SFR continue de multiplier les hausses de tarifs sous prétexte de nouveaux contenus, avec différentes méthodes. Cette semaine, les clients de son offre fixe ont ainsi pu apprendre que leur facture allait augmenter de 3 à 5 euros, sauf s'ils résilient une option... qu'ils n'ont pas demandé.
Il y a quelques jours, nous révélions la mise en place d'une nouvelle hausse des tarifs imposée par SFR à ses clients mobiles. Celle-ci s'accompagnait d'avantages temporaires mis en avant sous le terme de « Privilèges ». Il pouvait ainsi être question d'un quota illimité (ou presque) pour les données et de l'accès à de nouvelles chaînes via SFR TV.
Depuis, nous avons eu la confirmation par de nombreux lecteurs que cette pratique s'est étendue aux offres fixes du FAI, qui avait pourtant déjà multiplié les hausses l'année dernière. La pratique diffère néanmoins quelque peu, mais nécessite là encore toute l'attention des abonnés concernés.
Nous avons pu obtenir des détails sur le fonctionnement mis en place en interne pour des offres qui doivent venir faire la promotion de nouveaux packs de contenus, dont la fameuse chaîne Altice Studio qui sera lancée le 22 août prochain... et à laquelle Orange se prépare à faire face.
3 ou 5 euros par mois ajoutés d'office, résiliation possible
« Souriez, vous êtes surclassés ». C'est avec cette phrase pleine de bonheur que l'un de nos lecteurs s'est vu informer par SFR lundi soir qu'il était sous le coup de la mise en place forcée d'une option Privilège Grand Divertissement à 5 euros par mois. Le titre de l'email ? « Votre offre évolue, découvrez votre nouveau Privilège ».
Il aura ainsi accès dès le 22 août prochain à Altice Studio, « la nouvelle chaine premium 100% cinéma et séries » née de la signature de multiples accords par le groupe ces derniers mois. La façon de faire est pour le moins cavalière et montre bien que SFR veut rentrer dans ses frais, quitte à forcer la main de ses abonnés. Ceux-ci n'ont d'ailleurs pas manqué de réagir à cette annonce.
Ainsi, sur la page dédiée à l'offre on peut lire que « Le Privilège Grand Divertissement dont SFR vous fait bénéficier a une valeur de 9,99 €. Le prix auquel nous vous le proposons est beaucoup moins important. Altice Studio a une valeur de 9,99 € alors qu’il vous est proposé à 5 €, soit une remise de 4,99 € ». Et si l'utilisateur n'en veut pas ? Il doit désactiver l'offre dans son compte avant sa mise en place. Il est d'ailleurs là aussi prévenu : « Mais pensez-y, car cette résiliation de Privilège sera définitive, ce Privilège étant spécialement conçu pour nos déjà clients SFR, il ne pourra plus vous être proposé ».
La stratégie est d'ailleurs assumée. Dans un document interne auquel nous avons pu avoir accès, évoquant « Les grands principes de l'enrichissement des offres fixe », la marque évoque trois séries d'options résiliables en opt-out et « détachables en toute simplicité ». L'email d'information était calibré pour un envoi en cinq vagues à partir du 10 juillet, l'activation devant se dérouler un mois plus tard.
Des lecteurs nous ont déjà confirmé que leur interface proposait bien une manière de désactiver ce « Privilège » dans la section Ajouter des options de la personnalisation de l'offre : il faut... activer une option de résiliation (indiquée comme offerte). Mais combien ne verront pas cet email par inattention, ou tout simplement parce qu'il a été envoyé mi-juillet, à une période où les départs en vacances commencent ?
Trois cas, certains plus attractifs que d'autres
SFR compte aussi sur l'attractivité de ses rabais pour tenter ses clients. Ainsi, certains se voient proposer un Privilège Sport & Ciné à seulement trois euros, contre 19,99 euros par mois au tarif normal. Il sera là encore intéressant d'analyser la méthode appliquée au niveau de la gestion de la TV, les options TV ayant droit à un taux réduit (voir notre analyse).
Ici, il s'agit de SFR Sport et du nouveau pack de 8 chaînes (gratuit pendant un an pour l'offre mobile) qui est proposé avec 85 % de remise. Juguler la perte des abonnés est à ce prix. Le document auquel nous avons eu accès montre que ces deux cas sont complétés par un troisième : le bouquet Privilège et Altice Studio (mais pas SFR Sport), pour 5 euros cette fois.
Le ciblage se fait de la sorte :
- Clients 2P : Privilège + SFR Sport à 3 euros par mois
- Clients 3P Starter / Sans SFR Play : Privilège + Altice Studio à 5 euros par mois
- Clients 3P Power / Avec SFR Play : Altice Studio à 5 euros par mois
On notera que ceux qui ont un forfait intermédiaire ont finalement le plus de « chance » face à d'autres qui ont déjà un forfait intégrant nativement plus de contenu pour un prix supérieur.
