Par 312 voix pour et 22 voix contre, le Sénat a adopté le projet de loi prorogeant l’état d’urgence. Les rares amendements déposés ont tous été rejetés. Le texte part maintenant à l’Assemblée nationale où il sera voté sans l'ombre d'une difficulté.
Un projet de loi « d'une importance cruciale ». Voilà comment Gérard Collomb a présenté hier en fin d’après-midi la sixième prorogation de l’état d’urgence aux sénateurs. À ceux qui contesteraient les faibles chiffres de cette situation exceptionnelle, notamment les 62 personnes encore assignées à résidence en France, le ministre de l’Intérieur « y voit le signe d'une démocratie mature ».
Il assure que « durant 460 perquisitions, nous avons saisi 600 armes, dont 17 armes de guerre, déjoué 17 attentats en 2016 et au moins 5 depuis le début de l'année ». D’ailleurs, les perquisitions administratives représentent « la mesure qui a été la plus utile durant ces derniers mois. »
À y regarder de plus près, tout dépend de ce que l’on entend par « derniers mois » car la période va au-delà de l’actuelle cinquième phase. Depuis le 21 décembre 2016, tempère d'ailleurs le ministre, il y a eu « 170 [perquisitions] seulement (…) contre 4 376 depuis le début de l'état d'urgence ». Une preuve que ces mesures « sont aujourd’hui très ciblées ».
Des chiffres en chute libre ? Une démocratie mature, des actions ciblées
Bref, si les chiffres sont en chute libre, c’est le signe d’une « démocratie mature », d’actions ultra ciblées, non pas que cet état exceptionnel puisse être remis en cause de par son utilité. À ceux qui refusent l’état d’urgence, le ministre leur demande d’imaginer « que les forces de sécurité n'aient pas perquisitionné, à la mi-décembre à Pau ; nous n'aurions pas pu arrêter des individus qui s'échangeaient des vidéos morbides en s'incitant à « les tuer tous ». Même chose dans les Alpes-Maritimes en avril 2017, où une jeune fille de 15 ans projetait un attentat à la bonbonne de gaz dans un bureau de vote », etc.
Une certitude pour la place Beauvau : « l'état d'urgence n'est pas que théorique : ce sont des attentats évités, des vies sauvées ». Il « a permis de déjouer plusieurs attentats. N'y en aurait-il eu qu'un seul, cela suffirait » abonde en son sens Michel Mercier qui suggère à l’hémicycle d'adopter cette dernière prorogation de l'état d'urgence « même si ce n'est pas la dernière fois que nous aurons à parler de lutte contre le terrorisme ».
Un état d'urgence utilisé aussi contre les manifestants
Éliane Assassi n’a pas été du même avis : « On l'a utilisé pour restreindre le droit de manifester, en interdisant au moins 155 manifestations lors de la COP 21 ou de la loi Travail, avec des motifs flous, et sans aucun lien avec la menace terroriste ».
Avis mitigé également chez Philippe Bas, qui voit d’un mauvais œil le futur proche, le futur projet de loi sur la sécurité publique et la lutte contre le terrorisme. Ce texte vient intégrer dans le droit commun permanent, plusieurs mesures issues de la loi de 1955. Message d’alerte du sénateur : « l'état d'urgence peut être réactivé à tout instant et l'on ne perd donc rien à ne pas l'inscrire dans la loi commune. Veillons à ne pas dénaturer notre droit lorsqu'un tel outil existe pour traiter les situations d'urgence ».
L’amendement de Jean-Yves Leconte visant à désactiver les perquisitions administratives durant cette sixième phase a été rejeté en un mouvement de bras. Tout comme celui de membres du groupe communiste républicain et citoyen qui souhaitait tenir compte d'une récente censure constitutionnelle pour dégommer les interdictions de séjour.
Revolution
Juste avant le vote, lors de la discussion générale, Esther Benbassa se souviendra de certains écrits diffusés durant la campagne : « La "prolongation sans fin" de l'état d'urgence "pose plus de questions qu'elle ne résout de problèmes". "Nous ne pouvons vivre en permanence dans un régime d'exception. Il faut donc revenir au droit commun, tel qu'il a été renforcé par le législateur." Voilà ce qu'on lisait dans Révolution d'Emmanuel Macron. A-t-il oublié ces sages propos ? »
Par 312 voix pour, 22 contre, le Sénat a adopté le projet de loi. Le projet de loi sur la sécurité publique et contre le terrorisme débute son examen en commission des lois aujourd’hui, avec l’audition de Gérard Collomb dès 19 heures. Son passage en séance est programmé les 18 et 19 juillet. Ces deux textes seront examinés en procédure accélérée.