Les députés ont adopté aujourd’hui la sixième prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre 2017. Le texte a été voté « conforme » et donc dans les mêmes termes qu’au Sénat. Il prend la route maintenant pour sa publication au Journal officiel.
Après avoir égrainé devant les députés, plusieurs attaques ou tentatives d’attaques terroristes, l’Intérieur a assuré que la menace s’établissait encore aujourd’hui « à un haut niveau ; je le constate tous les jours comme ministre de l’Intérieur. C’est pour cette raison que nous proposons, aujourd’hui, la prorogation de l’état d’urgence ».
Il n’aura fallu que quelques heures pour ficeler les débats parlementaires visant à faire voter la sixième prorogation. Comme en commission des lois, tous les amendements déposés pour la séance ont été repoussés par l’Assemblée nationale où En Marche, avec la majorité absolue, n’allait évidemment pas affronter l’exécutif.
Rejet de l'ensemble des amendements
On notera en particulier le sort réservé à celui déposé par France Insoumise. Un texte qui visait à charger le gouvernement de remettre dans les trois mois après promulgation de la loi, un rapport « faisant le bilan des dommages et des réparations induits par le recours inapproprié ou excessif aux mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence depuis le 14 novembre 2015 ».
Le rapporteur Didier Paris a émis un avis défavorable. Selon lui, « c’est au Parlement de mener ses propres modalités de contrôle », non au gouvernement. Au micro, le ministre de l’Intérieur a dressé néanmoins un rapide bilan, assurant qu’il y avait eu 51 dossiers de réparations pour un total de 46 000 euros depuis les attentats du Bataclan. « On est loin des portes fracassées ! Le bilan est fait ici et voyez à combien se montent l’indemnisation et le nombre de recours ». Seulement son chiffre fait état des cas traités, non de ceux pris finalement en charge par les personnes perquisitionnées...
Manuel Valls, désormais député apparenté En Marche, a dénoncé vigoureusement un tel amendement qui laisserait entendre « que notre pays aurait reculé sur les libertés publiques ou que l’état d’urgence serait liberticide ». Intolérable pour l’ex-Premier ministre qui devine « une attaque contre ce que nous sommes, une grande démocratie qui fait face au terrorisme ».
Quand Jean-Jacques Urvoas dézingue l'état d'urgence
Le projet de loi a été adopté à 137 voix pour et 13 voix contre. Soulignons que de sa Bretagne, Jean-Jacques Urvoas, ex-garde des Sceaux, a soutenu ouvertement dans Libération que l’état d’urgence « n’est plus utile ». Avec une parole aujourd’hui détachée de la solidarité gouvernementale, il se souvient des différentes lois sécuritaires votées depuis 2012 et aussi que « l’état d’urgence est un outil de réaction, or maintenant, c’est dans la profondeur que nous devons combattre le terrorisme. C’est de prévention dont nous avons besoin. Nos ennemis se sont adaptés : les effets de surprise sont estompés ».
S’agissant de la future loi sur la sécurité publique – celle plaçant dans le droit commun des instruments de l’état d’urgence – ses mots sont durs : « Je n’arrive pas à voir la plus-value de ces mesures, sauf peut-être celle sur les périmètres de protection (…). Dans les contacts que je continue à avoir avec les enquêteurs, je n’ai entendu aucune demande correspondant à ce qu’il y a dans le texte. C’est une course infinie derrière la prédictibilité parfaite du passage à l’acte ».
On retrouvera ci-dessous notre historique de l'état d'urgence, mis à jour :
- 13 novembre 2015 : Attentats du Bataclan et à Saint-Denis
- 14 novembre 2015 : Décret déclarant l’état d’urgence pour 15 jours (avec perquisitions informatiques)
- 26 novembre 2015 : Loi prorogeant l’état d’urgence pour 3 mois (avec perquisitions)
- 19 février 2016 : Décision du Conseil constitutionnel censurant les saisies informatiques de données
- 26 février 2016 : Loi prorogeant l’état d’urgence pour 3 mois (avec perquisitions)
- 22 mars 2016 : attentat à Bruxelles
- 26 mai 2016 : Loi prorogeant l’état l’urgence pour 2 mois (sans perquisitions)
- 14 juillet 2016 : Le président promet de mettre un terme à l’état d’urgence dont la fin est prévue le 26 juillet 2016
- 14 juillet 2016 : Attentat de Nice
- 15 juillet : Le président propose de proroger l’état d’urgence de trois mois. Un projet de loi est discuté la semaine suivante.
- 21 juillet : L’état d’urgence est finalement prorogé de 6 mois (avec perquisitions, saisies informatiques et dispositions sur le renseignement valables même en période normale).
- 10 décembre : le gouvernement dépose un projet de loi pour étendre l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017 afin de couvrir les élections
- 19 décembre : cinquième prorogation de l'état d'urgence publiée au Journal officiel
- 24 mai 2017 : Emmanuel Macron annonce une sixième prorogation jusqu'au 1er novembre
- 6 juillet 2017 : projet de loi adopté par les députés, après les sénateurs.
- 1er novembre 2017 : fin de l'état d'urgence, introduction de ses mesures dans le droit commun.