Fort de sa victoire contre Facebook et Oculus sur la paternité du casque de réalité virtuelle Rift, ZeniMax a décidé de s'attaquer à Samsung, qui en employant des technologies Oculus dans son Gear VR, violerait la propriété intellectuelle de l'éditeur.
Souvenez-vous, en mai 2014, Zenimax se lançait dans une longue procédure afin de contester la paternité des technologies utilisées dans l'Oculus Rift. L'éditeur de DOOM reprochait à la société fondée par Palmer Luckey de lui avoir dérobé plusieurs de ses technologies pourtant protégées par un accord de non divulgation (NDA).
Sur les cendres d'un procès à 500 millions de dollars
Publiquement, le dirigeant a reconnu à maintes reprises l'importance des informations fournies par son partenaire, mais en coulisse, Oculus rechigne à signer un accord qui lui permettrait d'utiliser commercialement ces technologies, jugeant les propositions de Zenimax « complètement hors de propos ».
Trois ans plus tard, la procédure est arrivée à son terme et Oculus VR a dû verser 300 millions de dollars de dommages à Zenimax, dont 200 millions pour la rupture du NDA signé en 2012, 50 millions de dollars pour violation de copyright, et encore 50 millions de plus pour violation de marque déposée et tromperie sur l'origine.
Après cette victoire obtenue au forceps, ZeniMax veut battre le fer tant qu'il est chaud. Sa prochaine cible n'est autre que Samsung, dont le casque Gear VR a été co-développé avec Oculus, et qui pourrait donc renfermer certaines de ses technologies.
Un SDK mobile litigieux
Dans un épais document relayé par Polygon et transmis à un tribunal texan, ZeniMax affirme que « le code et les documents confidentiels dérobés par John Carmack ont permis à Oculus de développer secrètement un SDK mobile, et les logiciels périphériques pour le Gear VR ». Or ce SDK obtenu par Samsung via Oculus, ferait usage des secrets de ZeniMax, aurait été obtenu via la rupture du NDA pour laquelle la start-up a été condamnée et aurait donc une origine frauduleuse.
ZeniMax apporte d'ailleurs de nouveaux éléments par rapport à sa plainte initiale contre Oculus. L'entreprise explique par exemple que John Carmack a prévenu par e-mail Brendan Iribe, le PDG d'Oculus de le contacter via une autre adresse e-mail pour « toute communication ne concernant pas id Software ».
Avant de rejoindre la filiale de Facebook, Carmack aurait également fait entrer un ancien employé de l'entreprise, Marl Hooper dans ses locaux après les heures de travail pour lui « parler d'Oculus », et l'aurait laissé examiner les travaux de ZeniMax. Une découverte que l'entreprise a pu faire en examinant les bandes des caméras de surveillance dans ses bureaux.
L'éditeur assure également que le soir même, Hooper a contacté plusieurs employés d'Oculus, pour leur expliquer que lui et Carmack avaient mis au point un plan d'attaque pour la réalité virtuelle sur mobile, qu'ils appliqueraient chez Oculus, et qu'ils pourraient fournir à Samsung.
Pour ZeniMax, Samsung était nécessairement au courant des risques
Autre point important, l'éditeur rappelle que ses démêlés avec Oculus ont été très largement médiatisés, à partir du mois de mai 2014, notamment dans des journaux comme The New York Times, The Wall Street Journal ou encore USA Today. « En s'appuyant sur la nature publique de la plainte, et sur la couverture étendue qu'elle a reçue dans la presse, Samsung savait, ou aurait raisonnablement dû avoir connaissance des allégations contre Oculus peu de temps après le dépôt de la plainte » estime l'ancien employeur de Carmack.
ZeniMax juge donc que Samsung devait forcément savoir que les technologies Oculus provenaient potentiellement des travaux de l'éditeur américain. Or cela n'aurait pas freiné le géant coréen qui s'estimait dans son bon droit, en ayant acquis une licence auprès d'Oculus pour son Gear VR, qui sera finalement lancé quelques mois plus tard, le 3 septembre 2014. Samsung annoncera alors fièrement que son casque renferme les technologies d'Oculus, notamment le fameux SDK mobile, sans jamais citer ZeniMax.
Six chefs d'accusation
ZeniMax entend obtenir réparation pour six infractions commises par Samsung. La première concerne la violation du copyright de plusieurs propriétés intellectuelles de Zenimax, dont du code lié à l'implémentation de la réalité virtuelle et à des fins de test, qui se seraient retrouvés au sein du Gear VR. Les deux suivantes concernent l'appropriation de secrets commerciaux, à l'échelle de l'État du Texas, et au niveau fédéral. Ici, l'entreprise fait allusion au vol d'informations confiées à Oculus sous couvert de NDA et pour lequel la filiale de Facebook a déjà été condamnée.
L'éditeur enchaîne ensuite avec une accusation de concurrence déloyale, estimant que Samsung a commis plusieurs actes illégaux en s'appropriant sans autorisation les propriétés intellectuelles de ZeniMax, le privant de la possibilité de contrôler leur diffusion, et de rentabiliser ses investissements. Dans la même veine, le groupe américain évoque l'enrichissement injuste de Samsung sur son dos, grâce à la vente de plusieurs millions de casques exploitant ses technologies et des smartphones nécessaires à son bon fonctionnement.
Enfin Zenimax accuse Samsung d'interférence contractuelle, au titre des divers accords de confidentialité signés avec Oculus et John Carmack qui auraient été violés lors de la fourniture des technologies permettant de faire fonctionner le Gear VR.
Pour tous ces chefs d'accusation, ZeniMax souhaite obtenir des dommages à hauteur du préjudice subi, récupérer les profits réalisés par les accusés grâce à ses technologies, collecter des royalties sur ses inventions, et voir infliger une sanction « punitive et exemplaire » au géant coréen. Pour l'heure, Oculus et Samsung n'ont pas encore réagi publiquement à cette procédure, qui devrait au bas mot s'étendre sur quelques trimestres.