La Commission sénatoriale de la Culture a émis plusieurs pistes pour revoir la sacro-sainte chronologie des médias. Un serpent de mer qui pourrait passer, selon l’instance parlementaire, par une modification législative sauf si les acteurs de la filière parvenaient enfin à un consensus.
La chronologie des médias correspond à un enchevêtrement de fenêtres de diffusion des œuvres cinématographiques. Dans cet agenda, les plus généreux contributeurs profitent des premiers wagons, quand les autres arrivent en bout de train. Dès quatre mois après la sortie en salle, arrivent ainsi les DVD et les achats à l’acte, puis les vidéos à la demande en location (entre 10 et 12 mois), suivis des chaînes en clair (22 mois ou 30 mois) et dès le 37e mois, les vidéos à la demande par abonnement. Le régime est fixé par le Code du cinéma à partir de l’article L231-1)
Seulement, plusieurs écueils frappent cet agenda. Comme le résume la Commission de la Culture, Netflix et Amazon n’ont pas vraiment la volonté de se plier à un tel rythme peu en harmonie avec leur désir d’immédiateté. De plus, « des acteurs traditionnels, à l’instar de Canal+, se trouvent en grande difficulté, alors même que les préachats, notamment des chaînes payantes, sont au cœur du financement des films ». Enfin, les chaînes en clair estiment trop faibles les retours sur investissement dans le cinéma. Autre difficulté, Canal+ notamment se plaint, comme d’autres, du piratage. Devant la Commission, il a assuré que « notre image en tant que chaîne de cinéma s’est écornée, nos abonnés trouvant désormais que les films arrivent trop tard sur leur écran ».
Des pistes bloquées , la menace d'une réforme législative
« Le nombre des internautes qui piratent les films est en effet estimé à 13 millions, et chaque film que nous diffusons a, en moyenne, déjà été vu quatre fois illégalement ! Nous perdons ainsi 500 000 abonnés… » a ajouté le président de Canal+. La chaîne propose d’ailleurs de ramener sa fenêtre de dix à six mois. « Cette avancée de quatre mois serait appliquée à tous les opérateurs le long de la chaîne qui accepteraient les mêmes contreparties en matière de fiscalité et de quotas : chaînes payantes, chaînes hertziennes, VoD, SVoD – y compris Netflix, s’il se pliait à ces règles. En revanche, les acteurs non vertueux se verraient appliquer la chronologie en vigueur ».
Seul hic, les discussions organisées au CNC n’ont pas permis d’arriver à une solution en raison « des exigences de certains acteurs, qui souhaitent améliorer leur position concurrentielle sans nécessairement accepter en retour des évolutions de leurs propres avantages » explique la Commission de la Culture. Menée par sa présidente, Catherine Morin-Desailly, elle considère que le législateur devrait pouvoir intervenir. La directive de 1997 portant sur l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle laisserait, selon sa grille de lecture, la possibilité pour les États membres d’intervenir dans cet univers, comme le législateur l’a déjà fait en 2009 avec la loi Hadopi.
Les suggestions de la commission de la Culture
« La commission propose qu’en l’absence d’accord professionnel d’ici le 31 décembre 2017, une disposition législative soit mise en chantier dès début 2018, soit à travers une proposition de loi, soit à l’occasion d’un projet de loi traitant de l’audiovisuel » indique la synthèse. Plusieurs pistes sont dévoilées : un système de fenêtres glissantes qui permettrait « lorsqu’une œuvre n’a trouvé aucun diffuseur sur une fenêtre, que ceux qui interviennent sur la fenêtre suivante soient autorisés à anticiper leur exploitation ».
La même commission suggère d’avancer la fenêtre de la vidéo à la demande à l’acte (location et achat) à trois mois. Elle n’y voit que de multiples avantages : valoriser les œuvres au succès d’estime en salle, une meilleure défense de l’offre légale « alors que le piratage atteint des proportions considérables sur cette fenêtre ». D’autres pistes sont envisagées comme l’avancement à quatre mois de la fenêtre de diffusion des films sur la télévision payante, là encore pour concurrencer le piratage, mais aussi d’aider les acteurs qui financent le cinéma.
Enfin, la note ne rechigne pas à l’idée de donner un coup de pouce aux plateformes de vidéo à la demande par abonnement vertueuses. On retrouve d’ailleurs la logique de carotte qu’avait défendue en son temps le rapport Lescure. Dans la même veine, la synthèse juge inadmissible d’ailleurs « que les nouveaux acteurs internationaux échappent aux règles qui s’imposent à tous, que ce soit en matière de fiscalité, de garanties apportées dans le traitement et la commercialisation des données, de garanties relatives aux droits d’auteur, ou encore à la diversité culturelle ».