Loi Macron : deux ans plus tard, toujours pas de décret pour l'Open Data dans les transports

Un train, des rails
Droit 5 min
Loi Macron : deux ans plus tard, toujours pas de décret pour l'Open Data dans les transports
Crédits : TomAF/iStock

Deux ans après l'entrée en vigueur de la loi Macron, le décret censé participer à l'ouverture des données détenues par les transporteurs (horaires, arrêts…) n'a toujours pas été publié par le gouvernement – contrairement à ce qu'avait imposé le Parlement. De ce flottement juridique résulte une très lente marche des acteurs concernés vers l'Open Data.

Le 6 août dernier, la loi « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques » soufflait ses deux bougies. Si l'exécutif aime à rappeler les réformes ainsi introduites pour les lignes d'autocar, les notaires,… il est généralement moins enclin à évoquer celle relative à l'ouverture des données de transport. L'objectif est pourtant loin d'être accessoire : améliorer l'accès des voyageurs aux informations clés détenues par les différents transporteurs.

Qu’il s’agisse de « services réguliers de transport public de personnes » (train, métro, bus, avion...) ou de « services de mobilité » – de type vélos en libre-service ou covoiturage –, l'article 4 de la loi Macron oblige en théorie les acteurs du transport à diffuser « librement, immédiatement et gratuitement » leurs données relatives à :

  • Leurs arrêts
  • Leurs tarifs publics
  • Leurs horaires planifiés
  • Leurs horaires en temps réel
  • L'accessibilité aux personnes handicapées
  • La disponibilité de leurs services
  • Les incidents constatés sur le réseau

Le tout dans un « format ouvert », l'idée étant avant tout de fournir de la « matière première » à des développeurs qui souhaiteraient par exemple proposer un site ou une application permettant de calculer un itinéraire, en prenant en compte tous les modes de transport disponibles.

Un texte guère respecté

Problème : comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, force est de constater que ces dispositions sont encore (très) loin d’être respectées par les principaux acteurs du transport !

Pour accéder aux horaires planifiés et en temps réel des TGV, par exemple, il faut passer par une API (laquelle est soumise à une inscription, ce qui n’est pas forcément très compatible avec un accès complètement « libre », tel que prévu par la loi Macron...). La gratuité est d’autre part limitée, puisqu’au delà de 150 000 requêtes par mois, il faut se tourner vers une offre payante proposée par la SNCF. Mêmes pratiques chez Air France : au-delà de 2 requêtes par seconde (ou 1 000 par jour), il faut négocier avec le transporteur pour un accès à son API.

Chez d'autres, il n'y a carrément aucun jeu de données de disponible, comme chez FlixBus par exemple. On pourrait également citer le cas de plusieurs lignes de bus gérées par les départements…

Le gouvernement dépasse de vingt mois le délai fixé par le législateur

Mais comment expliquer cette situation ? Quand on se replonge dans l’article 4 de la loi pour la croissance et l'activité, on remarque tout d'abord qu’aucune sanction n’est expressément prévue en cas de manquements. De plus, ses dispositions avaient vocation à être complétées par un décret en Conseil d'État – programmé par le législateur pour « au plus tard trois mois après la promulgation de la [loi Macron] ». Autant dire que cette échéance a été largement dépassée… De quasiment vingt mois à ce jour !

En dépit de nos multiples sollicitations, le précédent gouvernement s'est toujours montré très discret sur ce dossier. Après avoir sans cesse repoussé la date de publication du fameux décret, l'exécutif indiquait en mars dernier, au travers d'une réponse écrite au sénateur Jean Desessard, qu'il serait probablement pris « au courant du premier semestre 2017 ». Loupé, à nouveau, aucun texte n'ayant vu le jour à l'heure où nous publions cet article.

La rédaction de ce décret était pourtant terminée dès la fin 2015, puisque Bercy en avait notifié la Commission européenne

Contacté par nos soins, le nouveau ministère des Transports (confié à Elisabeth Borne, ancienne numéro un de la RATP), n'a pas davantage répondu à nos questions.

Un texte d’apparence musclée, en réalité seulement subsidiaire

Cette situation semble finalement profiter aux acteurs du transport guère désireux d'offrir gratuitement leurs données, comme le dénonçait notamment la Cour des comptes début 2016. Et pour cause. Même si les dispositions de l'article 4 de la loi Macron sont belles et bien applicables (l'entrée en vigueur du texte n'étant pas conditionnée à la prise du décret), elles offrent rappelons-le une belle échappatoire aux transporteurs : les personnes qui y sont soumises sont « réputées remplir leurs obligations » dès lors qu'elles adhèrent à des codes de conduite, des protocoles ou des lignes directrices, « préalablement établis par elles et rendus publics » suite à leur homologation par l’exécutif.

En optant pour ces sortes de charte, les transporteurs sont autorisés à passer outre certains principes posés par la loi Macron... Un « délai raisonnable » peut par exemple être prévu avant la mise en ligne de données. Surtout, des « dérogations au principe de gratuité » sont permises pour les « utilisateurs de masse ».

En mars dernier, le gouvernement a ainsi homologué un premier code de conduite, élaboré par la RATP. La régie autonome se voit notamment autorisée à ériger des redevances (dont les fruits ne sont pas censés dépasser les coûts de mise à disposition des données) à l'encontre des internautes dépassant les 30 millions de requêtes par mois.

code ratp redevances

Pour résumer, les acteurs du transport ont aujourd'hui deux choix :

  1. Appliquer à la lettre l'article 4 de la loi Macron, avec un véritable Open Data
  2. Rédiger et faire homologuer une charte, avec de possibles dérogations aux grands principes de l'Open Data, tel la gratuité

Dans le premier cas, l'absence de décret précisant ces dispositions semble pouvoir justifier un certain retard dans leur mise en oeuvre. Dans le second cas, c'est l'assurance de bien plus de souplesse – et notamment l'assurance de pouvoir maintenir certaines redevances. Mais dans un cas comme dans l'autre, c'est le voyageur qui se retrouve pénalisé aujourd'hui.

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