SFR : un actionnaire minoritaire porte plainte pour abus de biens sociaux

#RendsLargent
Droit 6 min
SFR : un actionnaire minoritaire porte plainte pour abus de biens sociaux
Mise à jour :

SFR a répondu à nos sollicitations et nous confirme avoir « pris connaissance par voie de presse d'une plainte contre X concernant le groupe qui aurait été déposée par le fonds activiste luxembourgeois CIMA ». Sa réponse est détaillée en fin d'article.

Le fonds CIAM s'est lancé dans un nouveau bras de fer avec Altice. Après avoir obtenu l'annulation de l'OPE sur SFR Group en octobre dernier, en pointant un défaut d'information à l'AMF, le fonds se penche désormais sur les méthodes de la maison-mère vis-à-vis de SFR.

« Together has no limits » dit le nouveau slogan d'Altice vantant les bienfaits de la convergence entre les télécoms et les médias, ou encore la combinaison de ses activités en Europe et aux États Unis. Aux yeux du fonds CIAM (Charity & Investment Merger Arbitrage Fund), basé à Paris et minoritaire au capital de SFR Group, c'est surtout l'imagination de la maison-mère qui est sans limite, au moment de chercher des moyens de ponctionner les revenus de sa filiale française. 

Deuxième assaut après l'OPE 

La société de gestion parisienne, pilotant le fonds luxembourgeois CIMA, avait déjà fait parler de lui en octobre dernier. C'est lui qui avait déposé une réclamation auprès de l'AMF au moment du lancement d'une offre publique d'échange (OPE) par Altice sur SFR. Le groupe néerlandais espérait ainsi mettre la main sur l'ensemble des actions de SFR Group afin de faire sortir l'entreprise des marchés boursiers. 

Alertée par CIAM, l'AMF avait pointé le manque d'informations apportées aux actionnaires concernant la rémunération du modèle Altice que SFR devait verser à sa maison mère. En fonction du montant de celle-ci, l'évaluation de l'intérêt de l'OPE pour les actionnaires de l'opérateur pouvait nettement varier. Dans un second brouillon publié par Altice, il était question d'une redevance comprise entre 2 et 3 % du chiffre d'affaires de SFR.

En vain, l'AMF avait jugé que « ces circonstances ne permettent pas, dès lors, de considérer que l’information destinée aux actionnaires minoritaires, notamment sur la justification de la parité d’échange retenue, soit complète, compréhensible et cohérente », avant de rejeter l'OPE. Une décision confirmée en appel en mars dernier.

Le fonds est revenu à la charge en portant plainte contre X devant le procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris, pour abus de bien et de pouvoirs sociaux, complicité et recel de ce délit. Une action menée ut singuli, au nom et pour le compte de SFR Group.

Une plainte en trois actes

Cette plainte repose sur trois accusations. La première concerne la fameuse sanction de l'Autorité de la concurrence infligée à Altice et SFR pour l'affaire du « gun-jumping ». Pour cette prise de contrôle anticipée, le régulateur avait opté pour une amende de 80 millions d'euros « infligée solidairement à Altice Luxembourg et SFR Group ». 

Les termes de cette condamnation sont limpides : Altice et SFR devaient payer solidairement cette somme. Or CIAM souligne que dans le document de référence pour l'exercice 2016 de SFR Group, l'entreprise indique que « le paiement de cette amende, intégralement prise en charge par SFR Group, est intervenu en février 2017 ».

Un point que l'opérateur a confirmé lors de son assemblée générale le 31 mai dernier où SFR Group a considéré, se souviennent les plaignants, que seule la société ayant procédé à la notification était redevable de cette sanction pécuniaire.  « C'est dire que SFR Group a fait fi de la décision pourtant extrêmement claire de l'Autorité de la concurrence », commente le fonds dans sa plainte, que nous avons pu consulter. 

Chères royalties

Deuxième point épineux, celui de l'abandon de la marque SFR au profit d'Altice. La nouvelle n'est pas du tout du goût du fonds d'investissement. « On veut s'assurer que cette marque, qui est au bilan de SFR pour 904 millions d'euros et qui a une existence commerciale ne soit pas perdue », explique Anne-Sophie D'Andlau, co-fondatrice du fonds. 

« Ce qui est troublant c'est que la marque Altice n'a pas d'existence commerciale à ce stade, qu'elle n'est pas connue du grand public...  On ne veut pas qu'il y ait une imposition de nouvelles royalties, à on ne sait quel titre. On ne voudrait pas non plus voir de délit de ce côté-là, d'autant plus qu'il apparaît que la marque Altice est détenue en propre par Patrick Drahi lui-même » poursuit la responsable.

Si des royalties de l'ordre de 2 à 3 % par an au titre de l'utilisation du « Modèle Altice » avaient été évoquées par SFR lors de l'OPE avortée, le montant des émoluments d'Altice et de son fondateur pour l'utilisation de la nouvelle marque reste un mystère. Dans sa plainte, CIMA citant des informations publiées par Le Monde estime que « cette substitution de marque au niveau mondial devrait lui rapporter personnellement 700 millions d'euros sur cinq ans », soit un taux d'environ 1,3 % des revenus annuels de l'entreprise. 

Siège éjecté 

Enfin, CIAM ne comprend pas non plus « pourquoi il a semblé impératif à Altice de déménager le groupe un an après la signature d'un bail de 12 ans pour des locaux neufs à Saint-Denis », nous confie Anne-Sophie D'Andlau. « Ce déménagement a donné vraisemblablement lieu au versement d'une indemnité de rupture du bail » note-t-elle. En sachant qu'il était question, d'un loyer annuel d'environ 65 millions d'euros pour 134 000 m² de bureaux, la note a dû être salée. 

Le groupe s'est depuis installé dans des locaux plus petits (environ 60 000 m²), avec un loyer annuel moindre, qui graviterait autour de 45 millions d'euros. « Mais cela fait 725 euros du mètre carré par an, contre 490 euros à Saint-Denis », précise la responsable. L'affaire ne serait donc pas aussi bonne qu'elle en a l'air. 

C'est finalement le propriétaire de ce nouvel immeuble qui fait une belle opération ici. En effet, dans sa plainte CIAM explique avoir été d'autant plus surpris qu'elle a appris que « le propriétaire des nouveaux locaux n'est autre que Monsieur Patrick Drahi lui-même ». Une affirmation étayée en octobre dernier par Les Échos, qui indiquent que l'un des immeubles du projet Qu4drans a été vendu au magnat des télécoms par AXA. Aux yeux du fonds « ces faits sont susceptibles de caractériser à nouveau un délit d'abus de biens sociaux, sur lequel il convient que l'autorité judiciaire enquête ». 

Contactée, SFR Group afirme avoir « pris connaissance par voie de presse d'une plainte contre X concernant le groupe qui aurait été déposée par le fonds activiste luxembourgeois CIMA ». L'opérateur assure que les opérations évoquées dans la plainte « ont été traitées en parfaite légalité, dans le respect des règles de gouvernance applicables ». 

La filiale d'Altice précise par ailleurs que le fonds avait fait parvenir ses questions lors de la dernière assemblée générale de SFR Group « auxquelles il avait été répondu de manière précise et complète sans susciter aucune réserve de la part du fonds ». La marque au carré rouge indique enfin qu'elle ne commentera pas davantage l'affaire « afin de ne pas participer à la chronique qu’essaie d’alimenter artificiellement ce fonds luxembourgeois depuis les premiers jours de son investissement dans l'entreprise ».

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !