Le député Nicolas Dupont-Aignan déplore aujourd’hui que certaines administrations ne suivent pas les avis – purement consultatifs – rendus par la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Si l'élu plaide implicitement pour une réforme, on voit mal l'exécutif rouvrir ce dossier alors que la loi Numérique peine encore à produire ses effets.
L’année dernière, l’institution a donné près de 3 000 fois son « feu vert » à la communication de documents administratifs divers (rapports, codes sources de logiciels, études, etc.). À chaque fois, les demandeurs avaient préalablement essuyé un refus, tacite ou explicite, de la part d’un acteur public – ministère, collectivité territoriale, autorité administrative indépendante, etc.
Même si le président de la CADA, Marc Dandelot, nous confiait en septembre 2016 que la Commission n’a pas toujours connaissance des suites accordées à chaque dossier, on peut lire sur son site Internet que « selon les années, 80 à 85 % des avis favorables sont effectivement suivis de la communication des documents ».
Autrement dit, ce sont entre 450 et 600 citoyens qui n’auraient pas réussi à obtenir le document sollicité l’année dernière, en dépit de l’avis favorable de la CADA. Et pour cause : l’autorité administrative indépendante intervient uniquement de manière consultative. Même si sa saisine est un préalable à toute action en justice, l’administration n’est absolument pas tenue de suivre ses conclusions.
Le député Dupont-Aignan craint que « cette situation abusive ne se généralise »
Une situation qui agace le député de l’Essonne, Nicolas Dupont-Aignan. « Certaines collectivités, sollicitées suite à un refus implicite de fournir le document demandé, et après avis favorable de la CADA, saisie par le demandeur, persistent dans leur attitude, sous prétexte que cet avis n'est que consultatif », peste l’ancien candidat à la présidentielle au travers d’une question écrite parue mardi 29 août au Journal officiel.
Afin « d'éviter que cette situation abusive ne se généralise », l’élu demande au ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, « s'il envisage une réforme de la législation ». Si Nicolas Dupont-Aignan n’avance pas explicitement de piste d’évolution législative (d’autant qu’il ne semble viser dans sa missive les seules collectivités territoriales), on devine qu’il serait selon lui question de revoir le caractère simplement consultatif des avis de la CADA.
La CADA préfère miser sur la pédagogie
On en revient donc à une question qui est loin d’être nouvelle : faut-il octroyer de nouveaux pouvoirs à la Commission d’accès aux documents administratifs ? La principale intéressée, qui n’hésite à pas à critiquer l’inertie de l’administration, s’est pour autant toujours montrée rétive face aux approches coercitives (comme elle l’avait fait valoir en prélude aux débats sur le projet de loi Numérique).
« La meilleure solution sera toujours la prévention, c’est-à-dire faire en sorte que les demandes de communication de documents administratifs reçoivent des réponses positives spontanées dans le délai requis d’un mois », rappelle l’institution dans son dernier rapport d’activité. La Commission souligne d’ailleurs qu’il y a à cet égard « de grands progrès à faire » : « Non seulement la culture de la transparence n’est pas universellement partagée, mais, paradoxalement, ce qui est un comble, l’existence de la CADA est parfois un prétexte à l’attentisme. Nous avons en effet des exemples, où c’est l’administration elle-même qui invite le demandeur à saisir la CADA, en faisant de la production de l’avis de la commission la condition d’une réponse positive, alors que la solution va de soi. »
Un élu absent des débats autour de la loi Numérique
Certains trouveront d'ailleurs curieux que le député Dupont-Aignan se mobilise sur ce sujet aujourd’hui, alors qu’il fut débattu dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale il y a un peu plus d’un an, lors de l’examen du projet de loi Numérique. On ne trouve en effet aucune trace d’une quelconque prise de parole ou de dépôt d’amendement de la part de l’intéressé...
Sur impulsion notamment du député Lionel Tardy (LR), le législateur a pourtant souhaité que la CADA publie « régulièrement » une liste de ses avis favorables. Ont ainsi vocation à être mis en ligne : « le nom de l’administration concernée, la référence du document administratif faisant l’objet de l’avis, les suites données, le cas échéant, par l’administration à cet avis, ainsi que, le cas échéant, l’issue du recours contentieux ». Dans une logique de « name and shame », il s’agit de permettre au public de savoir quelles sont les administrations qui restent rétives aux conclusions de la CADA.
La piste d’une « liste noire » mettant uniquement en exergue les administrations qui ne communiquent pas les documents sollicités suite au feu vert de la CADA avait finalement été écartée pour des raisons juridiques. Dès lors que le juge administratif ne s’est pas prononcé sur un litige, rien ne permet d’affirmer que l’interprétation de la CADA est la bonne. Ce qui aurait pu conduire à mettre au « pilori numérique » des administrations dans leur bon droit...
Bientôt un outil de suivi des avis favorables de la CADA
Marc Dandelot, le président de la CADA, nous expliquait en septembre dernier que ce nouvel outil de suivi des avis favorables de la Commission devait être déployé au premier trimestre 2017, si tout se passait bien. « Ce sera une capsule, probablement sous forme de tableau, sur notre site. » Mais force est de constater que ce dispositif n’est toujours pas en service...