Accusé d’antiparlementarisme, NosDéputés.fr pris en grippe par des députés

C'est Bourbon pour le moral
Droit 6 min
Accusé d’antiparlementarisme, NosDéputés.fr pris en grippe par des députés

Certains nouveaux parlementaires ne goûtent guère la manière dont le site « NosDéputés » fait apparaître leur activité au Palais Bourbon. Ses responsables ont été conviés à l’Assemblée nationale, mais la rencontre a tourné court.

« Le site NosDéputés.fr ne reflète pas fidèlement l'activité des députés en l'état et demande des améliorations substantielles pour qu'il ne soit pas instrumentalisé par des détracteurs mal intentionnés. » Cette énième plainte à l'encontre de la plateforme gérée par l'association Regards Citoyens a été lancée hier, jeudi 17 août, par Joachim Son-Forget, nouveau député LREM. L'élu prenait ainsi la défense d'une de ses collègues, Marion Lenne, qui venait d'être présentée dans un article de presse locale comme « pas plus active que son prédécesseur » - le tout à partir des statistiques diffusées par NosDéputés.Fr.

Recoupant les informations rendues publiques au Journal officiel et sur le site du Palais Bourbon, NosDéputés.Fr fournit pourtant d’intéressantes mises en perspectives pour le citoyen : présence en commission de tel ou tel député, nombre de questions écrites transmises à l’exécutif, d’amendements ou de propositions de loi déposés, prises de paroles dans l'hémicycle, etc.

nosdéputés lenne

Sauf que quantité n’est pas toujours synonyme de qualité. Autrement dit, le bon député n’est pas forcément celui qui est le plus présent au Palais Bourbon ou qui dépose le plus d’amendements... L’association Regards Citoyens, qui gère ce portail depuis 2009, tente de le faire comprendre dès sa page d’accueil : « NosDéputés.fr est un site qui cherche à mettre en valeur l'activité parlementaire des députés (...). En synthétisant les différentes activités législatives et de contrôle du gouvernement des élus de la nation, ce site essaie de donner aux citoyens de nouveaux outils pour comprendre et analyser le travail de leurs représentants. »

Une rencontre qui tourne au « procès », selon Regards Citoyens

Plusieurs députés fraîchement élus ont cependant semble-t-il commencé à faire les frais des raccourcis de certains, notamment sur les réseaux sociaux. À tel point que les questeurs de l’Assemblée nationale (ces députés chargés de gérer « les aspects administratifs et matériels de la vie de l’Assemblée ») ont demandé fin juillet à rencontrer Regards Citoyens.

La réunion, organisée quelques jours plus tard au Palais Bourbon, a rapidement tourné au vinaigre. « On est arrivés avec l'idée qu'on allait pouvoir discuter, pour vraiment enrichir l'information parlementaire existante. Nous avions d’ailleurs pas mal de propositions », nous raconte Benjamin Ooghe-Tabanou, administrateur de l’association. « Mais en fait, nous n'avons pas vraiment réussi à présenter la liste de ce qu'on avait préparé, parce que c'est parti direct en attaques sur NosDéputés.Fr et le fait que ce ne serait pas sérieux, antiparlementaire, etc. »

« Tout ça donnait un peu l'impression de coups de pression, alors que nous avons toujours eu des dialogues constructifs avec l'Assemblée... » poursuit-il. Avant de lancer, amer : « On a un peu le sentiment de s'être fait convoquer pour se faire engueuler... Sauf que nous ne sommes pas un prestataire de l'Assemblée ! »

Les effets « pervers » de NosDéputés (encore) pointés du doigt

En face de Regards Citoyens, se trouvaient les trois questeurs de l’Assemblée nationale : Florian Bachelier et Laurianne Rossi (LREM), ainsi que Thierry Solère (Les Républicains, version « Constructifs »). Aucun n’est revenu vers nous à l’heure où nous publions cet article, en dépit de nos sollicitations.

Auprès de La Croix, Thierry Solère a néanmoins soutenu que la démarche de NosDéputés.fr avait « indéniablement un effet pervers », selon lui. « L’activité parlementaire est multiple et les critères de l’association font la part belle aux seuls élus qui prennent la parole. En faisant un esclandre de 5 minutes, on est jugé plus vertueux que des élus qui travaillent sur le fond des sujets, en silence. »

Laurianne Rossi a quant à elle regretté dans les colonnes d’Arrêt sur images le manque de pédagogie de Regards Citoyens. D’après la députée, le site « devrait mieux mettre en avant le travail parlementaire, en expliquant par exemple ce qu’est un questeur, le travail qu'il réalise, ou ce qu’est un whip, autrement dit le coordinateur de groupe. Mais ces suggestions que j’ai formulées pendant la réunion n’avaient pas l’air de les interpeller », affirme-t-elle.

Du côté de Regards Citoyens, on affiche la même déception : « On n'a pas réussi à savoir ce qu'ils nous proposaient concrètement en fait... C’est tout le problème » soupire Benjamin Ooghe-Tabanou. « Nous retrouvant sur la défensive, on n'a peut-être pas été très bons pour défendre nos propres propositions parce qu'on s'est quand même sentis particulièrement attaqués et offensés à certains moments » poursuit-il. Avant de raconter cet épisode : « C'était un peu sur le ton de la blague, mais à un moment, ils nous ont quand même dit qu’on aurait peut-être dû attendre quelques mois avant d'ouvrir NosDéputés... »

Dialogue de sourds

« En fin de compte, on ne comprend pas trop quel était l'objectif de cette réunion, déplore l’administrateur de Regards Citoyens. C'est pour ça aussi que nous avons publié nos propositions, afin de les mettre vraiment sur la table et qu'on voit quelles seront les suites à la rentrée. » Au travers d’une lettre ouverte publiée vendredi 4 août sur son site, l’association demande ainsi :

  • La transparence sur les délégations de vote, de telle sorte que l’Assemblée indique « sur le relevé de chaque scrutin public et solennel lorsqu’un votant absent a chargé un autre député présent de porter son vote ». Une telle évolution permettrait selon Regards Citoyens de mieux faire ressortir la présence de chaque député dans l’hémicycle (qui est aujourd’hui détectée uniquement lorsqu'il y a prise de parole).
  • La publication de relevés de présence (comme cela se fait déjà pour les commissions) pour les auditions et réunions des missions d’information ou de contrôle, etc.
  • La publication d’un relevé des décisions de la Questure.

Certains se souviendront qu’en 2012, quelques semaines après la prise de fonctions des nouveaux députés, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, avait lui aussi dénoncé les « effets dangereux voire pernicieux » de NosDéputés.fr sur le travail parlementaire. Une entrevue fut également organisée suite à cette mise à l’index. « À l'époque, cette rencontre avait été sereine, on avait pu discuter de manière constructive » compare aujourd’hui Benjamin Ooghe-Tabanou.

Si les choses semblent s’être calmées avec la fin de la session parlementaire, le dossier pourrait être rouvert d’ici la rentrée. Le président de l’Assemblée nationale, François De Rugy, a en effet promis début août le lancement de plusieurs groupes de travail destinés notamment à « moderniser l’Assemblée nationale en la rendant plus transparente, plus efficace et plus ouverte dans son fonctionnement ». Tout commence cependant sur une bien mauvaise note.

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