Après Emmanuel Macron, c'est au tour de l'Arcep de donner son coup de pouce à la 4G fixe, via la technologie TD-LTE. L'autorité compte attribuer des fréquences en 3,5 GHz en septembre à des opérateurs, pour le compte de collectivités sur les réseaux publics. De quoi les satisfaire, même s'ils attendent une modification concrète du plan France THD.
L'attribution des fréquences pour la 4G fixe et la 5G est en vue. Le régulateur des télécoms, l'Arcep, a publié la synthèse des 66 contributions à sa consultation publique sur le sujet, menée de janvier à mars. L'objectif : chambouler les fréquences pour ouvrir les réseaux radio à d'autres acteurs que les opérateurs classiques (voir notre analyse). Il est notamment question d'étendre les perspectives de la 4G fixe, de préparer la 5G et d'aménager le spectre pour l'Internet des objets et les réseaux sans fil professionnels.
Parmi tout cela, le domaine le plus scruté est celui du très haut débit radio, qui doit permettre d'attendre la fibre en zones rurales, plus ou moins longtemps. La technologie phare doit en être la 4G fixe (TD-LTE), prévue pour faire patienter des centaines de milliers de foyers en attendant la fibre en zones rurales. Interrogés, des acteurs de ces réseaux saluent avec enthousiasme le chemin tracé par l'Arcep, qui ne convenait pourtant pas à tous.
Des fréquences réorganisées, notamment pour la 5G
Si une grande quantité de fréquences sont concernées par les travaux de l'Arcep, les 2,6 GHz et les 3,5 GHz sont au centre des préoccupations. L'autorité compte réserver les 40 MHz centraux dans les 2,6 GHz TDD pour les réseaux mobiles professionnels (PMR), qui sont appelés à passer au haut débit. Aujourd'hui, 25 000 réseaux locaux professionels sont autorisés et pourraient ainsi passer du TETRA au LTE. L'Arcep prévoit une consultation publique spécifique à l'automne, pour une procédure d'attribution ouverte à la fin de l'année.
Mais le TD-LTE doit surtout servir au très haut débit radio grand public, autrement dit la 4G fixe. Pour mémoire, cette technologie s'appuie sur la répartition de l'envoi et de la réception de données par plages de temps, et non sur des fréquences séparées (voir notre analyse). Dans sa synthèse, l'autorité des télécoms affirme bien vouloir consacrer 40 MHz à la 4G fixe (de 3 420 à 3 460 MHz), comme le réclamaient certains opérateurs radio.

« De plus, sur un certain nombre de territoires, 10 MHz supplémentaires (la bande 3 410-3 420 MHz) pourront être consacrés à cet usage, en fonction des contraintes de cohabitation avec les usages existant sous 3 400 MHz » précise l'autorité.
Les fréquences supérieures, jusqu'à 3,8 GHz, doivent elles être utilisées pour la 5G, dont le déploiement commercial est attendu pour 2020. « Cela permettra de disposer pour la 5G, de plus de 300 MHz contigus d'ici 2020, et de 340 MHz d'ici 2026 (voire 390 MHz là où les fréquences ne seraient pas utilisées pour le THD radio) » écrit le régulateur.
Ce dernier lance déjà un appel à des pilotes, sur une sous-bande de 80 MHz (3 600 à 3 680 MHz) à Lyon, Nantes, Lille, Le Havre, Saint-Étienne et Grenoble, à partir de l'an prochain. Il lance aussi des discussions avec l'ensemble des acteurs disposant de fréquences dans les futures bandes 5G, pour la réorganiser d'ici la fin de l'année.
Quelques heureux chez les opérateurs
À partir de juillet, une (autre, oui) consultation publique est prévue sur les modalités d'attribution des fréquences 4G fixe aux opérateurs... pour une procédure qui doit être lancée en septembre. La décision et le calendrier conviennent à certains acteurs, comme Alsatis et NomoTech, qui plongent tête la première dans les réseaux TD-LTE, modernisant souvent d'anciens réseaux Wi-Fi ou WiMAX publics qui ont fait leur temps, pour le compte de collectivités.
