Le bras de fer entre Canal+ et les sociétés de perception et de répartition des droits s’est poursuivi hier devant la ministre de la Culture. D’autres réactions bombardent le choix de la chaîne de ne plus payer les droits.
Pour mémoire, la chaîne payante est accusée par les sociétés de gestion collective d’avoir cessé tout versement des droits d’auteur depuis fin 2016. Une stratégie rugueuse de Canal+ qui, en quête d'économies, ambitionne d’obtenir un rabais de ces flux financiers avec un bazooka sur la tempe des SPRD.
Mais ce choix s’est surtout soldé par un fait exceptionnel dans cet univers feutré à la moquette épaisse : une plainte des sociétés d’auteurs contre Canal+ devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Et ce, au moment où la chaîne affirme que le piratage, et donc ces sites qui diffusent les films sans paiement des droits, lui a fait perdre 500 000 abonnés.
Aucune stratégie ne peut exonérer Canal+, selon la ministre de la Culture
Hier, Françoise Nyssen a reçu les dirigeants de Canal+ pour s’intercaler dans ce bouillonnant débat. « Aucune stratégie de réduction des coûts, fût-elle justifiée par la volonté d’améliorer la situation financière, ne saurait exonérer une entreprise des obligations qui découlent de ses contrats avec les sociétés d’auteurs. Ces contrats permettent la rémunération de dizaines de milliers d’auteurs et de créateurs pour la diffusion de leurs œuvres et doivent être nécessairement préservés » a exposé la ministre dans un communiqué.
La Rue de Valois prend donc la défense des SPRD sans l'ombre d'une hésitation en demandant au groupe de jouer son rôle particulier « dans l’écosystème de la création française ».
Jean-Noël Tronc critique Canal+ en citant les vertueux américains
Dans les colonnes de l’Express, Jean-Noël Tronc, numéro un de la Sacem, a amplifié la grogne des sociétés de perception : « Netflix, YouTube ou Amazon, ces acteurs ont tous passés des accords avec nous et aujourd'hui ils nous paient ! La position de Canal+ est d'autant plus incompréhensible que les auteurs sont tous solidaires de la situation du groupe et sont prêts à se mobiliser pour lui quand cela s'avère nécessaire, y compris au niveau européen ».
L’opposition entre les plateformes numériques d’un côté et Canal+ de l’autre est une tactique pour le moins particulière, quand la France s’évertue à dégommer à Bruxelles ces géants sur l’autel du droit d’auteur... Autant dire que la petite phrase du président de la Sacem sera instrumentalisée sans mal par les lobbyistes américains.
Fait notable, plusieurs syndicats menacent également de demander « à leurs sociétés de gestion d’interdire la diffusion de leurs créations sur les chaînes du Groupe Canal+ ». Avec une conséquence lourde pour Canal+ en cas d’utilisation du répertoire malgré cette interdiction : « Vincent Bolloré et les dirigeants de ses chaînes seraient coupables de contrefaçon ».