La couverture mobile est l'épine dans le pied numérique du gouvernement, qui affiche sa volonté d'accélérer fortement ses déploiements. De quoi mener à d'importantes négociations avec les opérateurs, alors que l'État pêche lui-même dans les zones blanches, où le problème est le plus sensible.
L'été est sous le signe des tensions entre les objectifs du gouvernement et ceux des opérateurs. Parmi eux, la couverture mobile des zones rurales est une contrainte forte pour l'État, qui cherche de nouveaux moyens d'encourager les groupes télécoms à déployer massivement la 4G... Quitte à rogner sur le prix des licences des fréquences mobiles et quelques rentrées fiscales en échange d'obligations de déploiement plus fortes.
Depuis plus de deux ans, élus locaux et parlementaires se plaignent ouvertement de la mauvaise couverture des zones peu denses. En mai 2015, le gouvernement signait un accord avec les opérateurs pour résorber les zones blanches et grises, lançait un plan France Mobile avec plateforme de signalement en décembre 2016, après avoir renforcé les pouvoirs de l'Arcep sur la question, alors que le territoire est censé être couvert depuis plus d'une décennie.
Depuis janvier 2016, l'Arcep tient un observatoire précis des déploiements mobiles (2G, 3G et 4G) dans les zones peu denses, montrant les dysfonctionnements de la collaboration entre public et privé. L'État fournit à ses frais des pylônes où installer des antennes 2G et 3G en zones blanches, chaque commune étant attribuée à un opérateur, qui a six mois pour l'installer. Les derniers chiffres, datés de juillet, illustrent encore les problèmes de pose de ces fameux supports publics, au moment où l'Arcep envisage des solutions pour accélérer l'arrivée de la 4G.
En zones blanches, 16 pylônes installés depuis janvier, 280 en attente
Les objectifs fixés par le gouvernement précédent étaient clairs : l'ensemble des centres-bourgs en zones blanches devaient disposer de la 2G fin 2016 et de la 3G en juin 2017. Las, les deux échéances ont été manquées. Non pas à cause des opérateurs, qui déploient les antennes sur les centres-bourgs dont ils ont la charge, mais des pylônes qui peinent à être construits (voir notre analyse). En novembre, l'Agence du numérique nous détaillait les difficultés concrètes à ces installations, notamment les terrains difficiles à trouver.
Où en est-on en juillet ? Sur 3 582 centres-bourgs à couvrir, 3 290 le sont via des antennes mutualisées entre tous les opérateurs, sur des pylônes publics. C'est huit antennes de mieux qu'en avril, mais toujours 292 manquantes. Bouygues Telecom, Orange et SFR ont donc posé quelques équipements supplémentaires, en attendant 55 points hauts où poser les dernières. En fait, c'est Free Mobile qui attend la majorité des 280 supports manquants : 225 lui sont dévolus. Arrivé plus tard dans le plan, il doit déployer ses neuf premières antennes dans les centres-bourgs avec pylônes lui étant attribués.

Entre janvier et avril, aucun nouveau point haut n'a été installé dans le cadre du plan zones blanches. Entre avril et juillet, seuls 16 ont fait leur apparition. Cet important retard peut encore durer longtemps, l'Etat n'ayant pas de contrainte directe dans ces déploiements, sinon la grogne des habitants de ces zones reculées.
Sur la 3G, les changements sont plus importants. Sur 3 816 zones à couvrir, SFR en a traité 140 nouvelles en trois mois, suivi d'Orange (127) et Bouygues Telecom (116). Avec 3 523 antennes posées, ils atteignent entre 97 % et 99 % des communes disposant d'un pylône, donc tiennent leurs engagements.
« Les opérateurs déclarent avoir respecté cette obligation. Ils indiquent toutefois rencontrer, dans 3 communes, des difficultés pour l'implantation du pylône. Une campagne de vérification sur le terrain sera réalisée au second semestre et ces 3 cas particuliers seront suivis avec attention » note tout de même l'Arcep. Les équipements 3G de Free Mobile sont encore absents dans ces communes.
La 4G peut-être partout sous deux ans, l'Arcep songe à une ristourne
Du côté de la 4G, les opérateurs mobiles disposant de fréquences dans les 800 MHz (tous sauf Free Mobile) tiennent bien leurs engagements, avec 40 % de la population en zones peu denses en disposant en janvier. La couverture a depuis bien augmenté, SFR étant en tête (à 74 % contre 66 % en avril), suivi d'Orange (à 69 % contre 57 %) et de Bouygues Telecom (67 % contre 63 %). La prochaine échéance, fixée à 90 % de la population rurale couverte en 4G 800 MHz au 17 janvier 2022, est donc bien lointaine. Pour sa part, Free Mobile couvre 47 % des habitants de ces zones.
Il est peu probable qu'une accélération soit nécessaire pour tenir cet objectif. Plus globalement, la couverture du territoire en 4G devrait être effectuée confortablement dans les deux prochaines années, comme le souhaite le gouvernement. Selon le Cerema, qui suit notamment l'aménagement du territoire, « au rythme actuel de 610 sites par mois, cela porterait une échéance de déploiement de 4G sur tous les supports à 19,5 mois, soit février 2019 ». Les principaux problèmes restent, selon le centre, l'acceptabilité et l'intégration de ces points hauts dans le paysage.
Alors qu'Emmanuel Macron réclame la 4G partout sous deux ans, avec l'idée de faire pression sur les groupes télécom, il se pourrait qu'un tour de vis soit peu utile.
Les déploiements n'ont d'ailleurs pas souffert de l'été, comme le montrent les derniers chiffres déclarés par les opérateurs à l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Pourtant, l'État et les opérateurs négocient des incitations à l'accélération. Comme le relevait Le Monde le mois dernier, est entre autres envisagé un plafonnement de la taxe IFER sur les antennes mobiles, revenant aux collectivités. Il était réclamé officiellement par la Fédération française des télécoms pendant la campagne présidentielle et poussé, plus officieusement, lors de l'examen de la loi Montagne au parlement l'an dernier.
Un autre serpent de mer plait, lui, au gendarme des télécoms. Dans un entretien à Reuters, Sébastien Soriano, le président de l'Arcep, a suggéré de rogner sur les milliards d'euros des prochains renouvellements de licences mobiles (pour utiliser les fréquences), en échange d'obligations plus contraignantes sur les déploiements. L'idée semble autant séduire les opérateurs que les collectivités, l'Avicca militant pour cette idée depuis des mois.