La Commission copie privée s’engage un peu plus vers la mise en route des études d’usage pour renouveler les barèmes de la redevance sur les espaces de stockage. Elle a choisi son prestataire, non sans petit coup de pouce salvateur de son président.
La redevance copie privée est prélevée sur l’ensemble des supports vierges, sauf quelques exceptions dont les ordinateurs portables et fixes. Elle est justifiée par la liberté laissée à chaque personne physique de réaliser des copies des œuvres légalement acquises.
En contrepartie, en effet, les sociétés de gestion collective (la Sacem, la Scam, la SACD et bien d’autres) prélèvent quelques 230 millions d’euros chaque année de redevance. 75 % des sommes collectées sont redistribuées aux membres respectifs et 25 % conservées pour financer les manifestations culturelles ou les actions de défense.
Ces montants sont déterminés en application d’un barème complexe, évoluant selon les supports, calculé parfois par giga, parfois par tranches de capacité quand ce n’est pas une somme forfaitaire (15,10 euros HT pour les smartphones dotés de plus de 64 Go, par exemple).
Tablettes, box, disques durs externes, smartphone...et PC hybrides
L’année 2017 est cruciale puisque plusieurs barèmes vont être réactualisés au sein de cette instance abritée par le ministère de la Culture. De nouvelles études d’usage vont jauger les pratiques de copie d’un panel de consommateurs pour ensuite déterminer des tarifs réactualisés.
Selon toute vraisemblance, les PC portables hybrides, ceux dont l’écran se détache du clavier, risquent de tomber dans l’escarcelle avant, pourquoi pas, l’assujettissement des portables classiques voire des PC fixes. Un vœu exprimé par la Sacem en 2014.
Un marché public a donc été lancé par le ministère de la Culture pour financer une vague d’études sur quatre segments : tablettes et PC hybrides, disques durs externes, décodeurs et box, smartphones. Deux sociétés ont répondu à l’appel d’offres, Médiamétrie et l’Institut CSA. Mais c’est bien ce dernier, soutenu une fois encore par les ayants droit, qui a remporté la mise.
12 voix pour Médiamétrie, 12 voix + 1 pour l'Institut CSA
Début mai, le vote était plus que serré, puisque les 12 voix des sociétés de gestion collectives se sont opposées frontalement aux 12 autres voix, à savoir les 6 représentants des consommateurs et les 6 du collège des industriels. Cependant, une fois encore, le président Jean Musitelli est intervenu pour apporter sa voix dans la balance des ayants droits.
Dans les coulisses de la commission, la procédure a agacé puisque l’offre de l’Institut CSA est nettement plus chère que celle de Médiamétrie. Et pour cause, contrairement à ce dernier qui proposait de faire des études en ligne, l’Institut CSA s’appuie sur la procédure en porte-à-porte, celle qui a toujours été utilisée dans le passé.
Comme autrefois, ce choix permettra donc de reproduire les bonnes vieilles recettes : le sondeur demande au sondé de bien vouloir lui ouvrir ses supports « pour regarder ensemble les fichiers qu’il contient ». Puis, il lui demande d’estimer la part de fichiers piratés. Or, le risque est celui d’un biais : le consommateur, face à un enquêteur œuvrant pour le ministère de la Culture, pourrait minorer la part de l’illicite pour maximaliser ses acquisitions licites.
Ce jeu de vases communicants a des conséquences très concrètes sur les barèmes définitifs : conformément au droit européen et à la jurisprudence du Conseil d'Etat, la redevance ne peut qu’indemniser les copies réalisées à partir de sources licites. Et plus les copies sont nombreuses à partir de ces sources, plus les sociétés de gestion collective peuvent aspirer de la redevance.
Avec des sociétés de gestion en position de force au sein de la commission, les ayants droit français peuvent s’enorgueillir d'aspirer chaque année 230 millions d'euros. Un résultat représentant 39% de la collecte de RCP en Europe en 2015.