Voitures autonomes : des tests chez Renault, la longue route de la réglementation

Eyes off, the Tiger
Tech 7 min
Voitures autonomes : des tests chez Renault, la longue route de la réglementation

Les voitures autonomes, on en parle depuis des mois, mais qu'en est-il exactement en France, que ce soit pour les expérimentations ou le cadre légal ? Laurent Taupin, ingénieur en chef véhicule autonome chez Renault, répond à nos questions sur le sujet... et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il reste du travail.

Depuis plusieurs années, l'actualité est chargée autour des voitures autonomes avec des annonces de partenariats et d'expérimentations dans tous les sens. Au cours des derniers mois, Renault s'est montré relativement actif avec l'ouverture de deux laboratoires de recherche sur « le futur de la mobilité » et en rachetant des équipes de R&D d'Intel France sur les logiciels embarqués.

Si côté développement tout roule, la partie législation semble être au point mort en France. Laurent Taupin, responsable des voitures autonomes chez Renault, nous donne sa vision de ce secteur d'activité, aussi bien sur les travaux en cours chez le fabricant de voitures, que sur les réglementations en vigueur et les évolutions à venir.

Tout roule pour les expérimentations de Renault en France...

Premier point abordé la question des expérimentations en France. Si la Belgique et les États-Unis annoncent qu'ils ouvrent les bras aux constructeurs, la situation est plus délicate dans l'Hexagone. Une ordonnance a bien été publiée au Journal officiel afin d'autoriser les expérimentations, mais il manque encore le décret d'application fixant les conditions.

Ce « détail » ne semble pas poser de souci à Renault : « Nos expérimentations se passent bien. On n'a pas de difficulté particulière, on travaille très bien avec le gouvernement en France et aussi en Allemagne » nous affirme notre interlocuteur. Le fabricant dispose ainsi « d'autorisations spéciales » pour mener ses tests, renouvelées chaque année.

... par contre l'homologation c’est une autre histoire

Si des voitures autonomes se déplacent sur nos routes, il ne s'agit que d'expérimentations pour le moment, pas de véhicules de série. Il faudra en effet attendre une évolution réglementaire avant de pouvoir homologuer les modèles de ce genre.

Actuellement, Renault teste le niveau 4 du standard SAE. Il est alors question d'une totale délégation de conduite : « la machine, est en charge de faire toutes les opérations, toutes les tâches de conduite et dispense donc l'utilisateur, puisqu'on ne peut plus parler de conducteur pendant la délégation, de tout devoir de vigilance ».

L'expression « hands off/eyes off » (pas besoin de garder les mains sur le volant et les yeux sur la route) revient souvent, et on pourrait y ajouter « mind off » pour Laurent Taupin. Il ne s'agit plus uniquement d'« une dispense musculaire, c'est une dispense cognitive ».

SAE Voitures autonomes

Le niveau 4 en test, un programme d'expérimentation pour 2020

Actuellement, les autorisations d'expérimentation pour les prototypes de véhicules autonomes de niveau 4 imposent de mettre en place une sécurité supplémentaire, sous la forme d'une présence humaine : « on a toujours un conducteur expert derrière le volant prêt à intervenir ».

Dans tous les cas, l'échéance se rapproche à grands pas : « nous travaillons à un programme d'expérimentation qui vise des voitures autonomes de niveau 4 dans la rue, utilisables par des utilisateurs lambda à l'horizon 2020 », une annonce déjà fait durant le Mondial de l'Automobile en octobre dernier. Mais attention, notre interlocuteur ajoute que « ces voitures seraient commercialisables si la réglementation avait évolué d'ici là, mais c'est tout de même peu probable sur du niveau 4 ».

La commercialisation n'interviendra donc que lorsque les normes en vigueur le permettront... mais quand ces modifications arriveront-elles ? Une interrogation à laquelle il semble pour le moment bien difficile de répondre. L'heure est au dialogue entre les différentes parties, pas encore à la finalisation des textes.

Des discussions autour des évolutions réglementaires...

Bien évidemment, des groupes planchent afin d'adapter les textes et préparer l'arrivée des voitures autonomes. On est d'ailleurs plus dans l'adaptation à une situation qu'à une anticipation. Les choses sont en train de bouger : lors d'une déclaration commune, les ministres des Transports du G7 (dont fait partie la France) ont fait part de « leur engagement à chercher, identifier et supprimer les potentiels obstacles dans les réglementations existantes ».

