SFR Presse : Altice rachète Milibris alors que Bercy se penche sur la TVA des offres couplées

SFR Presse : Altice rachète Milibris alors que Bercy se penche sur la TVA des offres couplées

Une fin d'année qui va tout changer

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David Legrand

Publié dans

Économie

04/09/2017 7 minutes
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SFR Presse : Altice rachète Milibris alors que Bercy se penche sur la TVA des offres couplées

Deux coups de tonnerre dans le secteur de la presse ces derniers jours. On apprend en effet que Bercy pourrait modifier la façon dont est appliquée la TVA aux abonnements qui intègrent une offre de presse. Dans le même temps, Altice annonce le rachat de Milibris, acteur clé de la distribution numérique des journaux.

Dès avril 2016, nous révélions que derrière la mise en place de SFR Presse se cachait une astuce permettant à l'opérateur de réduire la TVA payée à l'État. Des informations rapidement confirmées, avec un dispositif étendu assez rapidement aux chaînes TV du groupe.

Mais ici, ce n'est pas tant l'application d'un taux spécifique aux options liées à la presse ou à la TV qui posait problème, mais la manière de gérer la remise dite « de couplage » et son automatisation.

Derrière la remise de couplage, la question de l'usage

Car plutôt que de proposer ses services comme des options payantes, SFR a décidé de les ajouter « gratuitement » à ses abonnés (une stratégie oubliée depuis). L'idée, pour tout de même en tirer un bénéfice, était de les facturer avec la TVA à taux réduit, mais d'annuler leur coût à travers une remise reposant en partie sur le forfait (taux de TVA de 20 %).

Une astuce qui peut s'avérer plutôt payante. Voici les détails pour une offre Fibre Premium de l'époque, où nous avons effectué trois calculs comparatifs. Le premier avec les remises telles qu'appliquées alors par SFR, le second en simulant une remise uniquement sur les options concernées et le dernier sans aucune remise de couplage :

SFR Presse Explications TVA

De quoi aboutir dans certains cas à une TVA négative, mais en moyenne à un taux de moins de 15 %, avec un gain de 1,97 euros par mois et par client selon les chiffres de l'époque. Avec pas moins de 20 millions de clients mobiles et 6 millions sur le fixe, autant dire que la généralisation d'un tel dispositif peut constituer une remise substantielle. 

Et c'est bien là que réside le problème de fond. Que SFR décide d'accorder une remise à ses clients pour un abonnement couplé avec un service maison, tout en profitant de la TVA réduite appliquée à la presse, est une chose. Mais que l'opérateur le fasse alors que ce même service n'est pas utilisé en est une autre.

Dès mai 2016, une bonne partie du parc de l'opérateur qui s'est vu « offrir » SFR Presse et le dispositif de TVA qui va avec. L'application a été installée sur les smartphones de l'opérateur automatiquement, et les clients n'avaient dans un premier temps pas la possibilité de résilier l'option. De quoi vite rentabiliser le rachat de journaux tels que L'Express ou Libération.

Bercy planche sur une TVA appliquée selon l'usage réel

Mais au final, ce sont 1,5 million de téléchargement qui étaient enregistrés au mois de janvier dernier. Sur chacun, SFR paie un montant qui se compte en centimes aux titres concernés. Dès lors, pourquoi appliquer le taux de TVA réduit sur l'ensemble des offres, même lorsque SFR Presse n'est pas utilisé, ou lorsque seulement quelques téléchargements sont effectués dans le mois ?

C'était notamment le sens de la critique émise par le Syndicat de la Presse Indépendante d'Information en Ligne (SPIIL, dont Next INpact est membre) lors de la mise en place du service puis au début de l'été. Celle-ci semble avoir été entendue par Bercy, qui s'était jusqu'à maintenant refusé à tout commentaire public.

Ce vendredi, Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, s'est exprimé dans le sens d'une attention particulière sur le sujet. Dans la foulée, nos confrères des Échos et du Figaro pointaient une volonté de Bercy de restreindre le dispositif mis en place au nombre de téléchargements réellement effectués.

Altice brandit la défense de la presse...

Interrogé sur le sujet par Le Figaro, Alain Weill, directeur général d'Altice Médias a invité à la prudence, précisant que « SFR Presse a eu le mérite d'inventer une nouvelle forme de distribution des journaux qui marche bien et les éditeurs sont satisfaits de trouver de nouvelles sources de revenus ».

Selon lui, la presse aurait déjà fait le choix de l'accès illimité à l'information, ce qui expliquerait l'intérêt d'un modèle tel que celui mis en place par SFR Presse. Un choix pourtant contesté par certains, comme Le Point, mais aussi des médias qui ne veulent pas plus dépendre demain des opérateurs de téléphonie que des GAFAM.

