SFR a assigné Orange en justice pour récupérer une part plus importante des déploiements de fibre dans les agglomérations de taille moyenne. Après deux ans de discussions infructueuses, SFR fait appel à ses avocats, face à un opérateur historique qui répète ne rien vouloir changer.
SFR sort les muscles en justice. L'opérateur a assigné Orange devant le tribunal de commerce de Paris, pour obtenir une plus grande part des déploiements fibre dans certaines villes. L'information, révélée par Les Échos et que nous ont confirmé les deux entreprises, arrive presque deux ans après une décision de l'Autorité de la concurrence sur le sujet.
Concrètement, SFR veut lever la mainmise d'Orange dans le déploiement de la fibre dans certaines agglomérations moyennes (zones moins denses). La marque au carré rouge veut poser en masse sa fibre, après avoir rénové son réseau câble, dans un effort commencé fin 2014. L'opérateur historique se dit surpris de cette assignation, confirmant vouloir maintenir la répartition actuelle, où il prend en charge la majorité du travail.
« La répartition des zones AMII est quelque chose qui remonte, d'un commun accord d'Orange et SFR, béni par l'Autorité de la concurrence et le gouvernement » nous rappelle le groupe, qui ne se voit pas changer de stratégie maintenant.
Fin de l'hiver pour la pose de fibre chez SFR
Il s'agit de la répartition des déploiements de fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) sur 12 millions de lignes en zones moins denses, soit les agglomérations moyennes. Dans ces zones, deux opérateurs (Orange et SFR) déploient le réseau, dans lequel les autres coinvestissent. Elles se situent entre les zones très denses (où chacun tire sa fibre, à l'exception de Bouygues Telecom) et les zones peu denses (où des réseaux publics pallient l'absence de déploiements privés).
En octobre 2014, Numericable rachetait SFR. Le groupe se concentre alors sur l'amélioration du réseau câble, qu'elle confond commercialement avec sa fibre. Les déploiements en FTTH sont gelés (notamment à Lille Métropole), ce que craignait l'Autorité de la concurrence en autorisant le rachat.
En juillet 2015, après des mois de négociations infructueuses entre Orange et SFR, l'institution tranche en faveur de l'opérateur historique, libre de déployer sa fibre dans les zones « câble ». Début 2016, Orange nous affirmait récupérer la charge de 800 000 lignes supplémentaires. Ce que SFR conteste désormais.
Maintenant que son réseau câble est presque entièrement rénové, il compte se relancer en force sur les déploiements en fibre, en reprenant une part du gâteau à son concurrent... mais aussi en évitant au mieux de doublonner son réseau câble, même si ce n'est pas exclu, comme nous l'affirmait Michel Paulin, son directeur général.
Sa stratégie est de miser sur le Gigabit, sur l'Internet fixe et mobile (via la 4G puis la 5G). Une promesse importante censée ramener les clients à lui, alors que l'entreprise continue d'en perdre au fil des trimestres, avec un nombre de réclamations en explosion.
Renégociation et scepticisme
Du point de vue de SFR, les négociations avec Orange sont un échec alors qu'il veut prendre à sa charge une partie de l'effort industriel. Il est donc temps de mettre la pression en justice.
Pourtant, y a-t-il un réel intérêt à redécouper les déploiements en zone moins dense ? Rien n'est moins sûr. Antoine Darodes, directeur de l'Agence du numérique, nous répondait récemment que ce redessin « semble pertinent de manière marginale, dans des cas précis, [mais] il peut être dangereux pour le plan [France THD] en dehors d'un cadre consensuel ». Autant dire qu'une entrée en justice ressemble peu à une démarche consensuelle... alors qu'Orange et SFR mènent une course pour sécuriser les conventions avec les collectivités sur la pose de la fibre en zone moins dense, nous affirmait Bercy.
Si SFR affiche sa volonté de reprendre les déploiements fibre, notamment pour alléger la charge d'Orange, ce dernier ne veut rien entendre. « Nous nous sommes engagés sur 80 % des lignes en zones AMII, eux sur 20 %. Nous tenons nos engagements, eux n'ont pas encore réussi à tenir ceux qu'ils ont déjà pris » nous répond l'opérateur historique. Pour lui, les engagements pris en masse auprès des collectivités sont un argument supplémentaire pour ne rien changer.
Orange n'a pas d'idée précise sur les suites à apporter à cette assignation, sinon continuer ses déploiements. « Nous sommes à l'aise sur le sujet » répond le premier opérateur-déployeur de fibre du pays. Il faut dire que ces poses massives de FTTH contribuent directement à sa reconquête commerciale sur l'Internet fixe, surtout en ville, où l'opérateur historique est parfois le seul à proposer un accès via ce nouveau réseau.