Sur Overwatch, la gourmandise de Blizzard douche les ambitions des équipes e-sport

Quand la scène Sombra
Sur Overwatch, la gourmandise de Blizzard douche les ambitions des équipes e-sport

Ces dernières semaines, les équipes professionnelles sur Overwatch sont tombées comme des mouches. Une à une, les structures se retirent d'une scène que la plupart d'entre elles jugent trop restreinte et surtout trop contrôlée par Blizzard, qui veut imposer sa ligue professionnelle.

Début mai, compLexity, Denial, Red Reserve, et même des écuries plus connues comme Dignitas, Splyce et Team SoloMid (TSM) ont annoncé, coup sur coup, l'abandon de leurs équipes Overwatch. Ont rapidement suivi Fnatic, Rise Nation... et la semaine dernière les célèbres Ninjas in Pyjamas (NiP) ont eux aussi fait de même « devant les incertitudes de la scène ».

En France, quelques équipes comme Gamers Origin et Team LDLC semblent encore faire de la résistance en maintenant leurs groupes, mais la scène, en Europe comme outre-Atlantique, semble s'appauvrir inéluctablement. Dans la bouche des concernés, un seul coupable est généralement cité : Blizzard.

À chaque dissolution d'équipe, le langage employé est le même : les portes ne sont pas définitivement fermées, mais la situation actuelle ne leur permet pas de travailler dans des conditions confortables et pérennes. Et pour cause, depuis quelques mois, l'éditeur cherche à mettre en avant sa future Overwatch League, quitte à se fâcher avec les équipes endémiques de l'e-sport et à étouffer leurs sources de revenus.

Une ligue bien trop chère

Sur le plan commercial, Overwatch est un succès, avec plus de 30 millions d'exemplaires vendus, toutes plateformes confondues. Sur cette masse de joueurs, une partie manifeste un intérêt certain pour le sport électronique, et comme n'importe quel éditeur, Blizzard a les yeux rivés vers ce bouillonnant marché, encore balbutiant. À l'instar de Riot Games qui souhaite installer durablement des équipes franchisées sur League of Legends aux États-Unis, les créateurs de World of Warcraft envisagent d'en faire autant avec Overwatch, à l'échelle mondiale.

Seul problème, le prix du ticket d'entrée pour les équipes serait fixé entre 2 millions de dollars sur de petits marchés locaux, pour atteindre 15 à 30 millions de dollars dans une agglomération comme celle de Los Angeles, selon les indiscrétions du Sports Business Journal

« Aucune équipe présente historiquement dans l'e-sport, dans le monde, n'a les moyens de mettre 10 ou 20 millions sur la table pour un slot... bon si c'était sur LoL il y en aurait peut-être, et même nous avec un ticket à 5 millions sur LoL et un partage des recettes on essaierait d'y être. Sans garantie de revenu à court terme, comme c'est le cas pour Overwatch c'est impensable » commente Nicolas Maurer, directeur général de l'équipe française Vitality.  

Blizzard sclérose la scène

Pour les équipes, les temps sont durs sur le jeu, notamment parce que la scène compétitive est réduite au strict minimum, par la volonté de Blizzard. Oubliez les tournois avec 300 000 dollars de récompenses à décrocher, « Blizzard interdit depuis plusieurs mois à quiconque d'organiser un tournoi sur Overwatch avec plus de 10 000 euros de récompenses à la clé », nous confie une écurie présente sur la scène européenne. « Depuis, on a dû gagner une fois quelques milliers euros sur un tournoi, le reste du temps on se bat pour des clopinettes et pour un club comme le nôtre ça devient compliqué ».

Les dépenses des clubs e-sportifs dans Overwatch sont d'ailleurs en pure perte pour l'instant, avec des investissements très élevés dans certains cas. Les équipes que l'on a pu contacter évoquent des montants allant de quelques dizaines de milliers d'euros à plus de 100 000 euros. « Et encore, nous on ne s'en sort pas trop mal, on entend des histoires sur des équipes qui ont claqué plus d'un million dans leur roster », nous indique l'une d'elles. Fatalement, avec des coûts importants d'un côté, et un retour minimal de l'autre, l'équation ne peut pas tenir longtemps et les clubs lâchent leurs joueurs, les uns après les autres.

Du point de vue des équipes, Blizzard étouffe complètement l'écosystème autour du jeu en empêchant la tenue de grands tournois en attendant la mise en place de l'Overwatch League. « C'est simple, ils sont tout simplement en train d'annihiler tout le travail qu'on a fait, et ils n'en ont rien à faire des équipes endémiques de l'e-sport. Ce qu'ils veulent, c'est vendre leurs spots à 20 millions à des milliardaires de la NBA, la scène amateur/semi-pro, ce n'est pas leur problème », résume un autre patron d'équipe, passablement agacé par la situation. 

Flou artistique sur les conditions d'accès à la ligue

« Ils ne communiquent tout simplement pas avec nous. On leur a fait un mail au nom de plusieurs clubs, on a eu une réponse bateau après plus d'un mois », tranche une troisième écurie européenne, « en même temps quand ils ont fait l'appel d'offre auprès des teams européens pour leur histoire de franchise, ils n'ont eu aucune réponse... C'est un peu gênant », concède-t-elle toutefois. « Il y en a quelques-unes qui ont demandé plus de précisions sur le modèle économique de la ligue, parce que si on met ne serait-ce que 5 millions sur la table, on veut pouvoir savoir quel retour il y aura pour nous, et même là-dessus ils sont incapables de répondre. » L'ambiance est donc plutôt à la défiance.

Un autre responsable fustige l'attitude de l'éditeur vis-à-vis des équipes endémiques. « On ne sait rien des conditions d'accès aux franchises, ils n'en discutent même pas avec nous », confirme-t-il. Une absence de discussions qui laisse entendre aux concernés qu'ils ne sont de toute manière pas les bienvenus dans cette future ligue.

Néanmoins, il y a peut-être un peu de lumière au bout du tunnel. Il serait question pour Blizzard de mettre en place un tournoi « Contenders » permettant à des écuries traditionnelles de tenter d'accéder à la compétition phare. Les équipes n'ont pour l'instant pas eu de détail à ce sujet, et ne savent pas non plus si elles devront en cas de victoire régler des frais d'inscription pour leur franchise du même ordre de grandeur que les autres. « Ça devrait se décanter d'ici la fin de l'été », concède le responsable.

Des doutes sur l'intérêt d'Overwatch dans l'e-sport

Enfin, certaines équipes se posent des questions sur l'intérêt que peut représenter Overwatch sur la scène e-sportive, notamment pour les spectateurs. « L'expérience pour le viewer n'est pas à la hauteur », tranche ainsi Nicolas Maurer. « Le jeu est rapide, il y a 12 joueurs à suivre en même temps, qui ressuscitent toutes les deux minutes, c'est compliqué d'avoir un œil partout et de comprendre ce qu'il se passe. Blizzard a souvent dit qu'ils avaient l'e-sport en tête tout du long du développement du jeu... Or, il y a des paramètres intrinsèques qui le rendent difficilement compatible avec une expérience spectateur confortable ».

Du côté des FPS, l'exemple à suivre serait celui de Counter-Strike : Global Offensive, où le rythme est plus lent, plus stratégique et donc plus simple à appréhender pour le spectateur. La refonte prochaine du mode spectateur d'Overwatch devrait néanmoins tenter de résoudre certains des problèmes soulevés par les équipes. « Pour l'instant, on en a rien vu, mais on garde bon espoir », résume l'une d'elles.

Contactée, Blizzard n'était pas disponible pour répondre à nos questions. 

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