Sans parler de l'impression de gratuité donnée par l'intégration d'un tel service, alors même que la presse continue justement de subir une grave crise de financement, alors que le modèle publicitaire en ligne s'enlise dans ses erreurs.

Mais au-delà de cette pirouette de communication, Bercy ne devrait pas oublier que le dispositif mis en place depuis un an par SFR lui a surtout permis d'exploiter la TVA réduite afin de reconstituer ses marges. Ce, alors que l'objectif des 2,1 % est de diminuer le coût de l'information pour le citoyen.

De quoi couper l'herbe sous le pied de ceux qui commençaient à imiter SFR. C'est notamment le cas de Bouygues Télécom qui a lancé il y a quelques mois son Bouquet Presse, avec un dispositif de TVA similaire.

... tout en s'assurant de sa dépendance

Pendant ce temps, c'est un autre élément qui devrait secouer le secteur. En effet, selon La Correspondance de la Presse de ce lundi 4 septembre (voir ci-dessous), Altice a racheté la société Milibris. Derrière ce nom se cache la société qui est derrière la solution technique de SFR Presse. Cette annonce n'est donc pas une surprise puisqu'elle est conforme à la stratégie d'intégration d'Altice.

Mais Milibris est surtout un acteur central du monde de la presse numérisée, ses solutions techniques étant utilisées par de nombreux journaux : Le Figaro, L'Obs, Le Parisien, Challenges, El Paìs, Sciences et avenir ou encore L'Équipe. Autant de titre qui n'appartiennent pas à Altice mais qui en dépendent désormais. 

Le groupe avait déjà racheté Teads au début de l'année, un éditeur de solutions publicitaires vidéo (dont le fameux InRead) qui était partenaire de nombreux titres. De quoi les rendre alors dépendant de l'un de leurs concurrents. Il sera donc intéressant de voir les réactions dans les mois à venir et si une « contre-offensive » se met en place. Ou si les éditeurs arriveront à se faire, petit à petit, à l'idée de faire dépendre leur distribution numérique d'Altice.

Écrit par David Legrand

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Derrière la remise de couplage, la question de l'usage

Bercy planche sur une TVA appliquée selon l'usage réel

Altice brandit la défense de la presse...

... tout en s'assurant de sa dépendance

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Commentaires (32)


Altice est vraiment une bande d’enfoirés… avec leur bricolage, ils sont “simplement” en train de faire payer leurs achats par l’Etat et donc nous via la TVA.



Je suis content que Bercy s’active rapidement sur ce point. C’est honteux


Contente que Bercy remette un peu les choses à plats


La même TVA de 21 % pour tous, papier comme numérique, optionnel ou inclus de base, presse ou journal / site d’infos ; et le problème est réglé.


Il était temps, mais triste de constater que devant cette évident acte de malhonnêteté de la part des opérateurs, notre système mette autant de temps à réagir :( .


Faut voir le bon côté des choses, le système réagit déjà… il y a 10 ans, c’était pas dit qu’il aurait ne serait-ce que haussé un sourcil.


La question c’est surtout : s’il y a réaction, est-ce qu’elle prendra la forme d’une application dès 2016 ou pas. Si Bercy précise les règles, ils sont fondés à les appliquer de manière rétroactive. 


Bof, du lobby par ci, des gros cadeaux par là aux bonnes personnes, et puis l’affaire sera vite oublié comme avec google.


Quand je disais que SFR était dirigé par des nuisibles, j’en étais pas loin.








KP2 a écrit :



Faut voir le bon côté des choses, le système réagit déjà… il y a 10 ans, c’était pas dit qu’il aurait ne serait-ce que haussé un sourcil.





C’est vrai ^^, mais perso j’avais limite l’impression que ce montage financier grossier était une provocation, et j’attendais une réponse dès le mois suivant. Bilan: Il leur a fallu plus d’un an.



 L’Union européenne avait déjà mis la France au pas, à propos des taux de TVA des offres triplay (50% du forfait à taux normal - 50% à taux minoré pour la TV).



 Maintenant ça recommence avec la presse en ligne, sous une autre forme. Je suis curieux de voir si le Gouvernement jouera la négociation comme d’habitude, ou s’il prendra une décision cosmétique pour faire genre “on a réagit”, ou s’il va trancher dans le vif en faveur d’une politique fiscal qui respecte une certaine forme honnête et simple à comprendre pour le quidam.








David_L a écrit :



La question c’est surtout : s’il y a réaction, est-ce qu’elle prendra la forme d’une application dès 2016 ou pas. Si Bercy précise les règles, ils sont fondés à les appliquer de manière rétroactive.





