l’absence de motif légitime.

Il faut que « la consultation s'accompagne d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce service ». Le texte dresse une liste non exhaustive de « motifs légitimes », comme l’activité journalistique, la recherche scientifique, la preuve en justice ou bien « le fait que cette consultation s'accompagne d'un signalement des contenus de ce service aux autorités publiques compétentes ».

Seulement, Me Sami Khankan considère que la v.2 n’est pas plus constitutionnelle que la v.1. En défense d’un homme poursuivi depuis pour avoir consulté habituellement des sites, il estime toujours que la législation est déjà bien dense pour réprimer ces activités puisque le fait de « manifester son adhésion » peut tomber sous l’apologie ou intégrer le délit d’entreprise individuelle terroriste.

Des failles dans cette nouvelle infraction

La consultation habituelle n’est pas davantage précisée notamment quant à sa fréquence. Impossible pour un individu d’anticiper le risque infractionnel lors de ses consultations. Impossible également de savoir s’il sera ou non couvert par un motif légitime, puisque la liste n’est pas exhaustive. Impossible de savoir aussi devant quelles autorités compétentes devront être effectués les signalements envisagés par le législateur. Enfin, impossible de savoir ce qu’est l’adhésion à une idéologie. Etc.

La balle est désormais entre les mains de la Cour de cassation. Dans l’ordre judiciaire, c’est elle qui joue le rôle de filtre pour déterminer notamment si la question prioritaire de constitutionnalité présente un caractère sérieux et doit alors être transmise au Conseil constitutionnel. Son arrêt est attendu le 4 octobre 2017. 

Si les conditions sont remplies, les neuf Sages auront trois mois pour éprouver la solidité de l'édifice. Cette fois encore, en effet, le juge suprême n’avait pas été saisi a priori, avant la promulgation de la loi (ni par le président de la République, le Premier ministre, le président de l'une ou l'autre des assemblées, soixante députés ou soixante sénateurs).

Un choix qui a permis aux autorités de poursuivre des personnes, malgré l’incertitude constitutionnelle.

Écrit par Marc Rees

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La v.2 du délit de consultation

Des failles dans cette nouvelle infraction

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Commentaires (8)


Si seulement on donnait des moyens au conseil constitutionnel pour qu’il corrige tous les projets de loi…

Ce que c’est lent et lourd de faire ça à retardement, et dans un sens cruel pour celui qui se tape la procédure de demander une QPC et de risquer sa liberté pour des bricolages de loi faites par nos gouvernements et députés…


La réponse simple c’est que le CC a ses représentants qui ne sont pas élus par le peuple… (A part les anciens présidents ; D’ailleurs je ne sais plus si ce dernier point n’a pas évolué depuis).



 


Ce qui reviendrait à faire peser un soupçon d’inconstitutionnalité à priori sur tous les projets de loi (une présomption de culpabilité, donc), non ?



(Pas mal des projets de loi récent le mériteraient, hein, je dis pas. Mais tu ne peux pas en faire un principe systématique sous peine de créer de fait une 3eme chambre dans l’appareil législatif, d’une part, et de ralentir très fortement le processus législatif d’autre part : le CC examine les parties qu’on lui soumet, pas la totalité des projets… ça serait injouable)


Une sorte de revue de code.


En les faisant travailler en amont, ce serait juste de l’assistance envers les députés et sénateurs qui n’ont pas forcément été formés à la rédaction de textes de lois ou à l’application de la constitution.











RuMaRoCO a écrit :



La réponse simple c’est que le CC a ses représentants qui ne sont pas élus par le peuple… (A part les anciens présidents ; D’ailleurs je ne sais plus si ce dernier point n’a pas évolué depuis).



 



D’après le site du CC, 3 des 9 membres sont renouvelés tous les 3 ans, et sont nommés par le président, le président de l’assemblée, et le président du sénat.

Donc, ils sont nommés par des élus, que ce soit en ligne directe (le président), 1 fois indirecte (l’assemblée nationale) ou 2 fois indirecte (le sénat).



De mon point de vue, avec l’influence importante des partis (et donc des gouvernements) sur le vote des élus des deux assemblées, avoir le CC avec des nominations qui les empêchent d’avoir plusieurs activités et où ils sont inamovibles pendant 9 ans, c’est bien pour être indépendant.



Si l’on renouvelait le CC par élection directe juste après le président et l’AN, on se retrouverait avec zéro filtrage des lois, on aurait des pions du parti au pouvoir.



On peut toujours douter, peu importe la manière des les mettre en place. On revient à qui contrôle qui ? Comment assurer l’indépendance des pouvoirs, comment limiter les débordements de l’un des trois pouvoirs de l’état ?









ArchangeBlandin a écrit :



En les faisant travailler en amont, ce serait juste de l’assistance envers les députés et sénateurs qui n’ont pas forcément été formés à la rédaction de textes de lois ou à l’application de la constitution.







Normalement, le gouvernement peut se faire aider du Conseil d’État et lui demander son avis sur ses projets de loi, mais dans la pratique, on voit que celui-ci a souvent laissé passer des choses et cela ne permet pas de filtrer les erreurs introduites par les parlementaires.



En fait, le bloc constitutionnel, c’est assez simple à comprendre. Si les parlementaires ne veulent pas se l’approprier, ils ne méritent pas de siéger.





D’après le site du CC, 3 des 9 membres sont renouvelés tous les 3 ans, et sont nommés par le président, le président de l’assemblée, et le président du sénat.

Donc, ils sont nommés par des élus, que ce soit en ligne directe (le président), 1 fois indirecte (l’assemblée nationale) ou 2 fois indirecte (le sénat).





Il parlait des anciens Présidents de la République qui sont membres de droit du Conseil Constitutionnel.

Actuellement seul Giscard siège encore, Chirac ne siège plus en raison des ces soucis de santé et Sarkozy parce qu’il a repris la politique.

Hollande, je crois qu’il ne voulait pas siéger, mais il peut changer d’avis.



Ils sont membres s’ils le veulent et subissent quand même l’interdiction de toute autre activité.

Comme il n’y a que 9 membres, quand un ancien président se pointe pour siéger, je n’ai pas compris la place de qui il prend. Est-ce qu’il remplace une des 3 propositions au moment du renouvellement partiel ? On ne sait pas trop.

Il y a eu plusieurs promesses de virer les anciens présidents du conseil constitutionnel, mais aucune n’a abouti… Hollande l’avait promis, Bayrou avait poussé l’idée récemment encore, mais rien n’a abouti.


Ils sont en plus des 9, ils ne prennent la place de personne.



Pour les supprimer, il faut faire une modification de la constitution, ce que Hollande ne pouvait pas se permettre.

Macron avait l’air de vouloir le faire dans la loi de moralisation avant de se rendre compte que c’était la Constitution qu’il fallait modifier (j’ai lu au moins 2 articles allant dans ce sens en cherchant sa position sur le sujet).