Le président de l’Assemblée nationale a installé hier les sept groupes de travail chargés de plancher sur la modernisation de la machine parlementaire. L’un d’entre eux devra faire des propositions sur la « démocratie numérique », en vue notamment de la future réforme constitutionnelle. Un autre se penchera sur les données reflétant l'activité des députés.
Après avoir pris une première série de décisions durant l’été (suppression des avantages des anciens députés et de leurs conjoints en matière de transports, fin du régime spécial de retraite...) et à quelques jours de la promulgation des « lois Confiance » par Emmanuel Macron, François De Rugy a précisé mercredi 20 septembre son plan de bataille pour résorber la défiance des Français envers les responsables publics.
L’ancien député EELV, désormais président (LREM) de l’Assemblée nationale, a officiellement donné le coup d’envoi des discussions confiées aux sept groupes de travail qui avaient été annoncés le 2 août dernier. L’objectif est ambitieux, eu égard aux différentes polémiques de cet été, concernant notamment le site « NosDéputés.fr » : « moderniser l’Assemblée nationale en la rendant plus transparente, plus efficace et plus ouverte dans son fonctionnement ».
De nouvelles feuilles de route tous les six mois
La méthode se veut par ailleurs novatrice. Chaque groupe de travail fonctionnera par séquence de six mois jusqu’à la fin de la législature, en 2022. « Au début de chaque séquence, a expliqué François De Rugy, le Bureau [de l’Assemblée nationale] fixera leur feuille de route. Ils auront pour mission de travailler sur cette thématique pendant six mois et de proposer des réformes au Bureau. » C’est cette institution qui, in fine et sur proposition du président de l’Assemblée, choisira les mesures qui seront retenues pour être actées en interne.
S'il s'agit de réformes nécessitant une modification de la loi, il faudra par contre en passer par le dépôt de propositions de loi ou d’amendements aux textes de loi à venir.
« Cette action dans la durée doit être synonyme de sérénité, a soutenu François De Rugy. On doit pouvoir mettre fin aux réformes partielles menées l'épée dans les reins, sous la pression d'un scandale politique. »
De premières « propositions opérationnelles » attendues pour décembre
Composés de dix députés chacun, ces groupes de travail commenceront à se réunir la semaine prochaine. Leurs thématiques sont plutôt variées :
- Le statut des députés et leurs moyens de travail
- Les conditions de travail à l’Assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires
- La procédure législative et l’organisation parlementaire et les droits de l’opposition
- Les moyens de contrôle et d’évaluation
- Le développement durable dans la gestion et le fonctionnement de l’Assemblée nationale
- La démocratie numérique et les nouvelles formes de participation citoyenne
- L’ouverture de l’Assemblée nationale à la société et son rayonnement scientifique et culturel
En dépit de la règle des séquences de travail de six mois, les premières conclusions de ces groupes de travail sont attendues pour décembre 2017. François De Rugy a en effet demandé aux députés de « recenser et d'évaluer » des « propositions opérationnelles », prioritairement en vue d’alimenter le projet de réforme constitutionnelle prévu pour l'été 2018.
Une consultation publique confiée au groupe sur la « démocratie numérique »
Le président de l’Assemblée nationale a d’ailleurs laissé entendre que les pistes en matière de « démocratie numérique » et de nouvelles formes de participation citoyenne seraient assez nombreuses à ausculter : droit de pétition, référendum d'initiative citoyenne, consultations en ligne...
Ces travaux ont été placés sous la présidence de la socialiste Cécile Untermaier, spécialiste des « amendements citoyens ». Paula Forteza (LREM), en pointe sur les questions d’Open Gov, est quant à elle rapporteur de ce groupe de travail. Y participeront également : Ugo Bernalicis (LFI), Philippe Bolo (Modem), Moetaï Brotherson (GDR), Laure de la Raudière (LC), Nicolas Demoulin (LREM), Florence Grandjus (LREM), Véronique Louwagie (LR) et Guillaume Peltier (LR).
La première feuille de route adressée à ces députés invite ceux-ci à « déterminer si des adaptations de nature constitutionnelle doivent être envisagées afin de favoriser et de renforcer les possibilités d’intervention des citoyens dans la vie politique ». Le tout en s’inspirant notamment d’exemples tirés de l’étranger.