En fait, NomoTech est un farouche militant de la 4G fixe, utilisant à son avantage les ressources de la Fédération des industriels des réseaux publics (Firip), quitte à agacer Bercy fin 2015. Il y a quelques semaines, l'entreprise annonçait de premiers réseaux s'appuyant sur les nouvelles fréquences TD-LTE pour septembre, alors qu'elles ne sont toujours pas attribuées. Interrogé à l'époque, son vice-président Philippe Le Grand affichait sa confiance et prévoyait une multiplication des réseaux 4G fixe l'an prochain, à partir de 30 Mb/s descendant.
Contacté suite à la publication de la synthèse de l'Arcep, NomoTech réaffirme être prêt pour une première mise en service de réseau en septembre, les fréquences utilisées n'étant « qu'une question de configuration ». En fait, des réseaux radio très haut débit utilisent déjà du TD-LTE, sur les fréquences du WiMAX. Depuis janvier, c'est le cas d'Alsatis en Haute-Garonne, qui pourra passer sur les nouvelles fréquences quand elles seront attribuées.
« On se réjouit que l'Arcep essaie d'aller rapidement sur le sujet. Le volume de fréquences allouées au THD fixe correspond au besoin manifesté » réagit ici Romain Bucelle, son directeur associé. Un carton plein ? « Le carton plein sera quand le financement de la 4G fixe annoncé par le gouvernement se traduira réellement dans le plan France THD » via un nouveau cahier des charges, attendu fébrilement par certains opérateurs, après celui de 2015.
Celui-ci pourrait consacrer la place du TD-LTE en zones rurales, en attente d'une fibre qui pourrait n'arriver que dans une décennie par endroits, si elle y vient bien. C'est ce que réclamait déjà NomoTech il y a presque deux ans.
La 4G fixe a le vent en poupe, un plan France THD à revoir
Pour toute promesse du gouvernement, il s'agit aujourd'hui d'une tirade d'Emmanuel Macron, qui a faussement fustigé une promesse du « 100 % fibre » sur tout le territoire, qui n'a jamais été prononcée (voir notre analyse). Ce tour de passe-passe a surtout été l'occasion pour le président de glisser le besoin des réseaux radio, comprendre la 4G fixe si chère aux opérateurs. Revoir les conditions du plan France THD pourrait donc le concrétiser, mais il y a un problème, très concret.
Le plan très haut débit s'appuie sur des projets de départements et régions, validés par l'Agence du numérique pendant de longs mois. La quasi-totalité de ces projets (avec leurs calendriers et les subventions de l'État) sont déjà validés, voire entamés dans leur construction. Introduire plus de TD-LTE pour attendre la fibre en campagne demanderait donc de revoir ces plans, ajoutant potentiellement de belles lourdeurs administratives.
Pour Alsatis, c'est un non-problème : « La 4G fixe sur un territoire représente moins de 5 % du montant du plan fibre ». Il s'agirait donc d'un investissement minime, avec l'aval déjà affiché de l'exécutif. L'opérateur démarche déjà activement d'autres départements que la Haute-Garonne et la Charente, qui bêta testent déjà le TD-LTE.
La décision de l'Arcep n'est pourtant pas du goût de tous. Dans sa réponse à la consultation publique, Bouygues Telecom était clair : « Nous considérons [...] que les réseaux BLR [boucle locale radio] doivent être transférées dans les bande 2,6 GHz TDD et 2,3 GHz TDD, plutôt que maintenues dans la bande 3,4-3,6 GHz ». Las, l'autorité a préféré utiliser les 2,6 GHz pour les réseaux mobiles professionels.
« Rien ne nous semble justifier l’attribution de 40 MHz supplémentaires pour l’Internet fixe en rural. Nous estimons au contraire que le développement de la 5G, projet stratégique pour notre économie nationale, exige de libérer totalement la bande pour cet usage » ajoutait l'opérateur, qui propose aujourd'hui de la 4G fixe sur son propre réseau mobile, loin du TD-LTE envisagé par les collectivités locales.