Uber a licencié Anthony Levandowski, un transfuge de chez Waymo impliqué dans une affaire de vol de propriété industrielle. La filiale d'Alphabet accuse en effet le service de VTC de se servir de ses propres technologies dans le développement de ses voitures autonomes.
Pour comprendre la portée de la mesure, il faut rembobiner un peu. En février dernier, Alphabet dépose plainte contre Uber pour vol de propriété industrielle. Le premier reproche au second d’avoir profité de l’embauche d’Anthony Levandowski, qui a travaillé un temps chez Waymo, une des filiales de la maison mère de Google, notamment sur les systèmes lidar (laser detection and ranging) essentiels aux véhicules autonomes.
Levandowski n’est pas allé directement travailler chez Uber. Il a d’abord été embauché par Waymo, avant de fonder sa propre entreprise, Otto, spécialisée dans la conception de poids-lourds autonomes. Or, c’est cette société qu’Uber a racheté quelque temps après. Pour 680 millions de dollars, elle récoltait notamment toute la propriété industrielle, y compris celle créée par Levandowski… que Waymo a accusé de récupération.
La conséquence d'un refus d'obtempérer
Uber s’est donc débarrassée littéralement d’Anthony Levandowski. L’information a d’abord été rapportée par le New York Times, qui a obtenu confirmation de l’entreprise, tout comme Recode.
La question qui se pose évidemment est de savoir si ce départ forcé est une conséquence directe de l’affaire qui lie Alphabet à Uber. Dans l’affaire en cours, le témoignage de Levandowski est bien entendu un élément clé. Or, l’ingénieur et chef d’équipe a refusé de s’y plier pour l’instant, invoquant le Cinquième amendement de la Constitution américaine, qui permet de ne pas témoigner contre soi-même.
Il y a environ deux semaines, Uber a officiellement demandé à Levandowski de changer de ligne de conduite. L’entreprise lui recommandait ainsi de ne plus s’abriter derrière le Cinquième amendement et d’obtempérer au tribunal, qui lui réclame de nombreux documents. En outre, il lui est demandé son ordinateur portable ainsi que les données qu’il contient et la liste de tous les contacts qui auraient pu accéder à ces informations.
Salle Yoo, responsable juridique d’Uber, rappelait alors à Levandowski que s’il ne répondait pas aux demandes, son emploi serait sur la sellette. L’ingénieur n’ayant pas changé de défense, la sanction est tombée. Angela L. Padilla, responsable associée, a ainsi confirmé : « Nous prenons très au sérieux nos obligations envers la cour, et nous avons donc décidé de mettre fin à son emploi chez Uber ».
Et maintenant ?
Difficile pour l’instant de savoir comment la situation va évoluer, aussi bien pour Levandowski que pour Uber. Aucun des deux n’en a fini avec le tribunal. L’ingénieur reste sous le coup de nombreuses demandes, Alphabet ayant accusé Uber de profiter de 14 000 documents dérobés par Levandowski avant qu’il ne parte de Mountain View.
L’un doit donc fournir ces fameux fichiers, tandis que l’autre va devoir prouver que ses avancées techniques ne sont pas liées à la propriété d'Alphabet. Selon les premiers éléments collectés il y a plusieurs mois déjà, la partie semble cependant complexe pour Uber. Un fournisseur de composants avait ainsi indiqué à Waymo que le dessin d’une carte électronique d’Otto avait une « très forte ressemblance » avec le sien, y compris des caractéristiques décrites comme « uniques ».
Uber se sépare donc d’un élément qui devenait trop gênant. Ce qui ne résout en rien les soucis de l’entreprise, mais permet de relâcher un peu de pression, notamment en termes d'image, la défense de Levandowski risquant de l'écorner quelque peu. Or, Uber fait déjà face à plusieurs problèmes. Outre les plaintes de Waymo et Alphabet, l’entreprise a rencontré des soucis avec ses véhicules autonomes, notamment à San Francisco, et a été entouré d’un parfum de scandale après les accusations d’une ex-ingénieure sur le harcèlement sexuel qui sévirait dans l’entreprise.