Altice Studio : un pari à 360° pour le groupe
L'opération est d'ampleur, mais elle prépare surtout une bataille au niveau des contenus, dont toutes les briques se placent depuis quelques mois. Le succès d'Altice Studio doit venir compléter la stratégie de synergies du groupe, la chaîne intégrant à la fois les exclusivités et productions maison, l'accès à un large catalogue de films et à l'intégralité des nouveautés de NBC Universal suite à un accord signé il y a quelques mois. De quoi constituer « une plateforme à 360° ».
Dans son communiqué, le groupe évoque aussi le fait qu'« Altice Studio produira des magazines sur l’actualité du cinéma et des séries. Ils reposeront sur les synergies avec les autres média du Groupe dont BFM TV : un magazine hebdomadaire sur l’actualité Cinéma et Séries présenté par Candice Mahout, un hebdomadaire de 52 minutes qui parle du cinéma "Différemment" et un mensuel d’immersion ».
Orange Content s'organise...
Face à lui, il retrouvera deux monstres du marché français : Canal+ et Orange. L'opérateur historique a en effet choisi le jour de l'annonce de SFR pour livrer quelques détails complémentaires sur Orange Content. Il s'agit d'une nouvelle entité qui doit regrouper l'ensemble des activités du groupe en matière de contenu, celles-ci étant déjà nombreuses à travers l'implication d'Orange dans le financement du cinéma français et européen ou même via son bouquet OCS.
« Cette direction regroupera une large partie de l’actuelle Direction des Contenus, les filiales Orange Studio, OCS et OPTV (Orange Prestations TV). Elle servira d’appui et de soutien aux pays où Orange est présent et poursuivra le travail de veille stratégique déjà mis en place. Elle sera en charge de proposer des orientations internationales en matière de politique de contenus et accompagnera les pays, dont Orange France, dans les négociations qui sont menées » précise le communiqué, comme pour indiquer qu'Orange ne laissera pas Altice négocier seul à l'international.
Mise en place en septembre, elle devra s'organiser autour de cinq axes, sous la direction de David Kessler, directeur, et Serge Laroye, directeur délégué, qui rendront compte directement à Stéphane Richard :
- Veille stratégique
- Acquisition de droits
- Pilotage et développement d'un pôle production/édition
- Suivi du développement du chiffre d’affaires des contenus dans les pays
- Réflexion et mise en œuvre de propositions sur de nouveaux formats, nouveaux usages, solutions innovantes
... et prépare un nouveau rapprochement avec Canal+
Mais surtout, cette annonce marque une nouvelle page dans l'histoire d'amour qui se joue depuis quelques mois avec Vivendi autour de Canal+. Ainsi, Orange pourra proposer en exclusivité des offres avec Canal+ Essentiel à ses abonnés Fibre, comme il le fait déjà avec le bouquet « by Canal ». Espérons néanmoins que la souscription sera plus simple, car ce dernier n'est pas accessible en ligne, une hérésie en 2017 pour un FAI du niveau d'Orange.
Cette offre devrait être proposée « sans engagement et à des conditions financières attractives ». Reste néanmoins un problème : le pack ici évoqué est sans doute le moins intéressant de ceux proposés par Canal+, surtout vu son tarif de base : 20 euros. Ce alors que la majorité des films et séries sont proposés à travers des options spécifiques. Espérons donc que cela se fera dans l'esprit d'un accès réellement plus attractif à l'ensemble de l'offre.
Plus d'argent pour les contenus
L'investissement d'Orange dans les contenus est aussi renforcé. Ainsi, un nouvel accord vient d'être signé avec UGC autour d'OCS dont les abonnés « pourront profiter, en première exclusivité, de films grand public produits par UGC Images, comme « Gaston Lagaffe » qui sera diffusé en première et deuxième fenêtre sur OCS, 10 mois après la sortie cinéma. D’autres films, comme la suite de « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu », sont également concernés par cet accord. Par ailleurs, Orange Studio ouvrira à la rentrée 2017 un nouveau département de ventes internationales et UGC Images lui confiera la commercialisation internationale de l’ensemble de ses films dès l’an prochain ».
Du côté des séries, 100 millions d'euros seront investis sur cinq ans. Ils pourraient permettre au groupe de monter d'un cran à ce niveau, l'attractivité de son offre dépendant surtout des productions acquises auprès de chaînes étrangères, HBO en tête.
Pour rappel, Netflix annonçait en 2016 vouloir investir 5 milliards de dollars sur l'année dans l'ensemble de ses contenus, contre six milliards pour 2017. Un jeu qui semble assez inégal et où SFR veut aussi miser gros... le tout en déployant un réseau fibré partout en France, quitte à le faire seul. Deux batailles qu'il faudra mener de front et dont la réussite se jouera sans doute à quitte ou double.