C’était l’un des objectifs des ordonnances relatives à la réforme du Code du travail : encourager le recours au télétravail, désormais de plus en plus facile grâce au développement d'Internet. Loin de se borner à dépoussiérer les textes existants, le gouvernement s’apprête par exemple à introduire une sorte de « droit au télétravail ».
Comment favoriser le recours au télétravail, vu par certains comme une façon d’améliorer la productivité et le cadre de vie des salariés, tout en se montrant bénéfique sur un plan environnemental ? La précédente majorité avait déjà ouvert ce dossier en confiant aux partenaires sociaux le soin de mener une concertation sur cette question. C’est toutefois à Muriel Pénicaud, l’actuelle ministre du Travail, qu’ont été remises les conclusions de ces travaux, début juin.
Le gouvernement a ainsi décidé d’inscrire le sujet au menu du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnance diverses mesures concernant la réforme du droit du travail. L’objectif ? « Donner un cadre juridique adéquat aux nouvelles pratiques, pour sécuriser salariés comme employeurs et faciliter le développement du télétravail. »
L’article 24 du projet d’ordonnance « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » nous en dit cependant un peu plus sur les projets concrets de l’exécutif.
Le télétravailleur, un salarié de plus en plus ordinaire
Le gouvernement commence par dépoussiérer les textes relatifs au télétravail, dans l’objectif d’assimiler davantage le télétravailleur à un salarié « lambda ». Il n’y aura par exemple plus besoin d’effectuer ses tâches hors des locaux de l’entreprise « de façon régulière » pour accéder au statut de télétravailleur (au sens de l’article L1222-9 du Code du travail).
Il est au passage prévu d’inscrire dans la loi que celui qui travaille à distance dispose des « mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ». Cela concerne notamment l’accès à la formation, précise le projet d’ordonnance dévoilé hier par Édouard Philippe et Muriel Pénicaud.
Le recours au télétravail ne devra par ailleurs plus forcément être prévu par le contrat de travail – ou par un avenant à celui-ci. Un accord collectif ou, à défaut, une charte interne à l’entreprise (et « élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe ») a en effet vocation à prendre le relais. Quels qu’ils soient, ces textes devront préciser « les modalités de contrôle du temps de travail », ou bien encore « la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter [son] salarié ».
Muriel Pénicaud annonce le développement du télétravail et l'"augmentation des indemnités de licenciement de 25%" #ordonnances pic.twitter.com/xYmNHTnroW
— franceinfo (@franceinfo) 31 août 2017
Autre précision apportée par le projet d’ordonnance : tout accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail sera « présumé être un accident de travail », à condition bien entendu qu’il ait eu lieu « pendant les plages horaires du télétravail ».
Un premier pas vers un « droit au télétravail »
Mais la principale innovation du texte réside probablement dans l’instauration d’une sorte de « droit au télétravail ». Tout salarié qui occupe « un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail » (tel que défini par l’accord collectif ou, à défaut, par la charte évoquée précédemment) pourra en effet demander à travailler à distance – chez lui, dans un espace de coworking, etc.
L’employé devra simplement pouvoir justifier de « contraintes personnelles » (éloignement de son domicile, grossesse...). Le patron, de son côté, pourra refuser, mais à condition de « motiver sa réponse ».
Possibilité d’imposer le télétravail en cas de « circonstances exceptionnelles »
Toujours dans l’objectif de favoriser le recours au télétravail, le gouvernement s’apprête à rendre l’article L1222-11 du Code du travail opérant, même sans décret (ce dernier était attendu depuis plus de cinq ans !). En vertu de ses dispositions, un employeur peut imposer à ses salariés de télétravailler, momentanément et sans modification de leur contrat, suite à des « circonstances exceptionnelles » ou « en cas de force majeure ».
Le Code du travail se borne à citer en exemple les menaces d'épidémies, mais la liste n’est pas limitative... On se souvient ainsi que les écologistes avaient voulu y faire entrer les pics de pollution. Le gouvernement de Manuel Valls s’était opposé à leur amendement, affirmant qu'il procéderait à cette précision dans le décret d'application du dispositif (voir notre article).
Il appartiendra donc aux entreprises d’interpréter ces deux notions de « circonstances exceptionnelles » et de « cas de force majeure ». Ou, en cas de litige, au juge.
Des projets d’ordonnance encore susceptibles d’être modifiés
Restera maintenant à voir si ces dispositions évoluent d’ici à leur présentation officielle en Conseil des ministres, prévue pour le 22 septembre prochain. Le gouvernement doit en effet encore consulter différents organismes (tels que le Conseil national d’évaluation des normes), sans parler de la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi d’habilitation à prendre ces ordonnances, toujours attendue pour la semaine prochaine.