Ça sera forcement rétroactif, il pourrait/devrait même avoir des pénalités



Je me méfie des suppositions dans ce genre de cas (même si je vois mal comment ils pourraient dire “voici les règles, vous n’avez pas respecté mais bon pas grave c’est trop tard”).








David_L a écrit :



Je me méfie des suppositions dans ce genre de cas (même si je vois mal comment ils pourraient dire “voici les règles, vous n’avez pas respecté mais bon pas grave c’est trop tard”).





évidemment, c’est mon opinion ( et je ne suis pas inspecteur des impôts ) mais les impôts pouvant revenir sur trois exercices fiscaux en arrière, il doit être rare qu’ils se gênent <img data-src=" />









adarion29 a écrit :



C’est vrai ^^, mais perso j’avais limite l’impression que ce montage financier grossier était une provocation, et j’attendais une réponse dès le mois suivant. Bilan: Il leur a fallu plus d’un an.







Un an, c’est pas énorme pour bouger Bercy et pour une question liée à la fiscalité de ce genre…

C’est vachement complexe ce genre de question, faut pas croire.



des montages financiers il y en a dans tous les domaines, et là il y a un article sur SFR, du coup c’est des enfoirés?!

Bouygues fait pareil, Orange et Free menace de le faire aussi…

Et Google, Apple, Microsoft, ainsi que tous les industries mondiales ’s’amusent’ à faire des montages financiers pour gagner qql millions d’€.

Altice n’est pas le 1er ni le dernier à le faire… bienvenue dans le monde des finances!!!!!


Là où je partage ton opinion et où on peut faire la parallèle avec le “code du travail numérique”, c’est que c’est typiquement le genre de situation où tu te couvres avec un rescrit.



De tous les articles que j’ai pu voir, ça n’a pas été fait.



(Et clairement, comme le passage de la TV de 50% de l’abonnement à une part minuscule, j’y vois une fraude).


Fraude à la TVA + faire fuir ses clients avec des factures incompréhensibles + surendettement pour racheter l’entreprise = faillite à long terme <img data-src=" />


Je vois pas trop l’intérêt de ton commentaire quand personne n’a dit que les autres opérateurs étaient mieux. Là on est sur une news qui parle d’une bassesse de SFR, si tu n’es pas prêt à voir ta marque dénigrée tu devrais aller ailleurs…


Mais faut arreter serieux !

La TVA a 2% sur une part du forfait, oui pourquoi pas.





MAIS DANS CE CAS, PAS 20% DE TVA SUR LA REMISE !!



C’est dingue une faille aussi béante! Ils facturent un truc 20€ avec 2% de TVA, et le rembourse 20€ avec 20% de TVA. C’est une arnaque évidente, ils volent des millions chaque mois au contribuable, et doivent écoper d’une amende salée !


Ce qui est sanctionnable, c’est la réduction strictement équivalente (en date et en montant) ainsi que d’avoir artificiellement augmenté la valeur de l’option jusqu’à ce que ça représente pratiquement le service principal.








Aqua-Niki a écrit :



Je vois pas trop l’intérêt de ton commentaire quand personne n’a dit que les autres opérateurs étaient mieux. Là on est sur une news qui parle d’une bassesse de SFR, si tu n’es pas prêt à voir ta marque dénigrée tu devrais aller ailleurs…





L’article parle que de SFR alors que Bouygues le fait aussi. Alors pourquoi parler que de SFR?

je sais bien SFR est le vilain petit canard du moment…



Déjà non l’article ne parle pas que de SFR, il indique que Bouygues fait la même chose.

Puis même si Bouygues a suivi (je ne sais pas d’où tu sors que les autres vont faire pareil mais pour l’instant c’est pas le cas), c’est quand même normal qu’on parle plus de SFR, c’est eux qui ont lancé en premier cette technique qui ressemble fortement à de l’évasion fiscale, et la deuxième partie de l’article ne concerne qu’eux.


Non, le remboursement se fait en partie à 20%, mais pas uniquement. Techniquement, ça doit se faire au prorata. Ce qui est problématique sur le fond (et c’est pour ça que Bercy semble aller sur ce terrain), c’est le fait de systématiser cette promotion déployée à la quasi-totalité des clients, qu’ils utilisent ou non le service.


Cela, c’est une bonne question (application rétroactive possible si règles précisées ?).



