Pour protéger les citoyens en ligne comme ils le sont hors-ligne, le Parti conservateur britannique prône dans un manifeste un renforcement des pouvoirs de l'État sur les entreprises du numérique. Réseaux sociaux, moteurs de recherche ou boutiques d'applications devront coopérer, sous peine de sanctions.
Les plateformes en ligne pourraient bien voir leurs responsabilités s'accroître au Royaume-Uni. Le Parti conservateur a publié, le 18 mai, son manifeste pour les élections générales anticipées du 8 juin. Présenté par la Première ministre Theresa May, il détaille notamment les plans pour protéger les Britanniques en ligne après le Brexit.
L'idée fondamentale est que le gouvernement doit reprendre la main sur le contrôle de l'économie et des contenus en ligne, quitte à forcer la main aux plateformes pour faire respecter la loi. Réseaux sociaux et médias sont au cœur de ce dispositif. En novembre dernier, le parlement avait déjà adopté une loi musclée sur le renseignement, renforçant la surveillance du Net et l'intrusion dans le chiffrement.
« Certains disent que ce n'est pas aux autorités de réguler les technologies et Internet. Nous ne sommes pas d'accord » attaque le parti, qui liste les pouvoirs qu'il se verrait bien prendre sur la Toile.
Gouvernement contre entreprises
Le Parti conservateur ambitionne de devenir « le leader mondial de la régulation de l'utilisation des données personnelles et d'Internet ». Il ne faudrait pas laisser ce rôle aux entreprises privées, qui y semblent pourtant prêtes. Microsoft, par exemple, réclame une Convention de Genève du numérique, se plaçant comme protecteur des internautes.
Le manifeste parle ainsi d'imposer à l'industrie numérique, via une charte, de relayer la prévention sur les risques en ligne comme le harcèlement. Une taxe pourrait être imposée, comme elle l'est déjà à « l'industrie du jeu d'argent », rappelle-t-il. Le but est de protéger la population en ligne, enfants compris, en renforçant les responsabilités des acteurs privés et les moyens légaux à leur encontre.
Des restrictions concrètes sur l'expression en ligne peuvent être posés, en impliquant davantage les réseaux sociaux dans la suppression des contenus manifestement illicites ou en empêchant les moteurs de recherche d'inclure certains sites (la pornographie étant citée par ailleurs). Un tour de vis législatif confirmé par des membres du parti à Buzzfeed News.
Une collaboration renforcée
« Nous porterons la responsabilité sur l'industrie, pour qu'elle n'envoie pas les internautes (même intentionnellement) vers des propos haineux, de la pornographie ou d'autres sources de préjudice » écrivent clairement les Conservateurs dans leur manifeste. Soit les entreprises collaborent, soit le couperet légal tombe, pensent-ils.
Face à l'obligation de supprimer un contenu, réseau sociaux ou boutiques d'applications devront soit se conformer à la demande, soit expliquer leur refus. Le parti souhaite aussi pousser les entreprises du secteur à continuer de développer des outils techniques de lutte contre la propagande terroriste, aider les plus petites entreprises dans cette lutte et contribuer aux contre-discours. Elles doivent aussi contribuer aux plans officiels pour combattre l'extrémisme.
D'autres mesures spécifiques sont envisagées, comme le droit de supprimer les informations des mineurs quand ils ont 18 ans.
Protection des médias et nouveau cadre international
Les Conservateurs prévoient aussi de protéger la fiabilité et l'objectivité des médias en ligne, dans une période où cette dernière et les géants du Net affichent leur lutte contre la désinformation. Ils souhaitent aussi s'assurer que les médias et industries créatives aient un modèle viable en ligne. Selon Buzzfeed, les deux principales régies publicitaires du Net, Facebook et Google, sont en ligne de mire, avec l'idée de leur forcer la main sur la compensation des médias, s'ils ne s'y plient pas par eux-mêmes.
Plus largement, ils souhaitent rendre les prix plus transparents et faciliter le changement de fournisseur d'accès sur l'Internet fixe. La Première ministre actuelle se prépare aussi à « poursuivre » le plan d'investissement de 1,9 milliard de livres dans la cybersécurité, avec l'édiction de meilleurs standards pour l'administration et les services publics.
Sur le contrôle des contenus en ligne, le manifeste pointe enfin le besoin d'un nouveau cadre légal international, à concevoir avec d'autres démocraties et les acteurs privés.