La réforme du télétravail entre en vigueur : ce qui va changer

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La réforme du télétravail entre en vigueur : ce qui va changer
Crédits : DragonImages/iStock

Le gouvernement a publié au Journal officiel du samedi 23 septembre ses ordonnances relatives à la réforme du Code du travail. Différentes mesures sont ainsi entérinées afin de faciliter le recours au télétravail : simplification des démarches, fin de la prise en charge de la totalité des frais d'Internet ou de logiciels, etc.

« Alors qu'il ne concerne que 17 % des salariés aujourd'hui, le télétravail est une aspiration de 61 % des Français », souligne l’exécutif dans un rapport annexé à son ordonnance « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail ». Ce mode d’organisation du travail, de plus en plus en vogue suite au développement d’Internet, est généralement perçu comme une façon d’améliorer le mode de vie du salarié – ce qui se traduit bien souvent par une meilleure productivité.

Il n’en demeure pas moins que certains freins subsistent aujourd’hui, comme l’avaient relevé les partenaires sociaux suite à une concertation lancée par la précédente majorité. En dépoussiérant le Code du travail (de manière quelque peu différente que ce qui avait été envisagé par les projets d’ordonnance présentés fin août), le gouvernement Philippe entend « donner un cadre juridique adéquat aux nouvelles pratiques, pour sécuriser salariés comme employeurs et faciliter le développement du télétravail ».

Le recours au télétravail simplifié

Pour aller vers un recours accru au travail à distance, l’exécutif a tout d’abord choisi de faciliter le « passage à l’acte ». Comment ? En simplifiant les démarches administratives.

Alors que la définition légale du télétravail prévoyait jusqu’ici que celui-ci devait être encadré par le contrat de travail (ou un avenant au contrat de travail), l’article L1222-9 du Code du travail renvoie désormais à un « accord collectif » ou, à défaut, à une « charte » qui devra être « élaborée par l'employeur après avis du comité social économique, s'il existe ».

Ces textes ont vocation à préciser :

  • Les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail
  • Les modalités d'acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail
  • Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail
  • La détermination des plages horaires durant lesquelles l'employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail

Si le recours au télétravail est simplement occasionnel, les choses sont encore plus simples : il suffit dorénavant qu’employeur et salarié formalisent leur accord « par tout moyen ». On peut ainsi imaginer qu’un travail à distance puisse être rapidement prévu suite à l’annonce d’un pic de pollution ou de problèmes liés aux transports en commun par exemple.

Premiers pas vers un « droit au télétravail »

Autre levier censé favoriser le recours au télétravail : l’instauration d’une sorte de « droit au télétravail ». Il est en effet prévu que tout employé « qui occupe un poste éligible à un mode d'organisation en télétravail » (tel que défini par accord collectif ou charte) puisse demander à travailler à distance. L’employeur pourra refuser, mais à condition de « motiver sa réponse ».

Le salarié ne sera par contre pas tenu de « faire face à des contraintes personnelles » pour profiter de ce droit, comme l’imposait initialement le projet d’ordonnance du gouvernement Philippe.

Plus de prise en charge de la totalité des frais de télétravail

De manière bien plus discrète, le gouvernement a dans le même temps purgé certaines dispositions qui figuraient jusqu'ici dans le Code du travail. Sur le papier, les employeurs ne seront par exemple plus tenus « de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci » – comme l’imposait jusqu’ici l’article L1222-10.

Maître Saint Michel, avocat spécialisé en droit du travail, nous avait toutefois expliqué que ce point pourrait être contesté devant les tribunaux : « D'un point de vue juridique, c'est contraire à la convention européenne des droits de l’homme et au droit du travail international. Il me semble difficile d’imposer à un salarié des dépenses professionnelles sans qu'elles ne lui soient remboursées. Ce n'est pas au salarié de débourser pour exécuter. Je pense qu’il y aura donc toujours possibilité que la jurisprudence revienne sur le texte ».

Autre suppression : l’article L1222-11 du Code du travail, en vertu duquel un employeur peut imposer à ses salariés de télétravailler, momentanément et sans modification de leur contrat de travail, suite à des « circonstances exceptionnelles » ou « en cas de force majeure », n’a plus besoin d’être complété par un décret d’application (qui se faisait attendre depuis plus de cinq ans). Il est donc opérationnel en l'état. Ces dispositions pourraient s’appliquer par exemple en cas de menace d’épidémie, suite à des inondations, etc.

Différentes précisions, notamment sur les accidents du travail

De manière plus accessoire, l’ordonnance précise (sur demande des partenaires sociaux) que tout « accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur » est « présumé être un accident de travail ».

Il est également écrit noir sur blanc que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise, notamment en ce qui concerne l'accès aux informations syndicales, la participation aux élections professionnelles et l'accès à la formation ».

Dernière chose : pour les salariés dont le contrat de travail contenait des stipulations relatives au télétravail avant l’entrée en vigueur de la réforme, dimanche 24 septembre, l’ordonnance prévoit que les dispositions de l'accord ou de la charte ont vocation à se substituer « aux clauses du contrat contraires ou incompatibles ». Le salarié peut s'y opposer, mais à condition de faire connaître son refus « dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle l'accord ou la charte a été communiqué dans l'entreprise ».

Un « coup d’épée dans l’eau » ou le début d'une « vraie accélération » ?

Restera maintenant à voir si cette réforme contribuera au développement du télétravail en France. Les partenaires sociaux sont assez partagés sur cette question. Pour la CGT, il s’agit d’un « coup d’épée dans l’eau » alors que du côté du MEDEF, on mise sur une « vraie accélération » (voir notre article).

« Ce n'est pas forcément le Code du travail qui va changer grand-chose », relativisait de son côté Éric Peres, du syndicat Force ouvrière : « C'est la volonté à la fois des employeurs et des salariés de s'emparer du sujet. Certains se cachent derrière les contraintes administratives, mais jusqu'à présent, ce sont souvent les pratiques managériales qui ont fait obstacle au développement du télétravail – plus que des problèmes de droit ».

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