Il y a cinq ans, jour pour jour, le premier abonné Internet était condamné sur le fondement de la loi Hadopi. Cinq ans plus tard, la haute autorité empile, bilan après bilan, les condamnations prononcées par les tribunaux.
Le 13 septembre 2012, trois ans après le vote de la loi Hadopi, un artisan d’une quarantaine d’années était condamné à 150 euros de contravention par la justice pour ne pas avoir sécurisé son accès Internet. Il risquait jusqu’à 1 500 euros, selon les textes toujours en vigueur.
Pour mémoire, la logique de la riposte graduée consiste à sanctionner une défaillance : le manquement persistant à l’obligation de prévenir les faits de téléchargements illicites sur les réseaux peer to peer, malgré une série d’avertissements par mail et courrier recommandé.
À l’abonné d’utiliser les bons moyens de sécurisation, sauf à risquer les foudres de la Hadopi. « Le défaut de sécurisation est une infraction de commission par omission. (…) Vous aviez l’obligation de faire quelque chose et vous ne l’avez pas fait. L’infraction se constate, elle ne se prouve pas » nous avait expliqué en 2011 Mireille Imbert Quaretta, alors présidente de la commission de protection des droits.
Débrouillez-vous
« Vous devez vous débrouiller pour qu’il n’y ait pas des œuvres chargées ou mise en partage illégalement sur votre accès internet » ajoutait-elle, sachant qu'il revient à l’autorité indépendante de jauger ces moyens voire de transmettre le dossier à la justice si elle les juge trop faible.
Comme il l’avait témoigné dans les colonnes de Next INpact, le premier abonné condamné était en instance de divorce. Selon son témoignage, les téléchargements en cause avaient été effectués par sa future ex-épouse. Lors d’une convocation à la gendarmerie, il apprenait d'ailleurs que c’était la mise à disposition deux chansons de Rihanna qui avait été repérée par les ayants droit, via leur prestataire, la société Trident Media Guard.
Peu après cette convocation, il avait fait nettoyer son ordinateur par une entreprise spécialisée. La facture, « une cinquantaine d’euros », avait été fournie aux gendarmes. Mais trop tard : la logique de la riposte graduée avait fait son office. « Après ces démarches, je me suis dit "je suis tranquille ! ». Quelque temps plus tard, il était cette fois attendu devant le tribunal de police où il s’est défendu sans avocat.
9,6 millions de courriers, 138 condamnations
Depuis ce premier cas, rappelé par notre confrère Étienne Combier, la Hadopi est montée en puissance. À l’aide de son nouveau système d’information, elle fait désormais état de 404 réponses pénales au 30 juin 2017. Selon les derniers chiffres qui nous ont été transmis, il y a eu en tout 138 condamnations, outre 266 mesures alternatives aux poursuites et 104 classements sans suite.
Ces chiffres restent faibles face à la montagne des 8,8 millions de mails d’avertissement, sans compter les 800 000 deuxièmes recommandations déjà adressées, toujours à cette date. Mais mois après mois, le nombre de condamnations augmente bien. Ainsi, en février 2017, étaient dénombrées 340 suites judiciaires connues, avec 99 condamnations, 165 des mesures alternatives aux poursuites et 72 classements sans suite.