L'Arcep a rendu son verdict dans une affaire opposant SFR à Free et Free Mobile. L'opérateur au carré rouge reprochait à son concurrent d'avoir bloqué l'accès à certains numéros surtaxés à ses clients, mais l'autorité n'a rien trouvé à y redire. Explications.
Fin juillet 2015, SFR signalait par courrier à l'Arcep que « l’accès à certains numéros spéciaux depuis les boucles locales fixe et mobile de Free était coupé de façon abusive ». Six numéros surtaxés étaient concernés : les 3204, 3208, 3229, 3236, 3299 et 0892 43 43 43.
Dans sa lettre, l'opérateur au carré rouge expliquait que Free et Free Mobile auraient justifié cette coupure par « un trafic anormal vers ces numéros ainsi qu’un fort taux d’impayés que ces services génèrent de la part de ses clients ». Or selon SFR, le trafic entrant provenant des abonnés Free était semblable à celui observé pour les autres opérateurs de boucle locale. Aucun d'eux ne se serait par ailleurs plaint pour les mêmes faits au sujet de ces numéros.
Des faits suffisamment intriguants pour justifier une enquête de l'autorité régulatrice des télécoms, d'autant plus que Free a confirmé à l'autorité en décembre 2015 que certains de ces numéros avaient bel et bien été suspendus de son côté. Une enquête portant à la fois sur Free et sur Free Mobile dont l'Arcep a publié les comptes-rendus ici et là.
Des taux d'impayés supérieurs à la normale
Pour justifier cette suspension, Free a donné quelques détails à l'Arcep. Son premier argument est que « pour ces numéros, les trafics ont brutalement augmenté avec des taux mensuels d’impayés supérieurs à 80% », pointant du doigt les cas des 3208 et 3299, qui semblaient particulièrement problématiques.
En effet, dans le cas des numéros surtaxés, c'est l'opérateur de l'appelant qui est chargé de collecter les montants nécessaires, puis de les reverser à l'opérateur dont dépend le service, qui rétribue ensuite l'éditeur. Chacun collectant sa commission au passage. Problème, dans certains cas les clients contestent le fait d'avoir appelé des numéros surtaxés et ne payent pas les sommes convenues.
Pour résoudre ces problèmes, les opérateurs passent des conventions avec les éditeurs de service afin de déterminer dans quelles conditions ils récupèrent leur dû. Dans le cas de Free et de Free Mobile, les conditions sont plutôt claires.
Free mesure chaque mois le taux d'impayé global de chaque éditeur de service. Si celui-ci est inférieur à 1 %, Free reverse l'intégralité des sommes. S'il est supérieur à ce taux, l'opérateur le surveille numéro par numéro. Si pour l'un d'eux le taux d'impayés dépasse 10 %, Free ne reverse que les sommes recouvrées à l'éditeur. Dans le cas contraire le montant intégral est versé.
Concertant les taux d'impayés, Iliad a fourni des statistiques détaillées à l'Arcep. Sur les 121 numéros courts ouverts à destination de SFR :
- 80 numéros présentent chaque mois un taux d’impayé mensuel inférieur à 10 %
- 24 numéros ont connu des taux d’impayés entre 10 et 20 % et ce, seulement sur quelques mois
- 12 numéros ont connu des taux d’impayés entre 12 et 46 %, toutefois pour un montant total non significatif (moins de 5 000 €)
- 2 numéros ont connu des taux d’impayés entre 12 et 67 %, toutefois pour un montant total non significatif (moins de 1 000 €)
Les statistiques concernant les numéros 3208 et 3299 ont quant à elles été communiquées à l'Arcep mais caviardées dans le compte-rendu de l'autorité. On y voit seulement qu'il était question d'impayés « significatifs »
La protection du client comme justification
Pour justifier la suspension de ces numéros, Free évoque que leur maintien aurait eu pour conséquence « d'accroître les montants impayés et donc les risques financiers encourus par Free, l’opérateur intermédiaire voire l’éditeur du service si le trafic abusif n’est pas sollicité par ce dernier ».
Deuxième argument : « par la suspension de l’accès à des numéros générant un trafic abusif ou ne respectant pas les règles de déontologie, [Free cherche] à protéger l’ensemble de [ses] clients de pratiques frauduleuses ». Si ces numéros ont donc été coupés, c'est d'une part pour préserver les clients, mais aussi pour limiter le nombre de plaintes de leur part.
Riposte proportionnée
Avec ces éléments en mains, l'Arcep a considéré que « la suspension par la société Free SAS de tels numéros, au motif qu'un taux d'impayés très élevé a été constaté, n'est pas déraisonnable ». L'autorité appuie cette décision sur plusieurs points.
D'abord, elle a jugé que les mécanismes de suspension mis en place par Free « reposent sur une analyse fine (et, le cas échéant, individuelle) du trafic et des taux d’impayés des numéros exploités par l’opérateur d’arrivée, selon des modalités identiques pour tous les opérateurs d’arrivée et publiées sur le site internet de sa société mère ». La transparence de l'opération est donc un des points clés. Par ailleurs, l'Arcep note que les seuils d'impayés ayant déclenché l'application des suspensions « n'apparaissent pas déraisonnables ».
Enfin, l'autorité estime qu'il ressort de l'instruction que Free a suspendu l'accès de certains numéros « en raison d’une augmentation brutale de trafic accompagnée de taux d’impayés élevés, dépassant 80% avant leur suspension ». Un point qui là encore semble raisonnable aux yeux du régulateur, n'en déplaise à SFR.