Dans une nouvelle demande devant la justice, l'administration américaine renonce officiellement à obtenir les données de l'ensemble des visiteurs de DisruptJ20.org. Elle affirme que la première demande (portant potentiellement sur 1,3 million de visiteurs) était involontairement large, les autorités ne se rendant pas compte de la quantité de données possédées par l'hébergeur DreamHost. Le nouveau document exclut les adresses IP des visiteurs, ainsi que les documents non publiés, pour limiter la recherche à ceux ayant manifesté lors de l'investiture de Donald Trump.
Dans un mandat adressé à l'hébergeur DreamHost, le département américain de la Justice réclame les fichiers, bases de données et journaux du site DisruptJ20.org. L'entreprise, épaulée par l'EFF, s'est opposée à cette requête jugée trop large, voire anticonstitutionnelle.
La manifestation anti-Trump du 20 janvier dernier a encore d'importantes conséquences. En juillet, le département américain de la Justice a demandé à l'hébergeur DreamHost de livrer l'ensemble des données dont il dispose sur le site DisruptJ20.org, qui a servi à coordonner des actions le jour de l'investiture du 45e président des États-Unis. La particularité est que toutes les informations sont requises, y compris celles permettant d'identifier les visiteurs.
Dans un billet de blog, l'hébergeur affirme que ce sont jusqu'à 1,3 million de personnes qui pourraient ainsi être identifiées. Il s'oppose donc à une requête jugée beaucoup trop large. Sur son site, le mouvement invite actuellement à soutenir financièrement les 196 personnes, menacées par la justice pour leur implication dans les émeutes du début d'année, à Washington et dans tout le pays.
Comme le rappelle NPR, 230 personnes ont été arrêtées après des manifestations le jour J, après des violences. La justice continue de chercher les autres participants du mouvement, quitte à se lancer dans une manœuvre anticonstitutionnelle selon l'Electronic Frontier Foundation (EFF).
Opposition et soutien public
L'hébergeur dit ne pas avoir connaissance de la déclaration sous serment qui a donné lieu à ce mandat. « Chris Ghazarian, notre avocat général, s'est opposé à ce mandat qui constitue une requête particulièrement vaste qui décourage l'association libre et la liberté d'expression garanties par la Constitution » écrit l'entreprise, qui a signifié son rejet le 11 août. Il doit être auditionné par la justice le 18 août, à Washington.
La société affirme que l'ensemble des données personnelles (coordonnées, contenu d'emails et photos) de milliers de personnes sont demandées. Dans son mandat, l'avocat du District de Columbia demande tous les fichiers et contenu des bases de données, les journaux (FTP, SSH ou Telnet) ainsi que les informations contractuelles sur les personnes derrière le site.
Le mandat vise globalement « les personnes qui ont participé, planifié, organisé ou incité aux émeutes du 20 janvier », soit possiblement plus d'un million de personnes. Sachant que le site est l'un des points de rendez-vous principaux des membres du mouvement, en plus des groupes et hashtags liés à la mobilisation de janvier, récupérer ces données peut être précieux pour la justice.
DreamHost travaille avec l'EFF, de tous les combats ces dernières semaines. Dans son billet du 14 août, la fondation juge la méthode anticonstitutionnelle. « Aucune explication plausible n'existe pour un mandat de recherche aussi large, sinon de lancer un filet de drague aussi large que possible. Mais le quatrième amendement [de la Constitution américaine] est conçu pour prohiber une pêche de ce type » pense la fondation. Cette disposition empêche la perquisition sans mandat et les recherches aussi indiscriminées.
Un précédent en début d'année
Pour l'avocat de l'organisation, il est impossible que les données de connexion de l'ensemble des visiteurs du site constituent les preuves d'un crime, la condition pour qu'un mandat soit accepté par un juge. L'un des problèmes est que tout visiteur du site n'a pas contribué aux événements, comme les journalistes qui ont suivi l'organisation par ce canal.
L'hébergeur affirme ne pas s'insérer dans la question politique en cause, à savoir l'opposition à Donald Trump. « Nous sommes complètement agnostiques face au contenu, ici. Pour DreamHost, c'est simplement une requête trop large, et nous nous sentons obligés de nous y opposer » déclare l'entreprise à NPR.
Ce n'est pas une première. En avril, Twitter a refusé de livrer aux autorités les coordonnées (dont le numéro de téléphone) de l'internaute derrière le compte @ALT_USCIS, comptant près de 200 000 abonnés. S'opposant directement à la vision de Donald Trump sur l'immigration, il s'intègre dans la lignée des profils créés depuis l'investiture du nouveau président, s'opposant sur les réseaux sociaux au discours officiel, à l'image de Rogue POTUS Staff.