Il y a une liste précise de titres de presse qui ont droit à cette TVA réduite à 2.1% (voir site site de la commission paritaire des publications et agences de presse, la CPPAP), et c’est clairement une aide à la presse, pas aux fournisseurs d’accès Internet. Donc effectivement, une simple précision pourrait suffire, sans changer la réglementation (ce qui n’est pas rétroactif).



http://www.cppap.fr/article.php3?id_article=1040


Le dispositif se reposait sur une interprétation de ce qu’il est possible de faire en la matière (notamment sur l’activation automatique). Du coup si Bercy précise les règles ça peut mener à un redressement sur une période de plus d’un an. Mais bon, tout dépendra aussi de la volonté politique sur le sujet.&nbsp;


Étant donné qu’ils offrent l’option (et c’est clairement communiqué comme tel), le taux appliqué a la promotion doit être exactement similaire au taux appliqué sur le remboursement, et non pas “une partie”.



Il a été démontré par A+B que cela conduit a une TVA illicite, voir même négative sur certains abonnements remisés.


La gratuité découle du couplage de deux services, donc la répartition de la remise quand elle s’applique via un pro rata n’a rien de problématique, et Bercy ne dira sans doute rien sur le sujet. SFR est largement critiquable sur ce terrain sans que l’on aille inventé un principe de TVA illicite qui n’existe nulle part ;) La TVA négative est un effet de bord du mode de calcul sur lequel Bercy aura sans doute à s’exprimer au passage (il n’y a d’ailleurs rien à démontrer puisque les factures sont là).



Mais le vrai problème de fond est celui de l’application automatique et généralisée du dispositif sans tenir compte de l’usage. C’est ça qui fait l’ampleur du truc et c’est le terrain sur lequel Bercy semble décidé à agir (à raison à mon avis).&nbsp;


Sérieux je ne vois pas en quoi ça n’a “rien de problématique”.



Tu offres quelque chose à 20€, soit 0.40€ de TVA. Le truc vaut donc 19.60€.

Vu que c’est offert, car l’abonnement coûte le même prix sans, si on ne te rembourse pas -19.60€ avec -0.40€ de TVA, ça veut simplement dire qu’on se sert dans les caisses de l’état.

C’est purement et simplement de la fraude au fisc. Aucun effet de couplage ne peut justifier ça.


Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a aucune fraude là dans la mise en place d’une remise de couplage avec un pro rata (sinon je veux bien l’article du CGI en question). Et si fraude il y a c’est à Bercy de le dire. Je comprends ton point de vue mais tu fais l’amalgame entre le discours marketing et la pratique commerciale.



In fine, SFR propose un pack de services avec une remise de couplage (qui n’est pas spécialement un dispositif nouveau), qui consiste à dire que si deux services sont mis en commun, une remise peut être mise en place et répartie sur chacun. Après qu’il te disent que du coup le service est offert ou pas, c’est autre chose et ça tient du blabla marketing envoyé dans un email commercial. Ce qui fait foi, c’est la facture (et les CGV/FIS).



Prend le cas d’un média qui vend un abonnement avec un mug. Ta position consiste à dire que s’il y a remise (totale ou partielle) par rapport au tarif facial du mug vendu seul, elle ne doit être appliquée que sur le mug, ou que sur l’abonnement. La pratique est plutôt de dire : tu proposes un mug avec un abonnement, de la constitution de ce pack résulte une promotion, celle-ci peut être assise au prorata de l’un et de l’autre si les TVA sont différentes.



Dans le cas de SFR, ce qui pose souci c’est l’ajout sans frais d’un service numérique à des clients dont la majorité ne l’utilisent pas, tout en profitant quand même du dispositif de remise de couplage qui permet de réduire la TVA globale.


“SFR vous souhaite une bonne lecture”&nbsp;



«&nbsp;SFR&nbsp;Presse a eu le mérite d’inventer une nouvelle forme de distribution des journaux qui marche bien et les éditeurs sont satisfaits de trouver de nouvelles sources de revenus&nbsp;». Oups ? (bon même si l’article au final n’est pas vraiment complaisant)


Ne pas prendre en compte mon précédent message ! Quand j’ai lu “SFR vous souhaite une bonne lecture”, j’ai cru à un article en accès libre automatique sponsorisé comme on en voit sur certains sites, ce qui aurait été assez ironique (je me suis fait avoir par la mise en page et le fait que ce soit tout au début). Au temps pour moi !








David_L a écrit :



Dans le cas de SFR, ce qui pose souci c’est l’ajout sans frais d’un service numérique à des clients dont la majorité ne l’utilisent pas, tout en profitant quand même du dispositif de remise de couplage qui permet de réduire la TVA globale.





Est-ce la raison pour laquelle Bouygues ne propose pas son service presse aux abonnés recrutés avec un tarif préférentiel manifestement bas ?