Le Conseil constitutionnel vient de censurer l’accès aux données de connexion par les agents habilités de l’Autorité des marchés financiers. Cependant, compte tenu des « conséquences manifestement excessives » de cette décision, il en reporte les effets au 31 décembre 2018.
L’article L. 621-10 du Code monétaire et financier autorise les agents de l’Autorité des marchés financiers à demander aux opérateurs et services en ligne, la communication des données de connexion pour les besoins d’une enquête relevant de ses compétences.
Seulement, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, dans laquelle la Quadrature du net notamment est intervenue, le défaut d’encadrement de ces mesures a été critiqué. Dans sa décision rendue ce matin, le Conseil constitutionnel a suivi les requérants, considérant d’abord que par définition, « la communication des données de connexion est de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée de la personne intéressée ».
Trop peu de garanties pour protéger la vie privée
Or, les neuf sages ont reproché au législateur d’avoir « assorti la procédure prévue par les dispositions en cause d'aucune autre garantie » que l’habilitation des agents de l’AMF et le respect du secret professionnel. Si leur droit de communication n'est assorti d'aucun pouvoir d'exécution forcée, « le législateur n'a pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions ».
Cette décision n’est pas une surprise puisqu’à l’occasion de son examen de la loi Macron sur la croissance et l’activité, le même juge avait censuré en août 2015 un article qui consacrait l’accès aux métadonnées aux agents de l’Autorité de la concurrence. Et déjà le législateur s'était fait taper sur les doigts pour avoir oublié de prévoir quelques poussières de garanties pour ces atteintes à la vie privée.
Une censure reportée au 31 décembre 2018
Bon prince, le Conseil a accepté de reporter dans le temps les effets de sa censure. « L'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait des conséquences manifestement excessives et, par suite, il y a lieu de la reporter au 31 décembre 2018 » écrit-il dans sa décision.
Cette censure n’interviendra donc qu'à la fin de l'année prochaine, histoire de laisser le temps au législateur de patcher cette faille béante. Lors de l’audience, l’avocate de l’AMF avait expliqué qu’une censure immédiate risquait d’invalider 40 dossiers en cours, portant sur 80 millions d’euros de plus-values liés aux manquements poursuivis.
Me Molinié a au contraire opposé que le gouvernement était parfaitement informé de cette fragilité après la censure de la loi Macron en août 2015. « Il a donc laissé les choses en jachère, la situation actuelle résulte de sa propre carence ! ». Autre argument, qui a laissé insensible le Conseil : l’arrêt Télé2 du 21 décembre 2016 où la Cour de Justice de l’Union européenne a exigé des garanties solides pour la collecte et la conservation des données.
Autant dire que d'ici là, la France restera dans une posture très fragile. Tout comme le respect de la vie privée.