Ceux qui s’étaient habitués à ses sévères « mises en demeure » et autres semonces au doigt levé devront conjuguer un peu plus leurs souvenirs au passé. Le CSA vient de sanctionner la chaîne C8 pour deux manquements constatés fin 2016 dans l’émission Touche Pas à Mon Poste de Cyril Hanouna.
Et quelles sanctions : la chaîne est interdite de publicités durant trois semaines au cours de TPMP mais également un quart d‘heure avant et après sa diffusion. Un manque à gagner de plusieurs millions d’euros pour la chaîne commerciale de Bolloré. Cette sanction vise les émissions en direct mais également leurs rediffusions, et donc en principe également le replay sur le site officiel (nous attendons confirmation du CSA).
Agacé d’avoir vainement multiplié les avertissements à l’égard de l’émission, le CSA « appelle la société C8 à mettre en œuvre désormais et sans délai tous les moyens garantissant le respect des règles fixées par la loi et par les stipulations de sa convention, qui sont la contrepartie de l’utilisation de la fréquence publique qui lui été attribuée gratuitement ».
Mais pourquoi cette décision ? Pour le savoir, il faut se plonger, plutôt que dans le communiqué, sur la première et deuxième décisions scannées, disponibles sur le site officiel de l’autorité administrative.
Deux séquences violant la convention signée par la chaîne C8
Le 3 novembre 2016, TPMP diffusait une caméra cachée piégeant l’un des animateurs, lui faisant endosser une agression mortelle commise par l’animateur. Dans un autre segment, l’émission révélait la supercherie. Or, estime le CSA, « ces séquences montrent aux téléspectateurs l’image d’un chroniqueur dans une situation de détresse et de vulnérabilité manifestes ».
Ces images « caractérisent un défaut de retenue dans la diffusion d’images susceptibles d’humilier les personnes ». Pire, elles ont visé une personne de l’équipe « régulièrement moquée », dernière d’ailleurs à être informée de la supercherie. Soit une circonstance considérée comme aggravante.
Le souci est que C8 s’est engagée dans la convention passée avec le CSA à veiller « en particulier à ce qu’il soit fait preuve de retenue dans la diffusion ou de témoignages susceptibles d’humilier les personnes ». Dans ce document signé en 2003, la même chaîne avait d’ailleurs convenu faire « preuve de mesure » lorsqu’elle diffusait « des informations ou des images concernant une victime ou une personne en situation de péril ou détresse ». (article 2-3-4 de la convention concernant les droits de la personne, appliquant la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication).
Dans une autre séquence datée du 7 décembre 2016, Cyril Hanouna, animateur et producteur de TPMP avait au prétexte d’un jeu pris la main d’une chroniqueuse. Les yeux fermés, elle devait deviner sur quelle partie du corps il la posait. Poitrine, bras…finalement il a posé la main sur son pantalon au niveau de son sexe. « Au surplus, fulmine le CSA, ces images laissent penser aux téléspectateurs qu’en pareille situation, le consentement de la chroniqueuse n’était pas nécessaire ». L’autorité estime que celle-ci a été placée en situation dégradante, véhiculant une image stéréotypée enfreignant cette fois l’article 2-2-1 de la convention du 10 juin 2003.
Une troisième procédure en cours, l'hypothèse d'un recours de C8
Les deux décisions ont été assorties de sanctions identiques qui seront mises en œuvre le lundi suivant la notification. La chaîne C8 n’est pas encore sortie du pétrin puisqu’elle devra également répondre du piège tendu à un homosexuel, via une annonce Vivastreet, et diffusé en direct sur le plateau le 18 mai.
Pour cette troisième séquence, au 23 mai, le CSA a reçu plus de 25 000 signalements. Le directeur général du CSA a déjà transmis ces informations au rapporteur indépendant, chargé d’instruire les procédures de sanction. Après audition, l’autorité pourra là encore prononcer sur une éventuelle sanction. C’est d’ailleurs cet épisode qui a depuis généré une fuite des annonceurs. Poussés par une vague sur Twitter, ils ne souhaitent plus associer leur marque à l’émission.
La chaîne C8 n’est pas désarmée. Elle dispose de la faculté de saisir le Conseil d’État pour faire annuler d’urgence ces sanctions.