Le Conseil constitutionnel a censuré ce matin pour la quatrième reprise une disposition issue de la loi (modifiée) relative à l’état d’urgence. Il sanctionne cette fois la possibilité pour l’autorité administrative d’interdire de séjour durant cet état exceptionnel.
L'article 5 de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence arme le préfet du pouvoir d’interdire « le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics ». La Ligue des droits de l'homme a attaqué cette disposition, principalement pour deux raisons : une telle interdiction est disproportionnée puisqu’une « entrave à l'action des pouvoirs publics » n’est pas nécessairement « une menace pour l'ordre public », le bastion qu’entend défendre l’état d’urgence.
D’autre part, le législateur n’a fixé aucune durée ni même exclu « le domicile de l'intéressé du territoire pouvant être visé par l'interdiction ». Pour la LDH, il y a notamment atteinte à la liberté d’aller et venir, au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale.
Atteinte injustifiée à la liberté d'aller et venir
Le Conseil constitutionnel a repris ces deux critiques dans sa décision : « en prévoyant qu'une interdiction de séjour peut être prononcée à l'encontre de toute personne « cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics », le législateur a permis le prononcé d'une telle mesure sans que celle-ci soit nécessairement justifiée par la prévention d'une atteinte à l'ordre public ». Il faut dire que les préfets, et donc au-dessus, le ministère de l’Intérieur, avaient détourné cette disposition pour interdire des personnes de participer à des manifestations, comme l’indique cette capture du juriste Nicolas Hervieu.

Plutôt que de décider d’une censure immédiate, les Sages ont décidé de reporter dans le temps les effets de l’abrogation. « Afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a (…) lieu de reporter la date de cette abrogation au 15 juillet 2017 ». Une date qui n’est pas hasardeuse puisqu’elle correspond à la fin de l’actuelle prorogation de l’état d’urgence.
Autant dire que cette censure rajoute un nouveau wagon au projet de loi antiterroriste bientôt présenté en Conseil des ministres, puisqu’Emmanuel Macron a décidé d’étendre l'état d'urgence jusqu’au 1er novembre.