Steam a décidé de revoir une nouvelle fois son système d'évaluation des jeux par ses utilisateurs, afin de tenter de faire face au review bombing, ou matraquage d'évaluations. La solution retenue ne permet pas d'endiguer le phénomène, mais de le rendre plus visible.
Pour comprendre pourquoi Steam s'attaque au problème du matraquage d'évaluations négatives sur les jeux, il faut remonter quelques semaines en arrière, sur les agissements d'un certain Felix Kjellberg, plus connu sous le pseudonyme de PewDiePie.
Lors d'une partie de Playerunknown's Battlegrounds diffusée en direct, le youtubeur a lancé une injure raciste, « quel putain de nègre » pour être précis, contre un joueur adverse, ce devant des milliers de (jeunes) fans. Comme ce n'est pas la première fois que PewDiePie est pris sur le terrain de l'injure raciale ou antisémite (ce qui lui a déjà coûté son contrat avec Disney), l'affaire est montée en épingle.
Le youtubeur s'excusera en vidéo deux jours plus tard expliquant qu'il « n'accepte pas ce type de langage » et qu'il est « très déçu d’avoir alimenté ce côté odieux du web », collectant 9 millions de vues au passage. Cela en fait sa vidéo la plus regardée depuis près de deux mois, mais elle ne suffit pas à éteindre l'incendie.
Les créateurs de Firewatch s'en mêlent
C'est sans compter sur Sean Vanaman, co-fondateur de Campo Santo, le studio à l'origine de Firewatch, l'un des jeux indépendants les plus prisés de ces dernières années. Dans une tirade au vitriol sur Twitter, il explique que son studio entend lancer des requêtes DMCA pour l'ensemble du contenu vidéo produit par PewDiePie sur FireWatch et sur ses futurs jeux.
« Ça me rend malade que ce gamin ait de plus en plus de chances de se faire de l'argent sur le dos de ce que l'on produit. Il est pire qu'un raciste qui s'ignore, il est un propagateur d'ordures abjectes et cause de véritables dégâts à la culture autour de cette industrie. J'invite les autres développeurs – et j'en parlerai aux plus gros que nous – à le priver du contenu qui en a fait un millionnaire », s'exclame le responsable, qui précise tout de même n'avoir rien contre les streamers et les youtubeurs en règle générale.
Immédiatement, une frange d'internautes mécontents s'est empressée d'aller sur la page d'évaluation de Firewatch sur Steam pour exprimer son point de vue sur la situation, accompagné d'un pouce rouge. Pour une part d'entre eux, le fait de menacer de requêtes DMCA un contenu critiquant positivement ou non le jeu est un précédent dangereux, tandis que d'autres se contentent de qualifier les développeurs de « Social Justice Warriors ». Depuis l'incident, Firewatch a reçu plus de 1 200 évaluations négatives en l'espace de quelques jours.
Steam mesure les effets du matraquage
Le système d'évaluation de Steam n'est pas prévu pour faire face à ce genre de situation. Depuis quelques mois il sépare les évaluations récentes des plus anciennes afin que les joueurs puissent se faire une idée de l'évolution d'un jeu au fil du temps, et du suivi opéré par les développeurs, mais aujourd'hui ce mode de fonctionnement favorise le review bombing. Si l'on reprend le cas de Firewatch, il affiche des évaluations récentes variables avec 46 % d'avis positifs sur 30 jours, laissant entendre qu'il y a un problème avec le jeu proprement dit.
Dans un long billet, Steam explique que cette situation ne lui convient pas. « D'un côté, les joueurs qui matraquent répondent à l'objectif des évaluations d'utilisateurs : ils expriment pourquoi, à leur avis, les autres ne devraient pas acheter le jeu. Mais nous avons remarqué que, souvent, ces évaluations n’ont en fait rien à voir avec le jeu lui-même. »
Cela n'est en soi pas un problème. Cependant, l'éditeur a remarqué qu'après une période de matraquage intensif, le niveau global des évaluations revient rapidement à son niveau normal. « Après analyse du rapport hebdomadaire entre les évaluations positives et négatives pour les nouvelles évaluations sur la période de matraquage, il devient évident que le matraquage n'est en fait qu'une distorsion temporaire du score d'évaluations », affirme ainsi Steam.
Un avertissement et un filtre pour corriger le tir
Si pendant un temps la plateforme a sérieusement envisagé de supprimer le score d'évaluation, l'option a rapidement été écartée, tout comme celle de suspendre temporairement la publication de critiques quand leur débit atteint un certain seuil.
Valve ne souhaitait en effet pas « limiter la capacité des joueurs à exprimer leurs opinions » ni « empêcher les discussions de la communauté sur un sujet de mécontentement, même s'il existe probablement de meilleurs endroits pour en parler que les évaluations Steam ». Pas question non plus pour l'éditeur de changer le mode de calcul de son score d'évaluations.
La solution retenue est finalement la moins radicale. Désormais, Steam affiche un avertissement quand un jeu a fait l'objet d'un matraquage d'évaluations. Un graphique, largement inspiré par ceux produits par Steam Spy, permet de voir l'évolution du nombre d'avis et leur tendance sur l'ensemble de la durée de vie du jeu.
D'un simple clic, l'utilisateur peut s'il le souhaite masquer les avis donnés lors des phases de matraquage, afin de voir le score correspondant et de filtrer les commentaires. Il devient également possible de filtrer les avis sur une période bien précise, pour voir l'effet d'un patch par exemple.