Présentant ses projets d’ordonnances relatives à la réforme du droit du travail, jeudi 31 août, le gouvernement a dévoilé davantage son projet de « Code du travail numérique ». En cas de litige, le salarié ou l’employeur qui se prévaudra d’informations fournies par ce nouvel outil devra être « présumé de bonne foi » par l’administration.
Après des mois d’attente et d’échanges avec les partenaires sociaux, le Premier ministre Édouard Philippe et sa ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ont levé le voile hier sur la réforme du droit du travail. Au total, ce sont « 36 mesures concrètes et opérationnelles pour l’emploi, les entreprises et les salariés en France », qui ont été présentées, vante le dossier de presse concocté par l’exécutif. Simple bug ou petit tour de passe-passe pour gonfler ce chiffre, deux ont trait à un seul et même projet : la création d’un « Code du travail numérique ».
Le @gouvernementFR se vante de proposer avec ses #Ordonnances 36 mesures choc... Sauf que deux sont identiques (code du travail numérique)! pic.twitter.com/WLUW5RAuPH
— Xavier Berne (@Xberne) 1 septembre 2017
Le gouvernement promet ainsi la mise en place d’un nouvel outil « clair, accessible et compréhensible, répondant aux questions concrètes que se posent les chefs d’entreprise des TPE/PME et les salariés ». Il n’est en ce sens absolument pas question d’élaborer un nouveau texte, qui ne s’appliquerait par exemple qu’aux acteurs « numériques » (Uber, Deliveroo, etc.).
Mais que nous dit donc le projet d’ordonnance « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » ? Qu’une « version du code du travail numérique » sera « mise en place au plus tard le 1er janvier 2020 en vue de permettre et faciliter l’accès à toute personne au droit du travail et aux dispositions législatives et réglementaires ainsi qu’aux stipulations conventionnelles applicables ».
Vers un renforcement de Légifrance
L’accès à ce code se fera « de manière gratuite », précise le texte, « au moyen du service public de la diffusion du droit par l'internet » (a priori le site Légifrance, dont la refonte est justement prévue pour cette année).
L’exécutif reste finalement très discret sur les modalités concrètes de mise en œuvre de ce Code du travail numérique, alors qu’il avait été question lors des débats parlementaires d’instaurer un outil plus interactif qu’une simple retranscription de règles de droit...
Une présomption de bonne foi au bénéfice des salariés et employeurs
Le projet d’ordonnance renvoie bien à un décret, mais uniquement pour la définition des « conditions dans lesquelles les personnes peuvent se prévaloir dans leurs relations avec l’administration des informations » qui seront fournies par ce nouvel outil. « L’employeur ou le salarié qui se prévaut des informations obtenues au moyen du code du travail numérique est, en cas de litige, présumé de bonne foi », dispose ainsi le texte du gouvernement.
Devant les députés, Muriel Pénicaud avait expliqué début juillet que ce Code du travail numérique ressemblerait au rescrit fiscal (cette demande d’interprétation de texte qui devient ensuite opposable à l’administration fiscale) : « Lorsqu’elles seront face à l’administration, les petites entreprises bénéficieront d’une sorte de certification de bonne foi. L’administration fera preuve de bienveillance à leur égard. Bien sûr, cela ne vaut pas interprétation du droit mais cela fait partie du « droit à l’erreur », c’est-à-dire de cette démarche de présomption de bonne foi, surtout s’il y a une information de l’administration. »
Aucune évaluation de l’impact de ce dispositif, notamment pour les finances publiques, n’a pour l’instant été dévoilée.
Restera maintenant à voir si ces dispositions évoluent d’ici à leur présentation officielle en Conseil des ministres, prévue pour le 22 septembre prochain. Le gouvernement doit en effet encore consulter différents organismes (tels que le Conseil national d’évaluation des normes), sans parler de la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi d’habilitation à prendre ces ordonnances, toujours attendue pour la semaine prochaine.