Plusieurs ont été identifiés, dont les problématiques juridiques et éthiques, notamment concernant la responsabilité en cas d'accident. De son côté, Renault nous indique que, comme d'autres constructeurs, il « travaille avec les autorités publiques, à deux niveaux : au niveau européen et au niveau français, allemand, etc. ».

Au premier niveau, européen, il s'agit de définir « les grands textes et conventions », en revoyant par exemple la définition d'un conducteur. Une question parmi d'autres : « est-ce qu'un conducteur peut être autre chose qu'un humain ? ». Là encore, il est trop tôt pour esquisser une date pour Renault.

... à la fois sur les usages et sur la partie technique

Ensuite, une fois les grandes lignes définies, il conviendra de mettre en place des règles au niveau national, sous deux formes : usages et techniques. Il s'agira de savoir notamment si un utilisateur pourra utiliser son téléphone pendant une délégation de conduite, avec une voiture autonome de niveau 4.

Dans le second cas, il s'agit de définir s'il est nécessaire de mettre en place un système permettant de surveiller la présence des mains sur le volant. Pour rappel, cette question a déjà été abordée dans le cas de l'accident mortel impliquant une Tesla avec pilote automatique activé.

Selon le NHTSA, le conducteur n'aurait mis ses mains sur le volant de sa Model S que pendant 25 secondes sur un trajet de 37 minutes, ignorant aussi de nombreux avertissements. Tesla avait d'ailleurs modifié son Autopilot avec une désactivation de la fonction Autosteer (assistance au maintien de cap) lorsque le conducteur ignore ce genre d'avertissements à plusieurs reprises. Le constructeur rappelait au passage que le risque zéro n'existe pas.

Toutes ces problématiques sont en cours de discussions entre les autorités et les constructeurs. Dans tous les cas, les « autorités trancheront » affirme Renault.

Vers une étape intermédiaire ? 

En France, les voitures de niveau 2 peuvent déjà être homologuées depuis plusieurs mois, nous précise Laurent Taupin. Leurs fonctionnalités sont limitées : les voitures ne se chargent que de « la régulation longitudinale et latérale ». Bref, elles ne font qu'appuyer sur les pédales et tourner le volant résume notre interlocuteur.

Entre le niveau 2 déjà en place et le niveau 4 attendu à partir de 2020... y a-t-il de la place pour un niveau 3 ? « C'est un peu plus compliqué que cela » pour le responsable des voitures autonomes du constructeur. Des discussions sont en cours au niveau européen, notamment sous l'impulsion de l'Allemagne, mais rien de concret pour le moment.

Pour Renault, il s'agira plutôt d'une réglementation d'usage, aux contours pour le moment assez flous : elle « autoriserait (c'est au cœur des discussions) le conducteur, au cours de certaines conditions techniques encore non définies, à faire ce qu'on appelle des sous-taches comme regarder temporairement son écran pour vérifier ses mails ou une petite vidéo ».

Il pourrait par exemple s'agir d'une autorisation pour une fonction « eye off sous la responsabilité du conducteur », mais « one sait pas vers quoi cela va converger » reconnait Laurent Taupin. Dans tous les cas, on ne sera pas sur du niveau 4.

Renault voitures autonomes

Montée en puissance à partir de 2018

Dans un communiqué récent, Renault annonce qu'il « commencera à faire circuler de véritables flottes de test de véhicules autonomes "Eyes off/Hands off" à partir de 2018 ». Rendez-vous est donc pris pour l'année prochaine. Nous avons également contacté Peugeot afin d'avoir sa position, sans réponse pour le moment.

D'autres constructeurs n'ont pas attendu pour se mettre en route. Tesla par exemple propose déjà à la vente ses voitures avec, en option, « la conduite entièrement autonome ». Les fonctionnalités sont par contre « susceptibles de varier suivant le lieu d'utilisation de votre Tesla », notamment à cause des réglementations des uns et des autres (voir cette actualité).

Tesla affirme être prêt sur la partie matérielle, mais il lui reste du travail sur le logiciel et il attend, lui aussi, le feu vert des autorités. Pour le moment, les concurrents sont donc dans les startings-blocks, en attendant le coup d'envoi. Il sera alors temps de faire le point sur les fonctionnalités proposées par les uns et les autres.

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