Une entreprise française veut attaquer l'accord Open Bar entre la Défense et Microsoft

Une fenêtre à la porte du tribunal
Droit 4 min
Une entreprise française veut attaquer l'accord Open Bar entre la Défense et Microsoft
Crédits : tab1962/iStock/ThinkStock

La reconduction pour quatre années du contrat « Open Bar » signé entre le ministère des Armées et Microsoft Irlande a été actée le 1er juin 2017. Nexedi, un éditeur français spécialisé dans le libre, compte bien contester cet accord passé sans marché public devant les tribunaux.

Questionnée par la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, la ministre des Armées a confirmé la semaine dernière que la Défense avait bien renouvelé son accord avec Microsoft. Un accord noué une première fois en 2009, depuis sans cesse reconduit. Florence Parly, nouvelle locataire du ministère, a développé une série d’éléments de langage pour justifier un tel mariage : « Cette solution a permis de soutenir une partie du parc Microsoft déjà déployé au sein du ministère au moyen d'un support contractuel désormais unique », considérant en outre qu’il avait été source d’« importantes économies ».

Aux inquiets qui se souviennent de Wannacry, Parly oppose les mesures de sécurité apposées sur le parc, une infrastructure garnie de  « sondes, dispositifs logiciels et matériels de chiffrement » développés avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.

Et pas question de revenir sur le sujet de la souveraineté : « Il n'est ni réaliste ni indispensable de construire des systèmes d'information uniquement sur la base de matériels et de logiciels entièrement maîtrisés de façon souveraine ». Ni même sur le thème de la fiscalité, sachant que les fruits de cet accord – non chiffrés – sont localisés en Irlande, loin des appétits de Bercy : « Le ministère des Armées n'a connaissance d'aucun élément objectif qui conduirait à écarter Microsoft Irlande de l'attribution de marchés publics ou à appliquer à cet opérateur économique européen, en l'état actuel de la réglementation, quelque forme de discrimination que ce soit en la matière ».

Des F-18 plutôt que des Dassault Rafale 

Visiblement, ces arguments n'ont pas eu l'effet escompté. La société française Nexedi, par la voie de Jean-Paul Smets, son président, annonce en effet son intention d’attaquer l’accord-cadre en justice. « Imagine-t-on le ministère de la Défense acquérir des F-18 (moins chers) ou des F-35 (plus avancés dans certains domaines) plutôt que des Dassault Rafale ? Imagine-t-on le ministère de la Défense acquérir des Antonov An-70 (trois fois moins chers) plutôt que des Airbus A-400M ? »

Toujours dans son communiqué, elle dresse une liste des plaies présentes, à ses yeux, dans cet accord passé par ce ministère régalien et le géant américain : « lI joue contre la France et l'Europe en préférant une solution américaine à des solutions françaises ou européennes ». D'après Nexedi, la solution serait plus couteuse tout en étant inférieure techniquement en termes de performances et sécurité. Ce n’est pas tout : « [l'accord] favorise par contrat des formes d'optimisation fiscale » tout en évinçant « les offres européennes ou françaises » dont celles de l’entreprise française qui propose une offre dite « globale ».

Un appel aux autres acteurs

« Les choix liés au contrat Open Bar passé par le ministère de La Défense ne sont pas anodins, poursuit la société. Ils éloignent chaque jour un peu plus la France de la souveraineté numérique en mettant l'ensemble des infrastructures militaires à la merci de la possibilité de portes dérobées dans les micro-processeurs Intel tout en défavorisant des solutions européennes alternatives dans le domaine du logiciel ou du matériel. »

En plus de l’annonce de son action à venir, confiée à Me Jean-Baptiste Souffron, la société installée à Marcq-en-Barœul lance un appel aux autres entreprises françaises et européennes « qui s'estiment lésées par le contrat Open Bar passé par le Ministère de La Défense », avec l'espoir que d'autres viennent se joindre au front. 

Au tableau de chasse de Nexedi

En 2011, la même entreprise avait fait annuler un marché public qui avait pour tort, dans sa rédaction, d’exclure les solutions libres. « Le présent marché comprend la fourniture d’un Univers BO [Business Objects] sur la plateforme infocentre (….) les données du progiciel seront stockées sur une base de données relationnelles Oracle » indiquait le document. Les juges ont vu une contrariété avec l’article 6 du Code des marchés publics qui interdit les spécifications techniques qui auraient « pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. »

En 2016, l’éditeur avait aussi assigné Apple devant le tribunal de commerce, avec pour ambition d’améliorer le support HTML5 sur iOS. Dans une note, il rappelait qu’Apple exige « des développeurs souhaitant publier leurs applications sur l'AppStore de se conformer à un contrat. Dans sa version française, ce contrat stipule qu'Apple n'autorise pas la publication dans son appstore de toute application qui télécharge et exécute du logiciel, à l'exception du Webkit intégré d'Apple ».

Or ces conditions créeraient un déséquilibre significatif entre les parties. Un peu comme « si Carrefour refusait par exemple de vendre d'autres haricots que ceux cultivés à partir de graines de haricots vendues par Carrefour. C'est peut-être légal dans d'autres pays, mais très probablement pas en France ». Cette procédure est toujours en cours.

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