Très haut débit : face aux manœuvres des opérateurs, l'État promet des clarifications

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Très haut débit : face aux manœuvres des opérateurs, l'État promet des clarifications
Crédits : Wavebreak/iStock

Le haut débit pour tous en 2020, avant le très haut débit en 2022. Une feuille de route précise en septembre. Le gouvernement essaie de cadrer l'incendie qu'il a lancé en annonçant une révision du plan France THD, dont profitent les opérateurs pour revoir leurs positions, notamment en grignotant les déploiements publics dans certaines zones.

Alors que la fibre se déploie en France, le plan qui coordonne les acteurs du très haut débit subit encore de fortes turbulences. Depuis début juillet, nombre d'opérateurs, industriels et figures politiques remettent en cause bien des aspects de France THD, du calendrier aux périmètres de déploiement, voire aux technologies à mettre en œuvre (voir notre analyse). Il y a deux semaines, SFR a frappé un grand coup en déclarant vouloir fibrer le pays sur fonds propres, quitte à concurrencer les réseaux de collectivités dans les campagnes (43 % de la population sur 85 % du territoire).

La promesse suivait plusieurs interventions du gouvernement, des rencontres et la volonté pour des industriels de déployer en masse de la 4G fixe dès septembre, dans les zones qui ne bénéficieront pas de la fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) avant plusieurs années. Depuis, les remous ont perduré, les annonces s'étant encore multipliées de la part de l'exécutif et d'opérateurs, les unes se nourrissant des autres, avec le flou pour constante.

Le haut débit en 2020, une étape de plus

Il y a quelques jours, Emmanuel Macron a annoncé l'arrivée du haut débit pour tous en 2020. En Marche se targue même fournir « la Fibre pour tous ! » par la suite, à une échéance indéterminée. La promesse a de quoi surprendre, alors que le président fustigeait à la mi-juin l'illusion d'un déploiement de la fibre sur tout le territoire, appelant au réalisme (voir notre analyse).

Cette déclaration a suscité une certaine perplexité parmi les professionnels. Dans La Tribune, Antoine Darodes, à la tête de l'Agence du numérique, a dû préciser que l'objectif de 100 % de très haut débit (dont 80 % de fibre) en 2022 reste inchangé. Autrement dit, l'échéance de 2020 ne sera qu'une étape supplémentaire, où chaque foyer devra disposer d'un débit compris entre 3 et 8 Mb/s, peu importe le moyen.

L'annonce d'Emmanuel Macron sert donc surtout à occuper le terrain et mettre une pression (assez factice) sur les opérateurs, toujours tenus à un objectif 2022 qui reste la véritable cible. Après des réunions avec les industriels et collectivités en juillet, l'heure est à la renégociation du cadre du très haut débit, quitte à verser plus au pot. C'est ce qu'a promis le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, lors d'une audition au Sénat le 25 juillet.

Selon le ministre, 1,8 milliard d'euros viendront compléter les 3,3 milliards d'euros de subventions déjà prévus pour les réseaux d'initiative publique... Dont à peine quelques dizaines de millions d'euros ont aujourd'hui été décaissés. Ces fonds supplémentaires doivent couvrir la deuxième phase des déploiements des réseaux publics, alors que la montée des fonds privés d'infrastructure dans le financement des réseaux publics (montés par les départements et régions) réduit le besoin d'argent public.

Une feuille de route pour septembre

Des opérateurs, Jacques Mézard affirmait qu'il recevrait des propositions pour le 31 juillet. Une feuille de route précise est prévue d'ici la fin septembre, un objectif qu'a réaffirmé hier Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État au numérique, chez BFM. Pour lui, le but est bien d'obtenir une couverture mobile partout d'ici 2020, en plus du haut et très haut débit fixe.

Politiquement, la 4G fixe s'est imposée comme une solution d'attente de la fibre, au plaisir non-dissimulé de la Fédération des industriels des réseaux publics (Firip). Celle-ci martèle le besoin de maintenir les déploiements des réseaux publics (PDF), face aux annonces des grands opérateurs privés, alors que certains de ses membres signent des accords d'installation du TD-LTE avec des départements, pour des débuts commerciaux en septembre et une accélération en 2018.

Le soutien public est évident. Le 19 juillet, Martine Lombard, membre du collège de l'Arcep, pointait au Sénat l'intérêt des « solutions transitoires » avant la fibre en zones rurales, comprendre la 4G fixe et le satellite. Jacques Mézard cherche lui une solution pour les deux à trois millions de logements qui ne profiteraient pas des déploiements d'ici 2020, notamment via 10 000 poteaux supplémentaires pour la 4G.