Les citoyens seront également associés à ces travaux, une « grande consultation publique » étant prévue pour cet automne à propos des « modalités de participation des citoyens à la fabrication de la loi ». Les « meilleurs contributeurs » pourront d’ailleurs venir présenter leurs idées aux députés « au mois de novembre ».
Paula Forteza veut avancer dans une démarche d'Open Gov
Contactée, la députée Paula Forteza déclare être « très contente » d’avoir été désignée rapporteur de ce groupe de travail, se félicitant « des profils divers et très expérimentés sur le sujet » de ses collègues.
« Sur le contenu, je ne veux pas m'avancer sur les conclusions d'un travail qui va devoir être mené de façon collaborative et qui n'a pas encore commencé, poursuit l’élue, mais je peux néanmoins dire que je souhaite que le processus d'élaboration du rapport soit lui même "ouvert et numérique" : je vais vouloir nous appliquer dès le début les mêmes valeurs et méthodes que nous allons certainement préconiser à l'issue des travaux. Je voudrais qu'on puisse montrer par l'exemple à quoi pourrait ressembler le travail du rapporteur dans une Assemblée moderne et réformée. »
La parlementaire, qui a travaillé dans le passé au sein de la mission Etalab, fourmille visiblement d’idées : « Pourquoi ne pas co-rédiger le rapport par exemple ? À l'aide d'outils civic tech ? Pourquoi ne pas mettre le rapport sur un git pour pouvoir gérer les contributions d'un grand nombre de spécialistes et d'intéressés dans le sujet ? » Tout en prenant le soin d’insister sur le fait qu’il ne s’agit que de « premières réactions », Paula Forteza explique qu’il « faudra tester ces idées, itérer, les faire évoluer selon l'avis des membres du groupe et des personnes qui voudront bien se joindre à cette aventure ».
Un groupe de travail pour de nouvelles données sur l’activité parlementaire
Autre groupe de travail dont nous suivrons les travaux : celui portant sur l’ouverture de l’Assemblée nationale. « Notre travail est méconnu, et nous devons donc mieux l'expliciter », a déclaré hier François De Rugy. « Il ne saurait être résumé au nombre d'amendements ou de questions écrites déposées » a-t-il poursuivi. Une allusion à peine voilée au site « NosDéputés.fr », qui compile différentes informations publiques sur l’activité des parlementaires, et dont le fonctionnement a suscité le courroux de plusieurs élus de la majorité durant l’été (voir notre article).
« Il est nécessaire d'élaborer et de publier des données pertinentes et strictement quantitatives, a soutenu le président de l’Assemblée nationale. L'ouverture de notre Assemblée, c'est aussi faire de notre institution le carrefour des innovations démocratiques. »
La feuille de route de ce groupe de travail précise ainsi qu’il s’agira « d’identifier les différents aspects de l’activité parlementaire des députés, les moyens de la rendre plus visible (par la création et la publication de nouvelles données) et la façon dont l’Assemblée nationale pourrait valoriser ces données, notamment sur son site Internet ». Sa présidence a été confiée à Elsa Faucillon (GDR). Delphine O (LREM), la suppléante de Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’État au Numérique, en est la rapporteur. Parmi les membres, on note la présence de Bertrand Pancher (LC), député habitué des questions d’Open Data.
Réforme de l'AN annoncée par @FdeRugy: nous sommes disponibles pour contribuer aux missions, notamment "Démocratie Numérique" et "Ouverture"
— Regards Citoyens (@RegardsCitoyens) 20 septembre 2017
De Rugy promeut une démarche de « co-construction » avec les citoyens
« Le processus de réforme sera citoyen », a enfin promis François De Rugy. « On ne peut pas souhaiter ouvrir l'Assemblée sur la société sans en faire l'un des éléments de la conduite des réformes elles-mêmes. » Outre la consultation publique confiée au groupe de travail sur la démocratie numérique, chaque internaute a ainsi la possibilité de transmettre des propositions aux différents groupes de travail. « Ces contributions seront rendues publiques sur le site Internet du « Rendez-vous des réformes », a précisé le président de l’Assemblée nationale.
Alors que l’organisation de travaux de réflexion est souvent perçue comme une façon de mettre le tapis sous la poussière, le locataire de l’Hôtel de Lassay a clairement fait part de sa détermination : « Je rechercherais systématiquement les majorités les plus larges, mais s'il n'y a pas de consensus, cela ne nous empêchera pas d'agir. »