Le Conseil national du numérique avait été créé à la demande et sous le mandat du président Sarkozy, en mai 2011. Six ans après ce cri primal, la jeune institution, qui a connu des hauts et des bas, est en quête d’une régénérescence. En témoigne ce manifeste tout juste signé par l’ensemble de ses membres, passés et présents.
Alors que ses oppositions ont été parfois frontales notamment avec l’Intérieur sur le ring du fichier « TES », le Conseil national du numérique estime aujourd’hui « nécessaire d’élargir son périmètre d’intervention et d’enrichir ses modes d’action ».
Comment ? En haut de la pile de ses priorités, les yeux sont rivés sur l’Europe, où le conseil a en mémoire ses travaux « de réflexions sur le chiffrement, sur le soutien à l’innovation et la libre circulation des données » ou sur le traité de libre-échange transatlantique. Dans ce manifeste, il compte donc « approfondir cette dynamique en organisant un processus d’échanges continu, formalisé par des rencontres régulières qui pourraient inclure des représentants de la Commission européenne et des États membres ».
Des liens avec ses homologues européens
Il compte tout autant nouer des liens étroits avec ses homologues des autres pays européens. « Ces rendez-vous viseraient à contribuer à la stratégie numérique européenne, notamment autour de la construction d’une synergie des écosystèmes numériques européens et à la modernisation des outils de régulation à l’heure du numérique (droit de la concurrence, droit de la propriété intellectuelle, droit des données, etc.) ».
Les seuls chantiers du règlement sur les données personnelles ou de la révision de la directive sur le droit d’auteur nourrissent sans mal ses vocations, outre les questions de l'intelligence artificielle, de la robotisation ou de la libre circulation des données.
Co-construction politique
Plus près de nous, la même institution entend surtout devenir une « nouvelle place d’échange direct, lieu d’information sur la transition numérique et de contribution à l’élaboration des politiques publiques numériques ».
Pour surfer sur la co-construction politique, l’institution veut dès lors « accueillir des rencontres régulières entre les mondes politique et administratif, et les représentants de l’écosystème numérique ». En conséquence, de sa propre initiative, le Conseil « sollicitera les élus, les entreprises, les collectifs d’initiatives citoyennes, les chercheurs et l’ensemble du public ».
Autre idée : confier « officiellement aux membres du CNNum la responsabilité de suivre chacun un domaine particulier des politiques publiques. Ceci permettrait à chaque ministre d’avoir un interlocuteur identifié au sein du collège ». L’un des exemples sur le grill est évidemment la question du chiffrement, sur laquelle la communication du candidat devenu président a été quelque peu cafouilleuse : « les travaux en cours du CNNum montrent qu’il est nécessaire de concevoir les mesures tendant à une sécurité optimale de nos concitoyens, en s’interrogeant collectivement sur l’ensemble des conséquences qu’elles auront » remarque poliment le Conseil.
Introduire une saisine citoyenne
« Le lien avec le Parlement et la société civile pourrait par ailleurs être renforcé par le biais de saisines parlementaires ou citoyennes » suggère encore le CNNum, qui plaide donc pour l’introduction de fenêtres à portée de plus de mains.
« Pour acter le fait que nous sommes des contributeurs particuliers à l’action publique, membres bénévoles, externes à l’administration et très indépendants, on pourrait donner l’idée qu’il s’agit d’une nouvelle façon de travailler avec les citoyens » nous commente Sophie Pène, vice-présidente du Conseil.
Un constat d'impuissance ?
Afin d'ébaucher ce manifeste dévoilé aujourd’hui, « l’idée a été de se rassembler dans une communauté plus large, dépassant le collège en cours, tous les membres qui ont participé à la courte histoire du CNNum afin de porter des valeurs communes, se tourner ensemble en réseau vers un futur positif et contributif pour l’élaboration d’une politique numérique d’État » poursuit cette professeure à l’Université Paris Descartes.
Faut-il voir au revers de ces multiples propositions, l’aveu d’un certain constat d’impuissance, d'une institution arrivée au maximum de ses limites ? « Sûrement pas, rétorque l’intéressée. Nous sommes un organisme consultatif, nous n’avons pas autorité pour imposer des décisions. Nous avons tout à fait conscience d’avoir été écouté, mais pas entendu, ou le contraire, sur le fichier TES ».
L'instance entend se concentrer davantage encore sur l’écosystème numérique tout en touchant un nouveau public. « Dans les membres du Conseil, il y a des gens qui pensent que la priorité c’est vraiment qu’on travaille avec les cabinets et les administrations centrales, certains qu’on doit avoir plus d’impact avec le monde économique et les grandes entreprises, d’autres enfin pensent qu’on n’existe pas assez par rapport à la société. C’est tout ça que l’on veut traduire » ajoute Sophie Pène. « Ce n’est pas un aveu d’impuissance, le CNNum a toujours été très réactif à l’accélération des transformations numériques. On arrive dans une nouvelle phase. »
Mounir Mahjoubi, du Conseil au secrétariat d'État au numérique
Si le départ de Mounir Mahjoubi pour la campagne Macron a engendré une certaine perte de surface médiatique, sa nomination en tant que secrétaire d’État au numérique est considérée comme une chance, voire « une sorte de reconnaissance du Conseil », avec la garantie d’avoir une familiarité de travail sur les sujets numériques, d’autant qu’il est directement rattaché au Premier ministre.