Il reste à savoir si ces solutions ne seront pas amenées à se pérenniser, alors que des réseaux publics prévoient de terminer leurs déploiements fibre en 2030. Les objectifs fixés depuis 2013 devraient, concrètement, peu bouger même si certaines entreprises attendent avec fébrilité un nouveau cahier des charges pour France THD, entérinant une plus grande place pour les réseaux radio face à la sacro-sainte fibre.

Orange déborde du cadre dans deux zones

À ce propos, les industriels des réseaux publics ne sont pas les seuls à vouloir s'affranchir des limites actuelles du plan France THD. Il y a quelques jours, a été officialisé un accord entre l'opérateur historique et le département des Hautes-Pyrénées, dont 90 % des 156 000 prises doivent être fibrées sur fonds propres par le groupe privé d'ici 2022. Une bonne part des déploiements du réseau public local sont donc récupérés par l'entreprise, pour une économie estimée à 270 millions d'euros.

Les 10 % restants seront traités d'ici 2024 sur fonds publics, via un mélange de fibre, de montée en débit et de « radio ». Nous avons contacté le département pour obtenir plus de détails sur cette décision, sans réponse pour le moment. Ce choix des Hautes-Pyrénées suit celui du territoire de Belfort, en février, où Orange doit prendre à sa charge l'ensemble des travaux jusqu'en 2022.

Avec ces deux contrats, Orange fait voler en éclats le cadre du plan France THD dans ces zones, en prenant à sa charge des endroits jusqu'ici laissés aux réseaux publics, qui récupéraient les communes dont les opérateurs privés ne voulaient pas jusqu'ici. TDF a appliqué la même stratégie dans les Yvelines, après avoir remporté le déploiement et la gestion de réseaux d'initiative publique.

Orange multiplierait depuis plusieurs mois les contacts avec des collectivités, pour fournir de la montée en débit (sur le réseau DSL) et de la fibre, en ciblant directement les élus locaux. Dans le même temps, il appelle à une révision à la marge du plan national, que SFR menace de mettre à mal partout en France en promettant de fibrer lui-même le territoire. La situation alarme d'ailleurs l'AOTA, une association d'opérateurs alternatifs, qui appelle les collectivités à ne pas confier tous leurs déploiements aux acteurs privés, au sacrifice possible de l'aménagement du territoire.

En attendant, l'opérateur historique et SFR peinent déjà à tenir leurs engagements en zones de coinvestissement (12 millions de lignes en agglomérations moyennes), quand le réseau public breton Megalis géré par Orange accuse un important retard

La répartition des déploiements en question

Le 13 juillet, le Grand Est a (lui) attribué la construction et gestion de son réseau public à l'ensemble NGE Altitude, face à SFR, qui menaçait de déployer sa fibre en face de celle de la région s'il n'obtenait pas le contrat. La principale délégation de service public du plan, avec 900 000 prises et 1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires, lui est donc bien passé sous le nez.

L'événement a été le point de départ de la promesse de fibrer la France sur fonds propres, qu'il reste à concrétiser vu les difficultés actuelles de l'opérateur.  Il réclame d'ailleurs toujours une meilleure répartition des déploiements en zones de coinvestissement, attaquant Orange en justice pour obtenir une part des 90 % de lignes sur lesquelles ce dernier s'est engagé.

Dans une lettre datée du 30 juin, Bouygues Telecom et Free ont pour leur part réclamé au Premier ministre et à l'Arcep une meilleure répartition de ces précieux travaux, quitte à en prendre une part si nécessaire... Alors que, jusqu'ici, seuls Orange et SFR les menaient concrètement (avec cofinancement des deux autres acteurs nationaux). Ils veulent aussi voir l'autorité des télécoms appliquer une régulation asymétrique de l'opérateur historique pour garantir l'accès aux lignes cofinancées « dans sa zone de monopole ».

Contacté, Bouygues Telecom réfute enfin vouloir fibrer sur ses deniers l'ensemble du pays, comme l'envisage Altice. L'information, sortie chez nos confrères de ZDNet, ne correspondrait pas à ses plans actuels, nous affirme-t-elle. De quoi ajouter à la confusion, à un moment où chaque groupe télécom tente de revoir sa position dans le plan national, en jouant sur le besoin du gouvernement d'afficher une accélération (même factice) sur l'Internet fixe et le mobile, face à la grogne des Français sur la lenteur perçue des déploiements.

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