La réforme en cours de la directive sur le droit d’auteur va-t-elle porter atteinte à l’univers du logiciel libre ? Deux grandes organisations gravitant autour de cet univers en sont convaincues. Elles publient un livre blanc pour tirer le signal d’alarme.
Le socle des inquiétudes réside sur l’article 13 du texte proposé par la Commission européenne. Pour mémoire, cette disposition entend obliger les intermédiaires qui stockent et donnent accès à un grand nombre d'œuvres à mettre en place « des mesures destinées à assurer le bon fonctionnement des accords conclus » avec les ayants droit.
Reconnaissance automatisée et filtrage
Ces accords et mesures visent à prévenir la mise en partage de contenus illicites dénoncés notamment par des solutions de reconnaissance automatisées. Les plateformes auraient ainsi à établir régulièrement des comptes rendus sur ce déploiement.
Quant aux États membres, ils devraient faciliter la coopération entre ces parties « afin de définir de bonnes pratiques, telles que les techniques appropriées et proportionnées de reconnaissance des contenus, compte tenu, notamment, de la nature des services, de la disponibilité des outils techniques et de leur efficacité au vu des évolutions technologiques ».
Les craintes de l’OpenForum Europe et la FSFE
Alors que la présidence estonienne du Conseil, institution qui représente les États membres, envisage de nouvelles pistes pour durcir encore cette obligation rampante de filtrage, ce chantier est désormais critiqué par de nouveaux acteurs.
Dans un livre blanc, OpenForum Europe et la Free Software Foundation Europe (FSFE) s’alarment ainsi de « l’impact probable » de cet article dans l’univers du logiciel libre, notamment quant à la responsabilité des plateformes utilisées par les développeurs. Avec le filtrage, les deux organisations craignent une mise en cause de « plusieurs droits fondamentaux ».
Sur la liberté d’entreprise, par exemple, le filtrage automatisé risque d’engendrer des faux positifs et de « briser » les initiatives sur ces espaces, « entrainant perte d’affaires, de productivité et (…) des infrastructures moins résilientes ».
S’agissant de la liberté d’expression cette fois, le livre blanc anticipe des suppressions injustifiées. Et pour la « présomption d’innocence », les deux organismes estiment que cette directive vient finalement considérer chaque utilisateur comme un contrevenant potentiel.
Une menace à la responsabilité des intermédiaires
Plus globalement, l’OFE et la FSFE dénoncent une atteinte au cadre de la responsabilité des intermédiaires techniques, jusqu’alors encadré par une directive de 2001 sur la société de l’information. Une menace directe visant des initiatives comme GitHub (23 millions d'utilisateurs et 65 millions de dépôts) ou SourceForge, puisque ces plateformes peuvent contenir des éléments couverts par le droit d’auteur.
Pourquoi ? Le considérant 38 du projet de directive entend expressément sanctuariser la directive sur la société de l’information, afin de protéger le statut de l'hébergeur. Cependant, le même texte écrit sans détour qu’un intermédiaire qui « optimiserait » les contenus ou en ferait la promotion, perdrait de facto ce statut pour tomber, en conséquence, de plein fouet dans le régime de responsabilité de droit commun. Il serait ainsi directement responsable des éventuelles contrefaçons trouvées dans leurs serveurs.