Le contrat Open Bar entre la Défense et Microsoft va-t-il rempiler pour quatre ans ?

Windows at the door
Logiciel 5 min
Le contrat Open Bar entre la Défense et Microsoft va-t-il rempiler pour quatre ans ?
Crédits : tab1962/iStock/ThinkStock

Le contrat entre Microsoft et la Défense sera l’un des gros chantiers de la ministre de la Défense. Cet accord dit Open Bar qui lie les deux acteurs arrive en effet à échéance dans trois jours, prêt à signer pour la troisième fois.

Selon le dernier numéro de Marianne, le contrat Open Bar liant le ministère de la Défense avec Microsoft arrive à échéance le 25 mai 2017. En prévision, dans une note signée de l’état-major des armées en date du 2 décembre 2015, il est demandé notamment à l’armée de Terre d’effectuer « un recensement du besoin en logiciels Microsoft » pour la période 2017 à 2021.

Ce contrat noué pour la première fois en 2009, renouvelé en 2013, reconnait aux services un large droit d’usage sur la plupart des licences made in Redmond. La Défense avait notamment justifié ce dispositif par la nécessité de globaliser « les contrats d'acquisition des licences auprès des éditeurs de logiciels » afin de concevoir « des systèmes d'information capables d'agir en interaction avec des systèmes alliés au titre des besoins opérationnels des armées ».

Mieux, selon Jean-Yves le Drian, alors à la tête de ce ministère régalien, cette contractualisation est une démarche « qui s'inscrit dans une dynamique interministérielle de modernisation par la mise en place d'une logique d'achat économiquement plus performante » et qui « a permis d'optimiser la location et la tierce maintenance applicative des logiciels ».

La balle dans le gouvernement Philippe

La date butoir du document, qui pourrait être une fois encore passé sans appel d’offres, n’est qu’indicative. Nous avons à ce titre interrogé le ministère pour savoir si Jean-Yves le Drian avait finalement signé le document avant le terme du gouvernement Hollande. Ou si, comme le laissent suggérer nos confrères et nos sources, la patate chaude est bien dans les mains de Sylvie Goulard, tout juste désignée à ce poste par Emmanuel Macron sur proposition du premier ministre Édouard Philippe.

Dans Marianne, Georges Rozen, qui fut rapporteur au sein de la Commission des marchés publics de l’Etat (CMPE), n’est pas tendre sur la procédure choisie, celle de l’accord de gré à gré. Si l’instance avait accordé un avis favorable, Rozen relève que de son point de vue, « c’était déjà illégal à l’ époque, je ne vois pas pourquoi cela le serait moins aujourd’hui ! On m’a demandé de valider la décision politique émanant d’un cabinet, j’ai refusé, mais on ne m’a pas écouté. »

Délit de favoritisme, selon le rapporteur de la CMPE

Toujours selon le rapporteur, « il n’y avait aucune raison de favoriser Microsoft. Il n’a pas le monopole du traitement de texte… On était dans un délit de favoritisme, ce contrat aurait dû passer par une procédure de marché public, ça relève du pénal. Ce contrat aurait dû finir devant un tribunal, mais personne n’a osé ». Ambiance.

Répondant à une question parlementaire de la sénatrice Joelle Garriaud-Maylam, Jean-Yves Le Drian avait pourtant soutenu que « l’avis émis par la commission des marchés publics de l’État (CMPE) n’a remis en cause ni l’objet ni la procédure suivie pour passer l’accord-cadre ». Une lecture très fleurie d’un champ de chardons. 

D’ailleurs, révélé dans nos colonnes, le rapport de la CMPE, préalable à l’avis, avait lui été aussi corrosif avec l’option choisie militairement : « tout le monde sait bien ce qui se passe en pratique, et qui se répète dans bien d’autres domaines où un fournisseur est en position dominante : dans le cas présent les utilisateurs ont l’habitude des produits du fournisseur et rechignent à en changer, l’acheteur public est de toute façon obligé à terme d’acheter les versions successives des produits, les anciennes versions étant « arrêtées » à une date dépendante du bon vouloir du fournisseurs ». 

Marianne contrat open Bar microsoft
Crédits : Marianne

Il s’agit d’une nouvelle casserole affectée à ce contrat. On se souvient d’ailleurs des propos tenus face aux caméras de Cash Investigation par Arnaud Coustillière, officier général à la cyberdéfense à l’État-major des armées. Au regard de la sécurité, des révélations Snowden et de cette NSA tentaculaire, celui qui était membre du comité de pilotage chargé d’étudier la proposition de Microsoft avait expliqué qu’« en termes de sécurité, moi personnellement, cela ne m’inquiète pas plus que ça. Après effectivement, Microsoft étant propriétaire des sources de ses logiciels, il est très difficile d’avoir la garantie qu’il n’y a pas de backdoor, de vulnérabilités cachées dans les produits. Si vous voulez, c’est une balance de risque par rapport à un coût. Aujourd’hui (…) ce n’est pas là que résident nos principales failles de sécurités ou vulnérabilités ».

Une logique comptable et budgétaire

En février 2017, répondant à une question de Claude Malhuret en commission parlementaire, Guillaume Poupard avait décrit cet état des lieux : « Dans le cas très particulier du ministère de la Défense, c'est une logique comptable et budgétaire qui a prévalu : remplacer 3 000 contrats par un seul contrat, cela réduit considérablement la facture. On peut juste regretter qu'il n'y ait pas eu davantage d'approches stratégiques de long terme. C'était peut-être le moment de remettre en cause la forte dépendance au logiciel propriétaire. Cela n'a pas été fait, mais la démarche était logique au niveau local. »

À l’heure du choix, l’April, qui défend le logiciel libre, profite de la fenêtre de tir pour en appeler au Président de la République et au gouvernement. L’association souhaite la suspension de la renégociation du fameux contrat et l’organisation d’une enquête « visant à faire toute la lumière sur le rôle joué par les différents acteurs dans ce dossier scandaleux ».

Selon Frédéric Couchet, « ce contrat Open Bar avec Microsoft n'est qu’une partie émergée de l’iceberg des relations entre Microsoft et l'État français. Espérons que le quinquennat à venir verra la mise en place d'une cure de désintoxication et d'une vraie politique publique en faveur du logiciel libre. »

Contactée, Microsoft n'a pas encore répondu à nos sollicitations.  

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