Le Conseil constitutionnel dira le 4 août prochain si le régime de la licence légale, dont bénéficient les webradios depuis le vote de la loi Création, est conforme. Une disposition contestée par les producteurs mais défendue par les artistes-interprètes et le gouvernement.
La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) a étendu la licence légale à certaines webradios. L’amendement présenté par le gouvernement à l’Assemblée nationale, adopté le 29 septembre 2015, calque sur Internet le régime dont bénéficiaient jusqu’alors les radios, notamment.
En contrepartie, les artistes-interprètes et les producteurs disposent d’un droit à rémunération, répartie à parts égales via la SPRE, la société pour la perception de la rémunération équitable. « Un même régime juridique sera ainsi applicable à l’ensemble des services de radio, quel que soit leur mode de diffusion » expliquait le gouvernement en défense de son amendement qui ne concerne que les radios diffusées en flux continu (webcasting linéaire). « Seules sont visées des hypothèses où le phonogramme n’est pas accessible au moment choisi individuellement : il est incorporé dans une programmation en flux continu, identique pour tous et sans possibilité d’individualiser cette programmation ».
Atteinte à plusieurs droits fondamentaux selon les producteurs
La SCPP et la SPPF, deux sociétés représentant les intérêts des majors et des producteurs indépendants, ont attaqué cette mesure par une question prioritaire de constitutionnalité. Ils estiment que le mécanisme met à mal leur liberté contractuelle, le droit de propriété et la liberté d'entreprendre, puisque les producteurs sont privés « de la faculté de s'opposer à la diffusion de leurs phonogrammes et de tirer de leur diffusion une rémunération définie par voie contractuelle ».
Ce matin, Gilles Vercken, qui représente les intérêts de l’ADAMI et la SPEDIDAM, deux sociétés représentant les artistes-interprètes, a au contraire contesté qu’il y a ici atteinte au droit de propriété. Devant les Sages, il a dépeint cette licence au contraire comme une autre modalité du droit de propriété, où les droits de chaque partie sont finalement mieux garantis que sur l’autel du sacro-saint droit exclusif. Toujours selon sa grille de lecture, le seul but des producteurs est de parvenir à supprimer la répartition à parts égales prévue par le législateur.
Une atteinte proportionnée et justifiée au droit de propriété
Le représentant de l’État a partagé l’analyse, considérant que la clé de partage choisie par le législateur est plus favorable que la négociation contractuelle. De plus, l’atteinte au droit de propriété est proportionnée au but recherché puisqu’elle laisse par exemple intact le droit moral.
Lors d’un bref échange, Michel Charasse, membre du Conseil constitutionnel, a imaginé un scénario : quid d'un artiste ne voulant pas qu’on diffuse ses titres sur une radio extrémiste ou intégriste ? Selon l’avocat de la SPPF et de la SCCP, le régime actuel ne lui permet plus de s’y opposer. Une analyse contestée par l’avocat de l’ADAMi et de la SPEDIDAM : du fait de son droit moral, « l’artiste aura toujours la possibilité de s’opposer à de telles utilisations ».
La décision sera rendue le 4 août au matin.