Contre le piratage, la lettre de doléances de Canal+ à la ministre de la Culture

Hadopi ? Pas adaptée
Droit 5 min
Contre le piratage, la lettre de doléances de Canal+ à la ministre de la Culture
Crédits : Marc Rees (CC-By-SA 3.0)

Outre le retour de l’amende et la signature de la charte antipiratage entre Google, l’ALPA et le CNC, le sujet de la contrefaçon en ligne s’invite aussi au sommet de Canal+. Le 18 septembre, Jean-Christophe Thiery a adressé une longue lettre à la ministre de la Culture, lettre que publie Next INpact.

Les pressions se multiplient dans le sérail audiovisuel en faveur d’une mise à jour de la législation contre la consommation illicite sur Internet. Jean-Christophe Thiery, président de Canal+, a ainsi adressé un courrier à Françoise Nyssen pour se plaindre de « l’absence de sanctions réellement efficaces » en la matière.

Or, selon lui, il y a urgence : la situation serait telle qu’elle aurait pour effet « de fragiliser fortement l’ensemble du secteur culturel ». Il réaffirme que le piratage aurait ainsi engendré une perte de 500 000 abonnés Canal+ « au cours des dernières années », correspondant à un « manque à gagner de 250 millions d’euros en France ».

Des contenus déjà disponibles illégalement avant leur diffusion

Mieux, « des estimations menées en interne sur des œuvres diffusées en première exclusivité sur Canal+ montrent que ces dernières ont déjà été vues au moyen de procédés illégaux (streaming ou téléchargement) par des millions de personnes avant leur diffusion sur nos chaînes » se lamente Jean-Christophe Thierry.

C’est bien simple, un film à succès serait consommé illégalement « entre 2 et 4 millions de fois entre sa sortie en salle et sa diffusion sur Canal+ ». Et même très exactement 4,2 millions de fois pour Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? entre sa sortie en salle en avril 2014 et sa diffusion sur la chaîne payante.

D’après le courrier, ce mal n'est pas limité aux films. Il concerne aussi les séries et les compétitions sportives. « Médiamétrie a ainsi évalué à 330 000 le nombre d’internautes ayant visionné gratuitement par des moyens illégaux la rencontre PSG-Barcelone de la Ligue des champions en mars de cette année ». Sur la calculette, les chiffres s’affolent : cela représente « l’équivalent de 22% des abonnés à Canal+ ayant visionné le match sur notre chaîne ».

Autre douloureuse hémorragie : l’offre « IPTV » qui, via des box Kodi, des TV connectées ou directement sur Internet permettent d’avoir accès à l’ensemble des bouquets payants (Canal+, BeIN, OCS). Une problématique déjà soulignée par la Hadopi dans son étude technique sur ces boitiers vendus prêts à pirater, révélée par Next INpact.

Des solutions actuelles, dont Hadopi, non satisfaisantes

Quelles sont les pistes sollicitées par le groupe pour faire face à cette « massification du piratage » et la menace du modèle économique de la chaîne payante ?

Les procédures judiciaires ? Pas sûr… au fil des fermetures, les internautes se reportent sur d’autres sources d’approvisionnement, quand les responsables des sites concernés changent de nom de domaine en quelques instants pour reprendre de plus belle.

La Hadopi et la réponse graduée ? Des solutions qui « ne sont plus adaptées aux caractéristiques de ce fléau ». Certes, reconnaît Canal+, « la Hadopi a bien eu un effet dissuasif à son lancement, mais celui-ci s’est progressivement dilué au point que le peer-to-peer continue malgré tout à être utilisé massivement pour la consommation illégale d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques ».

L’auteur du courrier rappelle que la riposte graduée, « dont les effets sont remis aujourd’hui en question », ne vise que le P2P « alors que le streaming illégal a depuis longtemps explosé, en toute impunité, au même titre que le téléchargement pirate direct et le piratage des chaînes de télévision en simultané ».

Sanctionner le visionnage du streaming parmi les pistes d’évolution

Alors ? Canal+ plaide pour une « réflexion globale devant mener à une refonte en profondeur des leviers d’action de la puissance publique afin d’identifier et de mettre en œuvre les outils les plus à même de lutter contre ce fléau ».

Une réflexion déjà fléchée : Jean-Christophe Thierry réclame « une véritable sanction à l’encontre des consommateurs d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques via des moyens illégaux ». Il cite la consommation par streaming, direct download et P2P. Il plaide aussi pour la création d’un service de police à compétence nationale dédié à ce sujet, à l’image de la PIPCU (Police Intellectual Property Crime Unit) en vigueur outre-Manche.

Autre suggestion : une démultiplication des accords en vue de lutte contre la mise à disposition des œuvres illicites, en sollicitant l’intervention de tous les intermédiaires, FAI, moteurs, hébergeurs, etc.

Enfin, Canal+ remet le couvert sur la révision de la chronologie des médias, du moins pour la seule première fenêtre qui concerne cette chaîne, « l’un des moyens les plus efficaces pour réduire le piratage des films grâce au renforcement du caractère exclusif et récent des œuvres diffusées sur Canal+ ».

Quand le président de l’ALPA remet l’amende sur la table

La lutte antipiratage est un thème sur lequel la ministre est attendue au tournant. Avant-hier, au ministère de la Culture, Nicolas Seydoux a réclamé ainsi l’instauration d’un système d’amende automatique à l’encontre des consommateurs d’œuvres piratées. Un système qui pourrait être géré directement depuis Rennes, par le centre de traitement des contraventions routières.

La Hadopi elle-même cogite à une mise à jour de la riposte graduée. Selon nos informations, elle a sollicité une étude auprès du Conseil d’État pour jauger la compatibilité d’un nouveau système de sanction. Au lieu d’une transmission des dossiers par la commission de protection des droits, c’est celle-ci qui serait chargée d’infliger des sanctions financières. Seraient toujours visés les abonnés de ligne à partir desquelles sont mises à disposition des œuvres sur les réseaux P2P, malgré plusieurs lettres d’avertissement.

 

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